Fixé à ce sourire

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Point de vue lui :

Ses fines lèvres s'entrouvrent pour laisser apparaître la blancheur de ses dents. Elle sourit. Elle sourit toujours. Sa tête se balance au rythme de la musique alors que sa bouche tente de chanter les paroles en même temps que la chanteuse. Elle y parvient difficilement ce qui provoque les éclats de rire aux alentours mais elle ne s'en préoccupe guère, dansant de plus en plus dynamiquement. Une légère brise de vent vient faire voleter sa chevelure fine lui offrant cet air plus sauvage. D'un geste bref, elle dégage les quelques cheveux châtains venus obscurcir sa vision. Sa bonne humeur nous gagne tous, si bien que nous finissons par la rejoindre, nous déhanchant ensemble sous le ciel nuageux de ce mois d'octobre. D'abord timides, nous achevons notre enchaînement de gestes désorganisés par un laisser-aller complet. La musique se termine pour laisser place à une autre, tout aussi dynamique et rythmée. Et nous dansons, chantons, rions.

Tout est parfait.

Point de vue elle :

Je souris. J'affiche ce sourire. Il ne quitte pas mon visage. Il ne quitte pas mon visage mais il a quitté mon corps depuis bien longtemps. J'ai perdu l'envie de sourire depuis quelques mois. Quelques mois que je me sens vide. Vide de toute émotion. J'ai beau être entourée, je me sens seule. Terriblement seule. J'ai cette impression de ne compter pour personne. Être là pour les autres quand eux ne le sont pas. Personne n'a rien remarqué. Ils voient mon sourire, ma surface et s'arrêtent à ce masque figé. Personne n'a su déceler la souffrance qui se cache au fond de moi. N'est-il pas vrai que les autres s'en tiennent à votre apparence? Je n'ai qu'une envie, c'est de partir. M'isoler de ces gens qui, finalement, ne me comprennent pas. Mais je ne peux. Je ne peux déserter ce que j'ai, abandonner ce que j'ai construit. Alors je me contente de laisser grandir ce sentiment de vide qui subsiste en moi. Et je danse. Je fais croire que tout est parfait alors que tout va mal. J'affiche mon bonheur falsifié à ceux qui veulent y croire.

Et je souris.

Fixé à ce sourireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant