~PROLOGUE~

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Elle ne devrait pas être là.

Cette intime conviction me rend furieux et je sens la rage contracter mon cœur. Malgré mes efforts pour me contrôler, je sens mes muscles se tendre tandis que mon sang bouillonne de colère dans mes veines.

J'imprime soigneusement le visage de chaque membre du Conseil dans ma mémoire, me jurant de leur expliquer ma façon de penser à la première occasion. Leurs sourires hypocrites et leurs yeux faussement désolés me rendent encore plus nerveux. Ce n'est pas un procès, c'est une condamnation.

La voûte de la salle du conseil, richement décorée, surplombe l'immense Table de la Justice en marbre rose. Elle se retrouve donc au milieu du ''U'' que forme le meuble, exposée aux regards de tous. Je déteste cette disposition qui la rend coupable alors qu'elle ne l'est pas.

Mélisandre est là, resplendissante. Ses immenses cheveux blonds nattés sagement sur le côté et son visage si lisse me donnent envie de vomir. Revêtant le manteau blanc et or, elle incarne à la perfection l'autorité suprême et juste qu'ils attendent tous. Pour obtenir le silence, elle se contente de frapper deux fois le sol avec le Sceptre de Justice.

- Je déclare la séance ouverte, lance-t-elle de sa voix cristalline.

Son regard glacial balaie l'assemblée avant de se fixer sur Elle. Elle le soutient tout au long du procès, sans même écouter ce que les autres imbéciles racontent. Je ne sais pas vraiment pourquoi Elle se trouve ici mais j'ai la conviction que toutes les accusations proférées par les conseillers à son égard sont fausses. Je sais aussi que je ne peux rien faire. Alors je la regarde se perdre dans les profondeurs bleutées du regard de Mélisandre, fasciné.

Elle lui hurle sa haine de cette façon. Pas une seule fois je ne vois les cils de la femme bouger, pas une seule fois je ne vois son regard vaciller et je vois qu'Elle s'efforce de faire de même. Je ne sais pas exactement combien de temps ce petit jeu a duré mais aucune des deux femmes n'a cédé. Moi je n'ai toujours pas bougé, je crois que je n'y arrive pas mais je n'en ai que moyennement conscience.

Lorsque Mélisandre se lève pour prononcer la sentence de leur pseudo-procès, je serre les dents et vois qu'Elle redresse fièrement la tête, envoyant ses longs cheveux noirs valser dans la tête des deux femmes qui l'encadrent. Je souris.

- Moi, Mélisandre de Crysha, Prêtresse Divine et Reine de la Dynastie Renaissante, je condamne l'accusée à la Chute Ultime.

L'assemblée, d'abord approbative à l'annonce des titres se fige en entendant le verdict. Je fais de même et Elle aussi. Je ne sais pas ce que signifient ces mots mais tout mon être me hurle que c'est la chose la plus horrible qu'il soit.

Un silence de mort règne dans la salle avant d'être brisé par une foule de protestations.

- Majesté c'est impossible !

- Vous ne pouvez pas faire cela !

- Il en va de notre sécurité à tous !

- SILENCE ! tonne la jeune femme. J'ai parlé.

La suite se passe alors très vite. Sans que je ne puisse rien faire, Elle est poussée vers un immense trou que je viens de remarquer. Très large et de forme ovale, il est creusé dans le sol et offre une vue imprenable sur...Le néant.

Jusqu'alors très calme, je remarque qu'Elle est totalement paniquée à l'approche de cette affreuse porte. Elle tourne frénétiquement la tête autour d'elle, en quête de soutien. Les conseillers lui jettent des regards contrits mais n'interviennent pas. La représentante de la loi a parlé, ils n'ont pas le droit de la contredire. 

C'est alors que son regard de jade se pose sur moi, me figeant sur place. J'ai la drôle d'impression qu'Elle est la seule à me voir. J'ai conscience qu'Elle veut de l'aide mais je n'arrive pas à courir, encore moins à marcher. Je fais du sur-place, malgré l'ardent désir de la rejoindre. Je déteste cette sensation d'impuissance qui me prend la gorge en même temps que ma vision se brouille. J'ai l'impression de vivre la scène à travers de l'ouate et malgré tous mes efforts, seul mon esprit reste à peu près vif. La dernière image que j'ai d'Elle avant qu'elle ne bascule dans le vide est le regard accusateur qu'elle me lance, me promettant une vengeance terrible.

Une musique de pop frétillante qui colle très peu avec le décor envahit peu à peu mon champ auditif.

L'ultime pensée cohérente qui m'arrive au cerveau avant le black out est également la plus étrange : ''je crois que je connais cette inconnue.''

Puis une fraction de seconde après : ''Bordel, mon réveil !''

Les Ailes de l'EnsorceleuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant