CONNEXION !

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Mon état empire de jour en jour.

Hier, j'ai même frappé un enfant. Voilà. J'ai la capacité d'être reliée aux autres, mentalement. Je peux savoir ce que pense n'importe qui, à n'importe quel moment. On pourrait croire que c'est un don extraordinaire mais c'est le contraire. Je ne peux choisir ni la personne ni le moment. Lorsque ça m'arrive, je sais ce que la personne pense, vit et dit. Je peux également voir ses mensonges, et tout ce qu'elle gâche par pure fierté. Toute cette bêtise humaine, je la vois et je la ressens. Ma personnalité change, même si je reste moi physiquement, je m'associe à l'autre mentalement, sans le vouloir ni le contrôler.

Aujourd'hui, je suis dans la salle d'attente du docteur Harrington, psychiatre et neurologue.

- Mademoiselle Wilkins ?

Je me lève, passe la porte en chêne moulurée, certainement du XVIIe siècle, et je m'arrête. Le cabinet est immensément grand. À droite, il y a un très grand bureau en châtaigner, à gauche, un large canapé recouvert d'un magnifique velours gris clair, avec un petit coussin bordeaux à chaque extrémité, et juste en face, un fauteuil d'un gris plus foncé, du même velours. Enfin, au fond à gauche, se trouvent plusieurs paravents, je me demande ce qu'ils peuvent bien cacher.

- Mademoiselle ?

- Euh oui, pardonnez-moi.

Il se dirige vers son bureau et me fait signe de prendre place. D'un pas léger, je me dirige vers la chaise qui lui fait face et je m'assois. Nous parlons pendant 1h43 précisément, il dit exactement 19 fois qu'il n'y comprend rien, et à chaque fois, il fait tourner son alliance, il ajoute que mon état le fascine mais il n'y comprend rien.

- Je suis vraiment désolé, mademoiselle, mais tout cela m'échappe, je ne comprends pas quelle connexion se crée entre vous et les autres. Vous pensez que cela ne les affecte pas, mais en êtes-vous bien sûre ?

Il reste perplexe, il attend sans doute que je lui donne ma réponse. Alors je lui dis :

- Je ne comprends pas plus que vous, mais merci quand même de vous être penché sur mon cas.

- Je suis navré, mademoiselle, cela dépasse mes compétences.

- Ne vous inquiétez pas, docteur, vous n'êtes pas le premier !

Sur ce, je me lève, je me dirige vers la porte, pose une main sur la poignée, et me retourne. Je regarde une dernière fois le docteur Harrington, debout derrière son bureau, perdu dans ses pensées. Je sors et referme la porte. Il y a un petit clic quand je referme la

porte. Je traverse la salle d'attente, trois personnes sont assises, elles me regardent. Je sors et puis, je descends les marches. Il y en a 143, je les ai comptées en montant, je les compte à nouveau en les descendant.

Tout à coup, au bas de l'escalier, c'est comme si une pointe me traversait les tempes. Je m'assois sur la 141ème marche. Et même si je n'ai pas de bague, je commence à me frotter l'annulaire gauche, tout en me répétant que je n'y comprends rien. Je suis reliée au docteur Harrington. Je me lève pour aller à la rencontre de mon prochain patient. J'ouvre la porte moulurée de mon imposant cabinet...

Et je me retrouve dans la rue. Je marche, des larmes montent et roulent le long de mes joues, elles font couler le mascara que j'ai pris soin de mettre ce matin. Je ferme les yeux, espérant retenir mes pleurs. De toute façon, je connais le chemin par cœur. Je tourne à l'angle de la rue, je m'arrête et j'ouvre les yeux devant la vitrine. Je vois mon reflet qui, machinalement, est en train de frotter son annulaire gauche avec les doigts de sa main droite.

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 17, 2016 ⏰

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