Pourchassé

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Je ne voyais rien. Il n'y avait pas de lumières. Il n'y avait pas de sons, excepté mes bruits de pas. Je ne savais pas depuis quand je courais, ni quelle distance j'avais parcouru. Je ne savait pas si "ça" me pourchassait toujours. Je ne voulais pas m'arrêter de courir. Les branches mortes craquaient sous mes lourds pas, indiquant vaguement ma position.
J'avais peut être une idée de ce qui pourrait me pourchasser, mais j'espérais que ce ne soit pas ça. Soudainement,mon sang se glaça. Je n'entendais pas que le bruit de mes pas. Je devais continuer. Courir ou mourir ? Il se mit a pleuvoir. Les gouttelettes d'eau réveillèrent mon envie de sang. J'en avais besoin. J'étais sur le point de lui échapper, quand je senti trois impacts écorcher mon dos. Je tomba par terre, par une intense douleur. Puis, avec sa voix hideuse, cette chose me dis calmement :"Nous devons retourner à la maison, Buddy !"
Putain de monstre. Je m'endormis.

"Debout !" "Debout!" "Debout !" répétèrent les gardes. Je ne savais pas où j'étais. Je ne savais pas pourquoi, et je ne le sais toujours pas, mais ce qui est sur, c'est qu'ils m'en voulaient.Pourquoi ? Je ne sais pas.
Le sol était froid, glacial.Lorsque je tenta de me lever, je senti trois crochets dans mon dos.Trois crochets reliés a des chaînes d'une matière qui m'était totalement inconnue. D'une matière désagréable dont une odeur particulière émanait.
Ces chaînes m'empêchaient de me lever, ne me laissant guère le choix que de rester dans cette position inconfortable. Dans cette position dont mes jambes étaient écartées, le dos plié reposant sur la force de mes minces bras.
"Debout !" entendais-je à nouveau. Ce son émana du fond de ma tête. Ce son a l'allure stridente. Je remarqua une cicatrice que je n'avais pas sur mon avant bras. Une cicatrice de couleur noire, sombre, imitant les couleurs que la Mort arbore avec froideur. Cette cicatrice ne me faisait pourtant pas mal, mais je sentais quelque chose de bizarre en moi.Comme si quelqu'un vivait dans mon écorce corporelle. Comme si quelque chose vivait en moi, dans mon corps, dans mes pensées.

Soudain, un homme en blouse blanche, avec un œil vert et un œil bleu, s'approcha de moi en toussant. Il avait dans ses bras un calepin, brun, avec une sorte de fiche médicale comme unique feuille. Dans sa main droite se tenait un stylo en amethyste. Soudain, cet homme articula ces mots d'une froideur déconcertante : "Sujet 247, pas de signes particuliers. Semble compatible. La chose ne s'est pas encore révélée."
Ses mots me laissèrent un goût amer.
L'homme en blouse blanche me regarda, puis me souri, en mimant un visage neutre, pâle, sans expression. J'eus envie d'en apprendre plus. J'essaya de me débarrasser des crochets dans mon dos, en vain.J'essaya d'appeler quelqu'un, mais personne ne répondit. Personne,sauf cette voix, venue de nulle part, semblant venir des enfers, ou de ma tête, répétant sans cesse : "Échappe toi" d'une manière nerveuse. Ces mots me glacèrent le sang. Pourtant, je sentais une sorte de vie dans ces mots, ils véhiculaient une sorte de message, une sorte d'espoir.
Soudain, un autre homme approcha, me demandant ce que je voulais être. Je n'ai pas su répondre. Elle, si. Cette voix. Articulant avec assurance :"Libre"
Cette voix venait de ma tête, pensais-je,pourtant, l'homme entendit parfaitement cette voix. Hormis cet homme et moi, il ne semblait y avoir personne dans les parages, personne dans les airs, personne dans le néant. Cette voix qui semblait venir de ma tête cria de terreur. Me donnant des sueurs froides. L'homme articula de ses lèvres sèches et rosées : "Il est prêt"
Soudain, une alarme retenti, les crochets me tiraient de plus en plus le dos, laissant jaillir de mon corps une douleur intense,mais pas désagréable. Bien au contraire, je me sentais vivant. Tellement vivant.
Des hommes en blouse blanche s'étaient réunis devant ce qui semblait être ma cellule, ma chambre. Ils tremblèrent tous, je ne comprenais pas pourquoi. Tout a coup, le premier homme en blouse blanche que j'eus aperçu s'avança. Il s'avança avec fierté, laissant les autres hommes en blouse blanche paraitre comme de vulgaires insectes. Il me regarda, puis nota quelque chose sur son calepin. Il marmonna ce qu'il écrivit :"Spécimen cent pourcent - - - - Sujet 247 accompli - - - - Stade final ok" Lorsque je me leva, mes pieds me brûlèrent. Pourquoi? Le sol était toujours d'une froideur accablante. Mes pieds étaient devenus noirs. Plus noirs que la noirceur du charbon. Plus noirs que les ténèbres nourrissant la Mort.
La voix hurla, comme souffrante. Je n'arrivais pas a distinguer ce qu'elle disait. Elle semblait furieuse, souffrante.
Dans mon dos, les impacts reçu la veille dans la forêt s'étaient transformés en tentacules solides, laissant disparaitre les chaînes.Je commençais peu a peu à comprendre ce qu'il m'arrivait. J'étais devenu un monstre, pourtant, quelque chose, comme une lumière s'était éveillée en moi. Les murs de ma cellule étaient brillant.Si brillant que je parvenais a voir mon reflet. Mes yeux étaient devenus rouges comme le sang. Comme le sang qui coulait dans mes veines.
Soudain,une douleur me pris dans le dos, les tentacules bougeaient, sans que je les contrôle. La voix hurla.
La noirceur ténébreuse de mes pieds avait disparue. Cette noirceur s'était retrouvée dans mes cheveux. Mes dents avaient elles aussi changées de couleur. Noires.

