Les voleurs de Noël

Chapitre 1 : L'Esprit de Noël

_ Noël est mort.

Les rues s'étaient parées de cadavres verts au lendemain des fêtes de Noël. Tour à tour, ils s'étaient vu arracher leur parure avant d'être jeté dans la neige boueuse qui recouvraient les trottoirs. Durant deux jours et une nuit, ils avaient brillé avec fierté et à présent ils gisaient là, morts.

_ Baptisons ça le massacre du 25.

_ C'est merveilleusement trouvé.

Les bottes noirs des deux comparses brisaient la maigre couche cotonneuse que les voitures avaient souillé sur le bitume des grandes avenues. Deux silhouette dans la nuit qui arpentaient le décor macabre qu'était celui du 25 au 26 décembre. La magie s'était envolée avec l'empressement d'un oiseau de proie. Et la neige qui était tombé avec tant de volupté donnait à présent l'impression de n'être que de la cendre sans volonté.

_ Puisqu'il est mort, il n'y en aura pas d'autre l'année prochain.

_ Qu'il repose en paix.

Un pas après l'autre, ils brisaient le silence. L'heure n'était pas au recueillement, il ne l'avait jamais été. Personne ne priait pour des macchabées à branches. Leurs épines persistantes finiraient par tomber, se faner et s'envoler dans le vent. Un craquement sec se fit entendre sous l'une des semelles de cuir. Ici un tas de sel n'avait pas fondu avec la neige. Sourcil arqué, il fallait décrotter cette botte sinon on allait entendre les cristaux de chlorure de sodium craquer à chaque pas.

_ Ils persistent à vouloir tout saler, même la neige.

_ Quand il n'y a pas de neige, ils en veulent. Et quand il y en a... ça les dérange.

_ Plus de neige alors.

_ Plus de neige.

Côte à côte ils poursuivaient leur longue marche à travers la ville endormie. Ils en avaient décidé ainsi, l'esprit de Noël était mort et il n'y aurait plus rien. Pour personne.