Les voleurs de Noël

Chapitre 4 : La lettre

Elle avait été chiffonné à la hâte, comme quelque chose dont on avait envie de se débarrasser rapidement. Madame Berrot n'avait pas pris le temps de poster la lettre de Noël de ses enfants, préférant la jeter aux ordures, comme ça, au coin de la rue. Chaque année, c'était une tradition qu'elle respectait sans jamais faillir. On pouvait lui faire confiance. Mais cette fois-ci quelqu'un la ramassa. Une silhouette qui observait l'agitation du mois de novembre sans le moindre égard pour ceux et celles qui préparaient déjà les fêtes à venir. Il fallait défroisser le papier avec délicatesse pour lire ce qui y était marqué.

« Cher papa Noël,

J'espère que tu vas bien, parce que moi oui. Enfin pas trop. Je crois que cette année encore, maman va oublier de nous faire des cadeaux. Une fois elle nous a offert des pinces à linge, j'ai pas trop compris à quoi ça servait. Mais pépé a trouvé ça très pratique parce qu'il a dit qu'il avait des problèmes d'intestinaux. Je sais pas ce que ça veut dire. Je crois que je préfère pas savoir parce que ça sent pas très bon cette histoire.

Alors oui, je sais que des fois on fait des bêtises avec ma sœur. Comme la fois où on a voulu apprendre à un pigeon à nager mais maman a dit que c'était pas une mouette. Mais elle nous a pas dit c'était quoi une mouette. Sans doute quelque chose de grandes personnes. Papa nous dit toujours « tu verras quand tu seras grand » mais moi ça fait 7 ans que j'attends d'être grand.

S'il te plaît papa Noël, cette année on aimerait un vrai Noël, où tout le monde est content. Parce que des fois maman fait une drôle de tête et papa sourit jamais. Pépé dit que c'est que des coincés du cul. Je crois bien que c'est un rapport avec les problèmes d'intestinaux. On devrait peut-être leur donner des pinces à linge ? En tout cas t'as compris qu'on a besoin de toi, on veut retrouver la magie de Noël, parce que quand mémé nous en parle ça avait l'air trop bien. Je savais pas les dinosaures savaient faire la fête.

On pense fort à toi.

Bérenger et Bérénice. »

Un sourire s'étirait sur les lèvres inconnues alors que la lettre se faisait replier avec délicatesse, le bruit du papier venant troubler le calme de la ruelle déserte. Les deux paires de bottes en cuir se mirent à l'arpenter avec lenteur. Il n'y avait que le bruit des talons contre le sol qui venait troubler l'endroit qui semblait somnoler.

_ Dommage, personne ne pourra la lire.

_ Tout le monde sait que le père Noël n'existe pas.

_ Ils le découvriront bien assez tôt.

Un rire s'éleva dans la ruelle, porté par la rumeur de la circulation urbaine. Un vent froid venait s'engouffrer à cet instant, emportant avec lui la petite lettre qui n'arriverait jamais à son destinataire. Parce qu'elle n'avait pas été posté et parce qu'il n'existait pas.