La fille dans la Brume

Tarzan

- Dans un froid pareil comment fais-tu pour esquisser le moindre mouvement ?!

Elena était transie de froid, le dos appuyé contre le tronc de l'énorme chêne centenaire où son ami et elle avaient élus refuge, glacée dans ses vêtements trempés. La faute à l'eau de la rivière et au brouillard, le plus danse et humide qu'elle est jamais connu. 

Comme le garçon ne répondait pas, Elena se renfrogna encore plus, et ferma les yeux, épuisée, et se sentant plus seule que jamais. Alors, tout doucement, son esprit sombra dans l'abîme, elle ne sentait plus le froid mordant qui lui glaçait les joues, juste la chaleur réconfortante du sommeil, du néant. Elle était bien, tellement bien, elle finit même par ne plus rien ressentir du tout, plus aucune pensée, aucune sensation corporelle, le vide intersidérale dans sa tête et dans son âme. 

Elle fût pour son plus grand malheur tiré de son abîme par le jeune garçon, qui ouvrait enfin la bouche depuis qu'ils étaient nichés dans l'arbre, et avait même osé la toucher car il avait eu peur qu'elle ne fasse un malaise :

- Si tu ne te sens pas très bien, tu peux aller dans ce trou que tu vois deux branches plus hauts. Ce sera moins dangereux pour toi, ici tu pourrais tomber en t'endormant, et puis il fait plus chaud au creux de l'arbre que sur cette vieille branche. J'ai presque finit, je te rejoins après.

C'était un ordre et même si elle eut quelques difficultés à se redresser, elle ne se fit pas prier et lui fût même reconnaissante de l'avoir dérangé. Elle se hissa sur la première branche qui ne craqua même pas sous son poids- tout de même presque plus de 60 kilos !- fît une pause pour souffler un peu- ou plutôt cracher ses poumons de douleur- et se remit à grimper sur la dernière branche.

Quand je repenserais à cet épisode plus tard je vais me sentir gauche et tellement nulle ! Je n'arrive pas à grimper sur 2 branches éloignées de 30 centimètres!!  Promis je ne toucherais plus à un gramme de chocolat...

Ce fût sa dernière pensée avant qu'elle ne tombe dans un sommeil sans fond, écroulée dans la mousse du trou obscur. Mais elle eut tout de même le temps de se dire que si c'était sa dernière pensée avant de mourir, ce serait la mort la plus pourrie qu'elle aurait pu souhaiter.

Dehors, le drôle de bonhomme aux cheveux ébouriffés continuait son manège : remonter un étrange rideau piquant sur les branches les plus basses, tout autour du tronc, jeter toute sa nourriture au sol pour qu'il ne reste rien d'autre que les deux jeunes dans le chêne, et faire fuir les lucioles qui persistaient à revenir chaque nuit l'éclairer dangereusement. Et tout cela avec des mouvements précis et minutieux, sans bruits, ne surtout pas faire vibrer l'air trop fortement, ne pas faire de mouvements brusques, rester le plus invisible possible. On ne sait jamais.

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Lorsqu'Elena rouvrit les yeux, elle se sentit étrangement bien, calme, la tête vidée de toute pensée, et elle n'avait même plus froid. D'ailleurs, avait-elle vraiment eu froid un jour ? Car sous le soleil éclatant qui rentrait par la brèche pour la réchauffer, cela lui semblait totalement improbable. Non, son plongeon dans la rivière à du parasité les idées. Elle se redressa en prenant garde de ne pas se cogner à la paroi rugueuse du tronc et, à genoux dans l'herbe séchée déposée là pour son confort, elle s'étira du mieux qu'elle put, à deux centimètres du "plafond".

Qu'est-ce qu'elle était bien. Si le sauvage n'avait pas passé sa tête pile à ce moment-là, la faisant passer d'un état de bien être immense à une peur glaçante, elle se serait bien rendormie dans son nid douillet.

Le retour à la réalité ne fut pas trop mal au final : son hôte lui proposa différents fruits dont elle ne connaissait pas la moitié qu'il disposa sur la plus grande branche du chêne ou ils avaient la place pour se mettre à l'aise et manger confortablement ces mets rares dont la jeune fille se délectât jusqu'au dernier.