Ils arrivaient au département de police, et Gordon fit lui-même descendre la jeune femme en la tenant fermement. À sa grande surprise, cette dernière n'avait aucunement tenté de s'échapper, et le laissa la mener. Elle était étrangement calme, droite, et presque sereine.
Les policiers se tournèrent sur son passage pour regarder le visage tant détesté. Les rancunes ne s'étaient pas évanouies, toujours aussi présentes, sangsues au cœur. En voyant les regards accusateurs et amers, Annie ne put s'empêcher de sourire. Gordon l'emporta dans une salle d'interrogatoire où il l'assit avec brusquerie. Il fixa ses menottes à la table devant elle, sans dire un mot, avant de sortir. Seul son regard trahissait sa fureur. Annie observait son reflet dans le grand miroir en face d'elle. Elle se découvrait à nouveau, comme revenue dans une réalité qui n'était plus la sienne. Elle s'était oublié, avait oublié ses faiblesses.
Alors, elle se regardait, toisant sa propre personne, pendant qu'elle le pouvait encore. Cette fille excessivement maquillée, qui avait du sang invisible sur tout le corps. On ne pouvait pas vraiment savoir si elle respirait, son ventre et sa poitrine se tenant immobiles. Annie en arrivait à se demander si elle était réellement en vie.
Elle se doutait que quelqu'un regardait derrière ce miroir suspect, et un léger sourire rida son visage, pour s'effacer aussitôt. Elle en oubliait le temps.
Une heure s'écoula, peut-être plus, lorsque l'inspecteur entra à nouveau dans la pièce. Il ne la regarda pas une seule fois avant de s'asseoir.
- Annie, c'est ça ?
Elle tourna ses yeux vers lui en entendant son prénom, délaissant son reflet.
- Seulement Ann, rectifia-t-elle avec douceur.
Il tournait les pages d'un dossier, étudiant chacune des feuilles.
- Ann... répéta-t-il à voix plus baisse, réfléchissant.
Il étala les feuilles devant elle.
- Voici les neuf agents du département qui sont morts. Pour la plupart, ils avaient une famille et des enfants. La femme, vous devez la reconnaître.
Annie observa toutes les images avec intérêt, sans répondre.
- Sarah Essen, continua-t-il, que vous avez tué avec votre bande d'amis.
Elle fronça les sourcils.
- C'est faux.
- C'est bien vous là, pourtant, dit-il en lui posant une photographie d'elle, tirée du massacre du gcpd.
On la voyait avec Jérôme, puis seule. Les mêmes images qui étaient passées tant de fois à la télévision. Elle caressa la photo du bout des doigts, depuis son visage, jusqu'à celui de Jérôme. Gordon ne disait rien, mais on voyait nettement sa colère se dessiner de plus en plus profondément sur son visage.
- C'est lui qui l'a tué, dit-elle enfin, avec une sorte de nostalgie.
- Vous étiez derrière lui, vous êtes complice de ce monstre.
Annie leva les yeux vers lui.
- Monstre ? Répéta-t-elle. Vous ne savez rien des monstres, dit-elle avec arrogance.
- Détrompez-vous, j'en croise chaque jours, cracha-t-il.
Elle rigola faiblement.
- Dites-moi, Inspecteur Gordon, qu'avez-vous fait lorsque Jérôme était battu par sa mère, seul, et qu'il n'était encore qu'un enfant ? Qu'avez-vous fait lorsque moi, j'étais tabassée par mon père dans ma chambre ? Que je n'en sortais jamais ? Que je n'arrivais même plus à crier ? Rien ! Vous n'étiez jamais là ! Les monstres ne naissent pas seuls, inspecteur Gordon. Nous sommes les erreurs de la société. Nous sortons du cœur même de cette ville. Et ça ne s'arrêtera pas, parce que Gotham aime les monstres. Alors ne me faites pas vos longs discours sur le bien et le mal, je sais de quoi ça parle.
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Le Temps de la Nuit (Jerome Valeska)
FanficGotham la sombre, Gotham la ténébreuse, où les ombres se faufilent avec tant de facilité. Invisibles, elles hantent les esprits, créatrices de monstres dans un monde d'Hommes. Et c'est là, dans cette obscurité que se dessine le spectre de Jérôme Val...