II - Escapade Royale - Partie 1

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18 octobre 1874 — Sultakara

Au-delà des mers et des montagnes, bien loin du désertique Palais des Chimères, la civilisation sultakaroise se complaisait dans une force tranquille et une solide puissance. Occupant une bonne partie des terres du continent de l'Adrastée, il faisait bon vivre au royaume de Sultakara. Une joie toute particulière saisissait la capitale, les habitants heureux de voir leur bon roi enfin de retour après un énigmatique voyage. Il y avait là une promesse d'une nouvelle ère de paix où angoisses et souffrances n'avaient plus leur place. Le peuple était satisfait.

Cette nouvelle paix n'atteignait pas tous les coeurs, cependant. En particulier celui d'une personne mystérieuse qui sillonnait les couloirs du palais royal, très soucieuse de ne pas se faire repérer. Un capuchon rabattu jusqu'à son front, le col de sa chemise surélevé pour cacher la partie basse de son visage, celle-ci était drapée dans une cape d'un bleu sombre qui descendaient jusqu'à ses chevilles. La fine courbe qui rehaussait le tissu au niveau de son buste laissait deviner qu'il s'agissait d'une poitrine et donc, d'une femme.

Toujours sur ses gardes, la jeune femme avançait à pas de loup, dans l'ombre des couloirs et se plaqua sur le mur à l'embranchement. Tout doucement, elle avança sa tête et jeta un coup d'oeil au prochain corridor.

Personne ! Vite.

Elle bondit hors de sa cachette, fit un pas en tendant l'oreille, puis deux, puis trois et se mit à détaler le long de la galerie, profitant du riche tapis bleuâtre en contrebas qui occultait le bruit de ses pas.

Encore à droite et ensuite, j'y serai.

La silhouette encapuchonnée arriva au bout du second couloir et répéta le même stratagème. Cette fois, deux gardes patrouillaient en parlant d'une voix forte.

Rah... Si près du but ! Je ne dois pas perdre maintenant.

Elle resta quelques instants à fixer le défilé des hautes fenêtres qui parcouraient tout un pan du mur. Bien que très riches, très luxueuses avec leur cadrant doré ornementé et les rideaux de velours qui occultaient quelque peu la lumière du soleil, la jeune femme n'y voyait qu'une chose : un échappatoire. La deuxième vitre était sa cible.

Allez, partez !

Impatiente, elle attendit que les damnés chevaliers ne s'éloignent mais ceux-ci semblaient se complaire dans une lenteur agaçante. Hélas, un bruit de serrure derrière elle l'inquiéta. La porte ne s'était même pas encore ouverte complètement que la dame encapuchonnée bondit agilement vers un des panneaux de velours, bénissant le ciel qu'ils soient suffisamment long pour cacher complètement son corps. Un des chevaliers se retourna d'un air suspicieux.

— Tu n'as pas entendu quelque chose ? demanda-t-il à son collègue.

Il s'avança un peu. Une main plaquée sur sa bouche et son nez, la jeune femme se retenait à grande peine d'éternuer à cause du nuage de poussière qui subsistait derrière le rideau. Elle sentait son coeur tambouriner dans sa poitrine, craignant de se faire découvrir.

Pitié, Dieu du ciel, pitié...

— N'importe quoi ! s'esclaffa l'autre en lui donnant une bourrade. C'est la faim qui te donne des hallucinations, c'est ça ? Allons manger, tiens. Notre service dure trop longtemps.

Terreur Lunaire - Livre 1 - Vers le Cœur ArkhaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant