Devant la chambre 208, je replace ma mèche rebelle face au reflet de la vitre et je maudis le coupable. Mon coiffeur habituel n'ayant pas pu me recevoir samedi dernier, j'ai fait confiance à un autre coup de ciseau. Erreur. Grossière erreur. Manier son outil avec dextérité n'est visiblement pas donné à tout le monde. Me voilà donc en train de me réajuster, d'un geste furtif et discret, pour éviter les commentaires des infirmières. J'aurais honte, en tant qu'homme, de me faire prendre la main dans la bouclette en plein boulot, mais c'est pour la bonne cause. Je suis à deux pas d'Anaëlle, la patiente la plus attachante et la plus sexy de l'étage rééducation et convalescence. Cheveux bruns en cascade qui s'évanouissent sur une chute de rein sensuelle, qu'il m'a été donné d'apercevoir plus d'une fois. Ensemble relevé par un sourire transcendant, un regard azur et des mains d'une finesse incomparable. Bref, je l'ai déjà dans la peau, même si je ne dois pas montrer mon jeu. Chaque carte compte.
- Bonjour Anaëlle !
- Ah, bonjour Noa, me répond-elle en se redressant légèrement dans son lit.
Je l'interromps visiblement en pleine lecture du nouveau polar qui occupe ses journées trop longues.
- Comment allez-vous ce matin ?
- Ça va, même si je rêve du soleil, de la mer, des croissants chauds, du café Nespresso et du chant des oiseaux.
- Plus que sept semaines de courage...
- Je sais, la patience est mère de toutes les vertus.
C'est quand elle dit ce genre de phrase que je voudrais m'asseoir et la regarder parler. Contempler l'alliance de la beauté et de la vivacité d'esprit. Bon, OK, c'est aussi une indécrottable volcanique qu'il faut savoir canaliser les jours de blues. Mais qui pourrait se vanter d'être toujours d'humeur égale en étant cloué au lit ?
- Quels sont les potins du moment ? me lance-t-elle avec son air espiègle.
- La curiosité est un vilain défaut, Anaëlle !
- Allez, ne soyez pas vache... Je m'ennuie comme un rat mort ici et je n'ai pas de visite prévue aujourd'hui.
- Vous êtes pourtant bien entourée ! Vous savez que vous avez la chambre la plus fleurie de l'hôpital ?
Elle sourit, en contemplant la quantité de bouquets qui égayent les murs ternes et la décoration sommaire. Une majorité de roses rouges, d'orchidées et de lys blancs, qui sont sans aucun doute ses préférées, accompagnées d'une cohorte d'autres variétés. Ce doit être l'avantage d'exercer le métier de fleuriste : quand on pense à vous, on vous le signifie à grand renfort de couleurs éclatantes. Sa famille, ses amis mais surtout ses clients ne cessent de lui témoigner leur affection depuis son arrivée au mois de mai. Et, lorsqu'ils se calment un peu trop, je les imite en redoublant d'imagination. Je signe avec des initiales ou avec des prénoms illisibles, afin de la rendre heureuse tout en restant invisible.
- Alors ? Vous allez me laisser moisir sans informations croustillantes ?
Voilà son doux caractère qui ressort.
- Mais non, puisque vous insistez...
Son visage s'éclaire d'une lumière particulière. Anaëlle bat des cils parce qu'elle sait qu'en finissant les soins, je vais lui donner ce qu'elle attend. Ce qui, somme toute, pourrait me coûter très cher si quelqu'un devait nous entendre. Mais il faut croire que sa satisfaction n'a pas de prix pour moi.
- On commence par quoi ?
- Hum... Docteur Simon et sa petite interne Daphnée ? Est-ce qu'ils ont officialisé leur liaison, depuis le coup de l'ascenseur ?
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Chambre 208
Short StoryAnaëlle est une jolie fleuriste en longue convalescence à l'hôpital. Noa est un médecin prévenant et charmant. Jusqu'où leur connivence les conduira-t-elle ?