Mon reflet se dessina peu a peu sur le sol. Les hommes en blouse blanche prirent la fuite, laissant leurs calepins bruns sur le sol. J'en attrapa un, et lis "Échec"
Ne serais-je qu'un échec parmi tant d'autres ? L'autre homme en blouse blanche n'a pourtant pas écrit cela sur son calepin brun. Pourquoi donc tous ceux là auraient marqués "Échec" sur leurs calepins ? Je ne suis pas une erreur, je ne pense pas. Personne n'a le mérite d'être considéré comme tel. Être une erreur, est ce que c'est ne pas rentrer dans ces codes que l'homme établit au furet à mesure de l'évolution de la société ? La voix chantonna, fredonna un air joyeux.
Les lumières de la cellule se mirent a clignoter, frénétiquement, avec une énergie, un rythme. Les lumières de la cellule, les lumières du bâtiment dans lequel je me trouvais, semblaient vivantes, tellement leurs clignotement était intense, riche en énergie. La voix ria. Les tentacules tentèrent de se glisser dans les prises de courant à portée. Lorsqu'elles se "branchèrent" je ne ressenti rien, ni électrification, ni rien de douloureux. Pourtant, je sentais les tentacules. La seule chose que je sentais était agréable. Est-ce ça, la vraie douleur ? La douleur procurant du plaisir ? Ou était-ce autre chose ?
L'homme en blouse blanche que j'eus aperçu en premier, me fit signe d'approcher. Je ne voulais pas le blesser. Est ce que je me souciais de lui ? Oui. Est ce que j'avais peur ? Oui.
Quelle étrange sensation que la peur, non ? Vous n'avez jamais ressenti ça, vous ? Il parait qu'on la ressent lorsque l'on se sent en danger, démunis de tout moyens de se protéger. On a se sentiment de peur lorsque la Mort pointe le bout de sa faux.
Cet homme, était-ce la Mort ? La Mort a donc un visage. Des traits fins, peu amicaux. Le visage de la Mort est néfaste. Il est composé de toute la souffrance de ce monde, les yeux regardant dans le néant. Cet homme n'était donc pas la Mort,mais il s'en rapprochait. Serait-ce cet homme qui, selon la légende, aurait tenté d'atteindre les cieux, mais qui, par son passé, aurait chuté jusqu'aux Enfers ? Je me devais de lui demander. Lorsque ceci eut été fait, il me répondit en esquissant un léger sourire sur ses lèvres, laissant un visage presque agréable a regarder : "A toi de le découvrir par la Voix'

De quelle voix parlait-il ? Était-ce cette même voix qui hantait mon esprit ? Était-ce cette même voix qui séjournait dans mes pensées, dans mon corps, sans me donner plus de précision sur sa hantise ? J'avais peur. Cette Voix, était-ce la voix de la Mort en personne ?
D'ailleurs, pourquoi ces tentacules ? Pourquoi sont elles de cette noirceur ? Pourquoi mes yeux luisent ils désormais d'un rouge si sanglant ? Pourquoi cette cicatrice ? Pourquoi sa couleur était elle plus noire que la Mortelle même ?
Pourquoi me suis-je fait poursuivre dans cette forêt sombre ? Et pourquoi suis-je donc ici ?
Dans ma chambre, ou dans ma cellule, il n'y avait pas de lit. Rien. Juste ces chaînes, pulvérisées par mes nouveaux membres. L'homme en blouse blanche continua de me faire signe d'approcher, pourquoi donc? Je n'avais vraiment pas envie de le blesser tout en sachant que je ne me contrôlais pas. Le sol de la cellule était désormais fissuré par la violence de mes trois tentacules. Ces tentacules immaculés pas les ténèbres me faisaient peur. Il semblerait que ce soit cette voix, logeant dans ma tête, qui ordonne ces membres. Cette voix si ténébreuse, à l'image des tentacules flageolant dans les airs,ressemblant à l'indécision de la Mort.

