Les voleurs de Noël

Chapitre 8 : Magie de Noël

 _ Mesdames et messieurs bonjour, nous sommes le 8 décembre, voici les titres de l'actualité : A la Une, Noël porté disparu. En effet, il semblerait que des petits farceurs s'amusent à faire disparaître tout ce qui est en rapport avec le 25 décembre.

L'écran de la télévision diffusait une lumière douce et bleuté alors qu'un léger grésillement s'échappait du vieux poste à tube cathodique. Le bandeau d'information annonçait au compte goutte les dernières nouvelles concernant le mystère de Noël. Deux paires de mains aux doigts longs et fins se félicitaient en battant lentement et silencieusement leurs phalanges distales. Un léger rire grave s'échappait du fond de leurs gorges. Là, couché sur un vieux tapis élimé, une masse sombre dormait. A chaque inspiration son corps se soulevait avant de retomber. Un souffle chaud et sonore venait interférer avec les paroles de la présentatrice. Les oreilles bougeaient en direction des différentes sources sonores.

_ Passons à présent au sujet principal de notre journal. Ce qui n'était au départ qu'un simple canular s'est révélé être un événement de grande ampleur. Depuis le 1er Décembre au matin, toutes les décorations, illuminations et autre produits ayant attrait à Noël, ont complètement disparu. L'affaire aurait pu se limiter à quelques villes, mais en réalité elle touche tous les pays fêtant Noël. Pour l'heure personne n'est en mesure d'expliquer de quelque façon que ce soit ce phénomène que certains qualifient de magique. Mais les conséquences sont désastreuses pour la plus part des grands distributeurs qui voient leurs chiffres d'affaires en berne. Un coup dur pour l'économie actuelle déjà fragilisée par l'augmentation générale du coût de la vie.

Un grognement profond se fit entendre au moment où la bête se retournait pour faire dos à la télévision. Elle laissa échapper un soupire désabusé, comme si elle avait compris ce que racontait la présentatrice.

_ Allons, ne t'en fais pas. Le meilleur est encore à venir.

Un grognement plus léger s'éleva cette fois. La bête s'était apaisée, se replongeant dans un sommeil sans rêve loin de l'agitation de ce monde en détresse. Un nouveau grésillement, la chaîne avait changé. Une femme était entrain de s'acharner dans sa cuisine, fouettant la préparation avec énergie. Dans une poubelle, plusieurs fournées de biscuits avaient déjà été jetées. Trop cuite, pas assez. Trop salée, sans saveur. Aucune ne trouvait grâce à ses yeux et pourtant elle suivait la recette à la lettre. La même recette depuis des années.

_ Pourquoi ?! Pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi, répétait-elle inlassablement. Le sucre, le beurre... Farine... Rien, je n'ai rien oublié alors pourquoi ça ne fonctionne pas ? Pourquoi ?!

Une mèche de cheveux lui tombait négligemment devant les yeux, s'agitant au rythme des coups de fouets. Sa coiffure si impeccable était à présent en désordre. La cuisinière était au bord des larmes, son visage crispé à force d'agacement et d'incompréhension.

_ Pas encore !

Une épaisse fumée s'échappait du four. Une nouvelle fournée ratée alors qu'elle avait respecter la température et le temps de cuisson. La cuisine était un champ de bataille et la femme était entrain de perdre une guerre qu'elle avait toujours mené de front. Jamais ô grand jamais elle n'avait connu d'échec culinaire, pas pour une recette aussi simple. Les rires graves s'élevèrent, des rires qu'elle ne pouvaient pas entendre. Les deux ombres, installés sur le canapé, se riaient d'elle avec une certaine dose de cynisme. Elles se complaisaient dans cette situation malheureuse, ravis de constater que tout fonctionnait selon leur plan. Noël n'existait plus et personne n'en profiterait. La chaîne changea de nouveau.

_ Maman, pourquoi on n'a plus de sapin ? Demandait un petit garçon en regardant le salon avec tristesse.

_ Je ne sais pas mon chéri. Peut-être que le père Noël veut nous punir.

_ Mais de quoi ?

_ Si seulement nous le savions...

L'oreille noire bougea en entendant la voix du petit garçon. Deux yeux jaunes venaient transpercer la pénombre de la pièce. Les pupilles se dilatèrent pour capter la moindre particule de lumière qui pouvait émaner de l'écran. La chaîne d'information venait de revenir.

_ Comme je vous le dis, tous les sapins qui avaient été coupés pour la vente aux particuliers... Bah ils ont été replantés. On a bien essayé de se mettre au boulot, mais au premier coup dans le tronc, les haches se brisent aussi net.

_ Fait plus étrange encore, les sapins en plastique, réputés pour ne jamais perdre leurs épines, se retrouvent à les perdre sans plus d'explication.

Une à une les épines artificielles tombaient avec plus ou moins de rapidité. Ils étaient aussi dégarnis que des feuillus à la fin de l'automne. L'image manquait de netteté, troublée par une mauvaise réception. C'était déjà un miracle d'avoir l'électricité ici. La télévision n'était même pas branché à vrai dire... L'une des silhouettes claqua des doigts. La lueur du poste cessa immédiatement d'illuminer la pièce déjà plongé dans la pénombre. L'obscurité y régnait à nouveau en maître.