Chapitre UN - La Nuit de Son 18eme Anniversaire

89 17 18
                                    

Partie II 

Un éclat rouge nous accueille et nous tend les bras.

Nous entrons dans le salon, souriant bêtement.

Ma mère me regarde, me jette un œil tendu tandis qu'elle rit et plaisante, hoche la tête avec enthousiasme. Elle marche, sa robe satinée volant dans son dos, ses boucles châtain clair dansant sur son épaule ; elle rejoint ma tente et la serre dans ses bras, la félicite, lui souffle du courage, lui murmure des mots doux et tente de l'apaiser. Puis les deux se retournent, regardent l'heure avec angoisse. Elles décident de fermer les yeux pour l'instant, de ne pas y penser, et les voilà qui se détournent déjà et s'engouffrent dans la cuisine.

Alexia n'est pas encore là.

Je laisse mon regard dériver, planer dans le petit salon, s'installer sur les ballons et leurs couleurs festives, sur la télé qui est allumée et est occupée à divertir un public fantomatique, projetant des éclairs bleutés sur des murs d'un vert olive bien trop pâle, bien trop fade. Les rideaux sont tirés, tentent de masquer l'ombre noire d'une nuit tombante, qui cache dans ses entrailles une pluie indécente. La cérémonie se veut festive, joyeuse, mémorable, et on essaye de toutes nos forces d'ignorer cet air tendu, cette atmosphère électrique, cet air inquiet qui s'engouffre dans nos poumons et nous empoisonne.

Une légère musique murmure, plaisante et envoutante.

Les voix aigues de ma mère et de ma tante se font entendre ; elles rient, elles pleurent, elles implorent et prient. Prient pour que le triste sort d'une jeune fille soit épargné, oublié, prient pour que cette douleur s'efface et s'envole à jamais.

Douces prières jetées aux oreilles d'un sourd.

Leurs visages rouges reviennent rapidement. Leurs lèvres se courbent, leurs yeux pétillent, elles s'émoustillent et appellent, le ton impatient, la tristement célébrée.

Un temps s'écoule et pèse lourd sur nos cœurs impatients.

Puis on entend un léger craquement.

Et une porte s'ouvre. S'ouvre dans un supplice aigu. Des petits pas en sortent, une jeune femme apparaît, les yeux baissé, rouges et noyés sous un torrent de larmes honteuses. Alexia tente de sourire mais elle tremble, elle secoue la tête, elle pleure, elle frotte, d'un geste colérique, ses joues mouilles et souffle, la voix brisée :

― Je me sens faible, maman.

Elle secoue la tête, et ses cheveux bruns se balancent dans le vide pendant un court instant.

― Je n'ai pas envie de... fêter cet anniversaire.

Elle vacille, frisonne, frémit et semble sur le point de s'écrouler à tout instant. Un mouvement de recul, une pensée de fuir la traverse mais voilà que déjà, sa mère se précipite à ses côtés et la serre, et l'embrasse.

― Oh ma petite chérie ! Ma douce petite fille ! Pourquoi a-t-il fallu que cette malédiction-

― Laura ! vocifère soudain ma mère qui, dans un grand saut nerveux, se trouve à ses côtés et empoigne son bras.

Elle fronce les sourcils, lui lance un regard colérique et angoissé, siffle entre ses dents blanches alors qu'elle plisse les yeux :

― On a décidé de ne pas en parler... pas ce soir, du moins.

Le silence s'installe.

Et plus personne ne bouge.

On reste ainsi, toutes debout, toutes tendues, nos poitrines comprimées par un doute affreux, et nos visages blancs se couvrent d'une ombre grise, deviennent tout d'un coup graves et entendus. Nos lèvres remuent, mais on n'ose se prononcer, la peur nous étouffe, mais on ne peut la détourner. Le silence est lourd, pesant, il nous aplatit sur ce tapis blanc, ce silence nous tue à petit feu, éteint notre flamme mais on ignore comment le rompre, ou on prétend l'ignorer. La peur, à vrai dire, est trop grande, trop présente, trop oppressante. Une peur qui, sur les bords, s'est muée en une impatience coupable et que personne n'ose avouer réellement.

