Soir 2 ; 18:12

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Cette nuit, j'ai rêvé.
C'était toujours le même rêve. Avec les mêmes personnes, les mêmes lieux, et les mêmes actions. Et comme d'habitude, j'étais le témoin lointain de cette scène.

Elle était là, vêtue de sa nouvelle veste en Jean et de son pantalon New Yorkers. Ses longs cheveux châtains retombant avec légèreté derrière son dos, dès qu'elle bougeait la tête. Elle ne me voyait pas. Tout comme lui, ne me voyait pas non plus.

Parce que oui, il était également présent. Habillé de son éternel T-shirt noir et de son pantalon bleu foncé, à moitié délavé. Comme toujours, ses cheveux bruns étaient ébouriffés. Dans ce songe, je ne voyais pas ses yeux. Je ne croisais pas son regard à la teinte indescriptible.

De toute façon, ce n'était pas comme si il te regardait...

La magnifique fille qui était en face de lui, accaparait toute son attention. Il s'agissait de sa petite-amie. Fille de riche, et aimée d'un certain nombre de personnes, il était difficile de ne pas la remarquer. Au Lycée, nul n'ignorait comment elle se nommait. Alors, plus pour moi, je l'ai renommée Judith. La raison de ce surnom n'est pas dû au hasard, et elle ne sera connue que de moi-même. Donc, ses bras croisés contre elle, Judith buvait les paroles de celui qu'elle aimait.

Je ne savais pas son nom. Je ne l'ai jamais su. Alors, secrètement, je l'avais baptisé Unknown. Mon Inconnu.

Je connaissais ce rêve par cœur. Il fallait dire que cela était la sixième fois que je le faisais, en l'espace d'un mois. Sur le visage de Judith apparut un radieux sourire, et aussitôt, Unknown lui fit un clin d'œil, avant de se mettre à exécuter une danse de hip-hop.

C'était dur à avouer, mais à chaque fois qu'il lui dédiait ce clin d'œil, mon cœur faisait un bond dans ma poitrine. Je n'ignorais pas que ce n'était pas pour moi, mais je ne parvenais pas à y être insensible.

Je n'avais jamais été fan de danse, et encore moins de hip-hop, mais je savais tout de même reconnaître quelqu'un ayant du talent pour cela. Et Unknown en était bourré.

À la fin, sa copine l'applaudissait, tandis que lui affichait un sourire charmeur, tout en se relevant. Je savais parfaitement comment ce rêve se finissait. Je détestais d'ailleurs cette fin, mais elle n'était que le triste reflet de la réalité. J'avais envie de détourner les yeux -ou de les fermer, mais je ne pouvais m'empêcher de les regarder s'approcher l'un de l'autre. Elle, avec grâce, lui, avec espièglerie. Et lorsque leurs peaux furent en contact, ils échangèrent un long baiser passionné -digne de ceux qui apparaissaient dans les films à l'eau de rose.

Puis c'était à ce moment-là que je me réveillais, le cœur toujours un peu plus fissuré, le moral toujours un peu plus attristé, et la vérité toujours un peu plus cruelle.

C'était la première fois que j'ose écrire ce songe. Ou peut-être bien ce cauchemar. Aujourd'hui, je les ai revu. Comme Judith est considérée par la Société comme mon amie, il a fallu que je lui souris. Moi, à qui l'envie de prendre sa place, au côté d'Unknown, me la faisait détester. Moi à qui le sourire artificiel ne se différenciait même plus d'un véritable sourire. De celui qui provenait de mon cœur, de mon être.

C'est lorsque je suis rentré chez moi, et que j'ai lu la citation du jour sur le calendrier que le postier nous avait laissé, que le besoin irrépressible d'écrire, m'a submergé. J'avais envie de relater ce songe -aussi blessant était-il pour mon profond moi.

Au fond, étais-je si heureux que je m'efforçais de le montrer ?

La réponse, je ne pouvais la connaître que par moi-même. Mais il n'était pas nécessaire de creuser. Je le savais déjà. Ce simple songe suffisait à y répondre. Non. Je n'étais pas heureux. Pas comme je le voulais. Mais aux yeux des autres, je l'étais. Mes parents étaient fortunés, et j'avais des facilités pour la plupart des choses.

Sauf en question cœur. Car j'étais différent de la norme. Je ne suivais pas les traces de mes parents. Eux, qui avaient réussi pour tout. Eux, qui haïssaient les gens comme moi. Sans chercher à les comprendre, sans chercher à les connaître, sans chercher à les définir autrement que dans la catégorie où nous sommes placés, dès l'instant où notre cœur bat d'une manière différente que la leur.

Parce que oui, la vérité était là. Belle, profonde, cruelle. Je suis attiré par une personne que je ne devrais pas aimer. Il se surnommait, dans mes rêves, dans mon esprit, dans mon corps, comme Unknown. Et il était un homme. Tout comme moi.

La question se répercuta une nouvelle fois dans ma tête. Sais-tu ce qu'est le vrai bonheur ?

"Non." murmurais-je à moi-même, comme un cri silencieux dédié à ceux qui sauront l'entendre.


Parce que les gens sont systématiquement jugés, quoique furent leurs raisons.

Inconnu02

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 20, 2016 ⏰

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