Séquestrés {Boy x Boy}

CHAPITRE 20

Shane

Il était 7 heures quand ma sœur entra en hurlant dans ma chambre, provoquant chez moi un réveil en sursaut.

-Shane, lève toi vite !

-Putain mais Tess qu'est-ce que tu fous, répondis-je d'une voix endormie tout en me tournant vers la dénommée.

-C'est à propos de Walter, allez bouge-toi !

A l'entente de ce nom, mon sang ne fit qu'un tour et je levais précipitamment de mon lit. Ma sœur me fit signe de la suivre d'un geste de la main et je m'exécutais. Une fois dans le salon, il ne fallut pas longtemps pour reconnaître le visage de Walter qui ressortait de dessous la couverture de ma sœur. Je n'attendis pas plus longtemps pour me précipiter sur lui. Les yeux fermés et les joues rouges, il semblait être endormi, et pourtant quand je posais ma main sur son front pour vérifier sa température, il ouvrit instantanément les yeux. Il lança un regard inquiet tout autour avant de les refermer pour se recroqueviller sur lui-même. Dans mon dos, les pas feutrés de Tess se rapprochèrent et quand elle passa sa main dans mon dos, je sursautais légèrement.

-Où est-ce que tu l'as trouvé ? demandais-je en me tournant vers elle.

-Dans le parc, là où je vais faire mon footing, il était endormi sur un banc.

-Mais qu'est-ce qu'il foutait là-bas bordel ?!

-Je sais pas Shane, mais je pense que tu devrais lui faire prendre une douche et lui en parler après, il était complètement gelé quand je l'ai trouvé.

J'acquiesçais. Je n'avais pas vraiment d'autres solutions. Alors que Tess partais dans la cuisine pour préparer des boissons chaudes, j'en profitais pour secouer légèrement l'épaule de Walter. Celui-ci se renfrogna et je dus l'obliger un peu pour qu'il ouvre à nouveau les yeux. Quand les ouvrit enfin, je lui proposais qu'il aille prendre une douche. Il accepta et pendant qu'il se trouvait dans la salle des eaux, j'allais m'habiller et prendre des vêtements pour Walter. Après les avoirs déposés dans la salle de bain, je pris place avec Tess sur le canapé du salon. L'esprit vacant, je me mis à fixer un point imaginaire pour me laisser guider dans mes pensées. Quelques jours auparavant, j'avais décidé de me tenir éloigné de Walter, premièrement parce que nous avions besoin de nous reconstruire l'un et l'autre, mais aussi parce que Walter allait retrouver Ryan et je ne pouvais –ou voulais- pas les voir ensemble sans me sentir mal au vu de ce que j'éprouvais pour lui. Il était clair que je n'avais pas ma chance. Mais au vu de ce qui venait de se passer, je ne pouvais tout simplement pas le laisser, du moins pas pour le moment. J'avais besoin de savoir pourquoi il était dans ce parc, pourquoi il y avait cet éclat de tristesse dans son regard.

Quand la porte de la salle de bain s'ouvrit le silence s'empara de la pièce, avant que Tess ne propose à Walter de venir s'asseoir. Il s'installa dans le fauteuil face à nous et ma sœur se dépêcha d'aller chercher les tasses fumantes.

-Bon Shane, je vous laisse discuter, il faut que j'aille acheter des souvenirs pour Maman. Tu m'appelles si t'as un souci.

Je savais très bien qu'elle mentait, elle avait déjà achetait ses souvenirs depuis une semaine, mais elle faisait surtout ça pour que nous laisser discuter tranquillement.

Quand la porte d'entrée claqua, signe évident du départ de Tess, le silence s'installa, et nous passâmes plusieurs minutes à fixer l'intérieur de nos tasses respectives.

-Ce silence, ça me rappelle nos premiers jours, quand on était là-bas, j'étais tellement stressé de ce qui allait se passer que mes mots restaient coincés dans ma gorge, alors que toi tu semblais si calme, dis-je an l'accompagnant d'un petit rire nerveux.

Walter leva les yeux et me lança un petit sourire. Ses cernes étaient encore plus marqués que dans mes souvenirs. Malgré ma phrase qui avait pour but de lancer une discussion, le silence reprit sa place sans plus de cérémonie.

-Tu sais, si tu n'as pas envie de me parler de ce qui s'est passé, tu n'es pas obligé, mais dis le moi, que l'on fasse autre chose, parce que je suis en train de me retourner le cerveau pour essayer de comprendre pourquoi ma sœur t'as retrouvé endormi dans un parc à l'aube.

Il leva à nouveau les yeux, mais cette fois-ci il avait plus de l'inquiétude que de la fatigue. Il posa sa tasse à moitié vide sur la table et inspira profondément.

-Je suis allé voir Ryan hier soir, lâcha-t-il et ses épaules s'affaissèrent.

-C'est génial, non ?, répondis-je, faussement car cette idée m'énerva plus qu'autre chose.

-Pas trop non. J'ai appris que ce connard s'était marié et que sa femme attendait un gosse.

Il avait dit sa phrase tellement vite, qu'il me sembla que j'eus rêvé de sa réponse. Mes sentiments oscillaient entre une euphorie extrême et un sentiment de culpabilité. Pour une question d'éthique, j'avais répondu un petit « Désolé pour toi, ça va aller ? » alors qu'au fond de moi, je me sentais bouillonnant.

-Mais ça n'explique pas pourquoi tu t'es retrouvé au beau milieu de ce parc en pleine nuit.

-Je sais pas, il me semble que je suis allé dans un bar, et puis quand je suis sorti, je me suis endormi là-bas...

-Putain Walter, mais t'es inconscient ou quoi, t'aurais pu crever de froid !, répliquais-je devant l'imprudence dont il avait fait preuve.

-Ça va, j'étais bourré, et puis merde t'es pas ma mère, je sais que c'est con ce que j'ai fait, pas besoin de me faire chier.

La colère nous rendit muets de rage, pensant que nous avions plus raison que l'autre.

-Bon, je vais te ramener chez tes parents, ils doivent être morts de peur, dis-je encore sous l'effet dévastateur de la colère.

Walter me lança un regard apeuré avant de déclarer :

-Attend Shane, il y a quelque chose que je veux te dire avant. Je comprendrai que tu refuses, mais je n'ai pas envie que l'on s'éloigne, tu vois, après tout ce que l'on a vécu, je veux dire, là-bas, j'ai pas envie de gâcher tous ces moments. Tu es devenu quelqu'un de très important pour moi et même si j'ai l'air ridicule, j'avais besoin de te le dire.

Et voilà qu'il me sortait ses mots, sans avertissement, mais qui avaient eu pour effet immédiat de retirer toute la haine qui parcourait mes veines. Je ne savais pas comment formuler ma phrase mais je savais que je voulais la même chose que lui, rester à ses côtés, même en tant qu'ami.

-Moi aussi, moi aussi je ne veux pas que l'on s'éloigne, répondis-je gêné de la formulation ridicule de ma phrase.

Toujours dans le fauteuil, Walter soupira de soulagement, et me sourit.

-Du coup je te dépose toujours chez tes parents ?, demandais-je.

-Non je veux pas retourner chez eux. Ma mère savait pour Ryan mais elle ne m'a rien dit, et puis ils n'arrêtent pas de me couver, comme si j'étais en sucre, c'est chiant. T'as qu'à me déposer dans le centre-ville je me débrouillerai pour trouver un hôtel.

Walter se leva du fauteuil, signe qu'il était prêt à partir.

-Sinon, tu n'as qu'à dormir, ici le temps que tu trouves un appart' ou une baraque.

-Ca ne te dérange pas, je veux dire, il y aussi ta sœur et bon, j'ai l'impression que je m'incruste, répondit-il en se grattant l'arrière de la tête.

-Non je t'assure, Tess repart dans deux jours, donc jusque-là il faudra que tu prennes le canapé, mais après tu pourras aller dans la chambre d'ami. Et puis après avoir dormi avec toi, pendant deux ans, sur un matelas minuscule, je me pense que je peux supporter ta présence pendant quelques temps, lâchais-je sur le ton de la blague.

Walter rigola en retour et accepta mon offre. A ce moment-là je ne savais pas si j'étais fou de joie de pouvoir cohabiter, encore, avec lui, ou complètement suicidaire de devoir à nouveau me contenir en sa présence.