L'explorateur de vie

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L'explorateur de vie

Quand j'étais petit, je me rappelle que je voulais devenir explorateur. Découvrir des terres inconnues, rencontrer une civilisation différente, vivre une panoplie d'aventures plus palpitantes les unes que les autres. Fuir une réalité déjà trop lourde à supporter pour le petit garçon que j'étais à l'époque. Et puis forcément on oublie. Les rêves deviennent des souvenirs, proches et puis lointains, qui s'estompent peu à peu avec l'âge.

Je menais une vie banale. Métro boulot dodo, métro boulot dodo, métro boulot dodo. Je subissais l'existence plus que je n'en profitais, enfermé dans un ennuyeux train-train quotidien. Le temps s'écoulait, les années passaient, balayant sur leur passage les chimères d'autrefois.

Et puis il y a eu toi.

Tu t'es immiscée dans ma vie comme lorsqu'on ajoute du sel à une préparation : grain après grain. J'ai essayé de te repousser, de te chasser de mes pensées autant que j'ai pu. J'ai lutté contre toi. J'ai lutté contre moi.

Pourtant tu t'es accrochée. Alors j'ai cédé.

Tu étais mon opposée. Pétillante quand j'étais bougon, susceptible alors que j'avais toujours été quelqu'un de calme, ou encore casse-cou lorsque je me persuadais de ne pas prendre de risques.

C'est pour cela que je t'ai aimée.

Tu as retourné toute mon existence, parfois contre ma volonté. Mais ton sourire, ton magnifique sourire, balayait tous les reproches que j'aurais pu te faire. Avec toi, j'ai vécu les plus belles années de ma vie. Dans un coin de ma tête, je me rappelle de tout. Nos voyages, nos sorties, nos rires, les secrets que tu me confiais sur l'oreiller après une nuit passionnée. Parfois même, il m'arrive de me souvenir de l'odeur du café que tu me faisais chaque matin, avant que je n'aille travailler.

Et puis un jour, tu es partie. J'avais remarqué que tu souriais moins, que tu ne riais plus. J'avais remarqué que tu rentrais tard, que tu ne m'embrassais plus. Alors sans un mot, tu as disparu de mon paysage, emmenant avec toi mon bonheur, et brisant mon cœur en chemin.

J'étais fou. J'ai tout fait pour te retrouver. J'ai voyagé aux quatre coins du monde, dans l'espoir de dégoter une piste, qui me mènerait jusqu'à toi. J'ai téléphoné à tous tes amis, mais aucun ne voulait me dire, ou ne savait pas ce que tu étais devenue. J'ai échoué.

Je me suis fait une raison. Tu étais bel et bien partie.

Je t'en ai voulu, je t'ai hais. Mais avec le temps, une peine immense a remplacé la haine.

Il y a quelques jours, je me suis souvenu de mon rêve de devenir un grand explorateur. Et pour une raison qui m'échappe toujours, j'ai fait le lien avec toi. Tu m'as fait vivre une vie remplie de rebondissements, de nouveautés, de rencontres incroyables. Tu m'as poussé à sortir de mes retranchements. Je pensais que tu m'avais détruit, mais j'avais tort : tu m'as aidé. Tu m'as appris à faire mes choix, à persévérer, à poursuivre mes rêves.

Dans le fond, tu m'as appris la vie. Je voulais qu'elle soit remplie d'aventures en tout genre, qu'elle soit exceptionnelle. Et c'est ce que tu m'as apporté. Malgré toute la colère que j'ai envers toi, malgré ce que tu m'as fait endurer, je suis sûr d'une chose. J'ai été un explorateur. Et ma plus belle aventure, c'était toi.



Clémentine S. 

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