Lorsque la Mort en personne vous pointe de sa faux, elle fait preuve de mépris pour vous. Elle vous élimine, tranquillement, laissant vos proches dans un douloureux vide. Puis vos proches cherchent a combler ce vide. La Mort n'est qu'un acteur social, non ? N'êtes vous pas d'accord avec cela ? Lorsque la Mort vous échappe de peu, dans les bois, dans une voiture, peu importe où; vous la défiez juste. Vous défiez son temps. Lorsque vous jouez avec la Mort, elle prend rapidement vos proches, vous rendant plus faible. Est ce que jouer avec la Mort vaut vraiment le coup ? Il semblerait que oui. Comment aurais-je pu survivre à la forêt sinon ? Pourquoi suis-je dans cet état ? J'ai sans doute joué avec la Mort. J'ai du jouer avec, beaucoup trop près.
Cette voix cohabitant dans mon esprit, c'est sans doute celle de la Mort,non ? Pourquoi ? Ces paroles, je les adressait à l'homme en blouse blanche, pourtant, il ne répondit pas. Il me fixa, puis regarda le sol froid comme le néant. Il s'avança, puis d'un geste brusque et inattendu, me serra dans ses bras. J'essaya de le repousser, en vain.
Cet homme me murmura a l'oreille gauche : "Buddy - -- - est - - - - mort"
Buddy ? C'est moi. Est ce que j'étais arrivé dans cet endroit chaleureux qu'on appelle les enfers ?Probablement. Est ce que cela me dérangeait ? Absolument pas.
Une vague de frisson m'envahissait, mes tentacules enlacèrent l'homme en blouse blanche tandis que la voix resta silencieuse, quand soudain,elle se mit a parler. Que disait elle ? Je n'ai pas réellement compris, ses paroles articulaient ces mots : "Je - - - - manger- - - - câlin - - - - soleil - - - - nuit"
Pourquoi ces mots ? Des actions réalisées dans une vie antérieures ? Je ne sais pas.
Les tentacules me soulevèrent, laissant mon unique corps dans le vide, simplement maintenu par ces trois membres longeant la verticale de mon dos. La voix répéta ces paroles, de plus en plus fort, me laissant dans cette vague impression d'incompréhension,j'étais comme perdu. L'homme en blouse blanche hurla : "Putain de monstre" Ces paroles, ce sont les mêmes que j'ai prononcé avant de me faire endormir de force dans le bois ténébreux.
Alors étais-je réellement un monstre ? De par ma différence, je ne serais qu'un monstre, une putain d'erreur ? Aurais-je donc joué avecla Mort ? Cet homme, il avait le regard de la Mort, un regard perçant, un regard perçant mon âme, perçant mon corps.
Cet homme, c'était la Mort. Mort douce ? Mort acide ? Ce dont je suis sur, c'est que son visage était vide, mais son visage était agréable a regarder. Il était si agréable que j'eus l'impression deme perdre dans les étoiles, pourtant, son visage n'était que vide.
La voix me murmura que cet homme est amical, que cet homme vient en paix. Mais je ne sais pas si j'ai confiance en la voix, car celle ci n'est que toute récente. Je suis son hôte, je dois forcement avoir confiance en elle, me dis-je, mais que nenni ! Je ne pouvais pas m'empêcher d'essayer de l'oublier, en vain. L'homme en blouse blanche lâcha son calepin tomber par terre. Le bruit généré fut incroyable, on aurait pu le confondre avec le bruit d'un écroulement d'immeuble. Pourtant, il n'y avait que le bruit, dans ma tête.
L'homme disparu troublement. La voix cria. Moi ? Je criais. Puis d'un instant, les tentacules disparurent elles aussi. Me laissant seul, avec seul la voix hurlante comme "amie". Un trou se forma, la voix m'ordonna de sauter, puis pris le contrôle de mon corps pour arriver a ses fins.
Ce saut ? Infini, sans douleur. Il n'y eu pas de sol, pas d'atterrissage, rien. Seul la Mort pouvait m'arrêter dans cette chute. Pourtant, c'est la Mort elle même qui a entraîné cette chute. La Voix de la Mort s'éteint me laissant à mon tour, seul dans le néant. Seul la noirceur de mon corps laisse présager une quelconque souffrance,pourtant, je ne souffre pas. Mon esprit, mes pensées, s'en vont paisiblement, laissant la noirceur de mon vécu tâcher mon corps. La mort m'a touché de sa faux, je lui appartiens. Désormais, je suis comme elle, une tâche dans le néant, un individu en moins dans ce monde. Au final, je cohabite avec le néant. Je suis à l'image de la grande Faucheuse, mort.

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