Parce qu'avouer cette angoisse, c'est avouer notre problème.

Et se voiler la face est tellement plus simple, tellement plus facile ; on préfère fermer les yeux et prétendre ne pas voir, ne pas entendre, ne pas savoir.

Je déglutis.

Les bougies fondent, frémissent, tremblent et projettent sur les murs nos inquiétudes indésirables. Une odeur de cire fait tourner nos têtes.

Et le tic-tac de l'horloge s'entend, insouciant et insensible. Un tic-tac qui nous rappelle que minuit est proche, que le temps file et qu'on ne peut le ralentir, et encore moins y échapper.

Je lèche mes lèvres.

Ma bouche est sèche.

Mes mains se plient de crainte, mes doigts se couvrent de glace.

Et je lance, le ton empreint d'une fausse innocence :

― Alexia ! J'adore ta robe !

La tissus rubis virevolte alors qu'elle se redresse et qu'elle me regarde, un brin envieux, un brin peiné, un brin reconnaissant.

― Merci, Lore.

Elle racle sa gorge, et sa voix reprend, se colorie de tons chaleureux tandis qu'elle avance et qu'elle rit à une plaisanterie imaginaire.

― Quel magnifique gâteau !

Puis elle fait volte-face, fixe sa mère, un sourire mystérieux cachant sa douleur.

― Tu t'es surpassée, maman !

― Bien sûr, je voulais que ce gâteau soit magnifique... aussi beau que ma petite hirondelle.

Le sourire d'Alexia s'élargit, elle cligne des yeux pendant un instant et déclare, en ouvrant ses bras.

― Alors, mes chères dames, l'heure avance ; que diriez-vous de se mettre à table ?

Encore un rire insouciant, une voix innocente.

Elle s'assoit et fixe son assiette de porcelaine, remarque avec regret tous les efforts de sa mère pour lui plaire. Et la tristesse l'assaille, se cache dans les rides de son front, dans sa voix enjouée, dans sa robe rouge aux éclats dorés. Un petit soupir traverse ses lèvres écarlates, ses yeux bleus se flouent de nouveau tandis qu'elle regarde le vague et qu'elle se perd dans des souvenirs ; un monde à part la tire et l'enlève, la protège pendant quelques instants minces et fragiles qui volent bientôt en éclats.

Sa mère réapparaît ; elle danse, elle virevolte, elle allume fièrement les dix-huit petites bougies qui décorent son gâteau de chocolat.

Alexia la regarde, regarde le gâteau, regarde le plafond, fait un vœu muet et se tourne, souffle, éteint les petites flammes.



Mots d'auteure : Voici donc le premier chapitre de cette nouvelle fiction ; chapitre divisé en deux, comme vous l'avez -sans doute- remarqué (si cette façon de faire vous va, j'aimerai continuer et diviser donc mes prochains chapitres en deux parties... je crois que ça sera plus facile pour vous de les lire, ainsi ).

Alors, cette nouvelle histoire... très étrange, me direz vous. Très incompréhensible, et je ne vous ai pas dit beaucoup de choses encore ; vous savez juste qu'il y a une malédiction, mais ignorez quelle est cette dite malédiction, vous savez aussi que le personnage principal a un ''ami'', une cousine qui fête son anniversaire mais vous ignorez pourquoi l'ambiance festive n'est pas au rendez-vous. C'est très flou, tout ça. 

Et le chapitre deux ne va pas franchement clarifier les choses....

Enfin, j'espère tout de même que vous n'êtes pas découragés par ce chapitre incompréhensible, et que vous me suivrez dans ce voyage qui s'annonce... tumultueux ! J'ai aussi vraiment envie de connaître vos ressentis concernant ce début, vos pensées, vos remarques...

À la prochaine, j'espère.

Merci d'avoir lu 

MAUDITEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant