Thaïs se tenait devant l'entrée de l'immeuble, le cœur battant avec une mélancolie familière. Six années se sont écoulées depuis qu'elle avait quitté ce village côtier, laissant derrière elle les souvenirs d'un drame inexorable. La vue de la mer, désormais proche, avait toujours été un rappel cruel de ce qu'elle avait perdu. Le soleil d'été faisait briller les vagues, mais elle avait du mal à retrouver l'éclat d'autrefois. Mais la voilà ici, après avoir décidé de revenir de son plein grès.En entrant dans l'appartement, elle se remémore presque immédiatement les vacances d'été passées ici avec sa famille, les fins de soirée à se promener le long du port. Le lieu lui semble à la fois familier et étrangement étranger. Thaïs posa ses valises dans la grande pièce de l'appartement, un espace lumineux à présent où elle comptait réinstaller son équipement photographique, d'ailleurs. C'était devenu une pièce spacieuse, presque trop grande pour les quelques affaires qu'elle avait emportées. Maintenant qu'elle allait y vivre seule, l'espace semblait abondant. Les murs, repeints et encore nus, lui offraient une toile blanche, tout comme sa carrière, qu'elle espérait lancer ici. Il n'y avait aucun bruit, le silence total qui devenait rapidement pesant.
Alors à peine installée, elle décida de sortir pour explorer son nouveau quartier, du moins, elle le découvrait à nouveau. Le village avait changé, les magasins rénovés, les façades repeintes, mais les ruelles étroites et les petites maisons alignées semblaient inchangées. Il y avait quelque chose de troublant dans cette transformation ; tout semblait avoir évolué après son départ.
Après tout, six ans c'est long.
Elle emprunta les rues qu'elle avait connues autrefois, maintenant assombries par le poids du temps et des souvenirs. Chaque coin de rue semblait résonner avec des échos du passé, les voix de sa famille et les rires des jours heureux se mélangeant aux murmures des passants. Elle se perdit dans ses pensées, se demandant si le village avait finalement changé autant qu'elle ne l'avait imaginé.
Le crépuscule baignait à présent d'une lumière dorée et mélancolique, se reflétant à la surface des vagues agitées du port. Thaïs se tenait au bord du quai, les bras enroulés autour de son corps comme pour se protéger du vent mordant qui se levait petit à petit. Ses yeux, d'un bleu profond scrutaient l'horizon.
Elle s'est arrêtée là un moment, absorbée par la vue apaisante des vagues qui caressaient doucement le rivage. Cette vue qui au fond, lui avait tant manqué.
La mer semblait lui parler dans un langage qu'elle ne comprenait pas entièrement. C'était comme si, dans l'immensité de l'océan, elle cherchait à trouver une échappatoire à la tempête intérieure qui menaçait de la submerger. Était-ce une bonne idée d'être revenue après tout ce temps ? Les plaies sont-elles encore trop ouvertes pour espérer quoique ce soit ?
Avant son retour, les journées s'étiraient et se succédaient, chacune apportant son lot de douleur et de désillusion. Thaïs avait perdu deux proches, ici, et la vague de chagrin semblait ne jamais vouloir se retirer. Ce soir-là, à son retour, le vide semblait encore plus profond, et le murmure des vagues était le seul réconfort qu'elle pouvait espérer. Chaque flots semblaient chuchoter des secrets qu'elle était incapable de comprendre. Elle se posait des dizaines de questions.
Le bruit d'un moteur au loin interrompit ses pensées, ainsi que ses larmes qui involontairement n'avaient pas cessé de couler depuis quelques minutes. Sa vue restant légèrement brouillée. Elle se tourna lentement pour voir un bateau, sûrement de pêche, rentrer au port. À la proue de l'embarcation, un homme était debout, les cheveux ébouriffés par le vent. Ses gestes étaient empreints d'une sorte de sérénité robuste, comme s'il était fait pour être en mer, pour affronter les éléments.
La jeune femme se demanda si quelqu'un pouvait vraiment se sentir à sa place sur cette terre, comme cet homme semblait l'être sur son bateau à ce moment même.
Thaïs était peut-être trop mélancolique ce soir-là.Le bateau accosta la terre ferme, et l'homme descendit, enlevant ses gants et secouant la tête comme pour se débarrasser de l'eau de mer après avoir avoir amarré l'engin. La jeune femme essaya de deviner ses pensées à travers son expression indéchiffrable au loin. Ses yeux se posèrent sur elle, et durant un court instant, leurs regards se rencontrèrent. Une étincelle d'interrogation passa dans ses yeux, elle ne voyait pas correctement son visage, elle pourrait même être incapable de le reconnaître après ça, à ce moment-là, elle était seulement absorbée. Malheureusement, le contact visuel fut coupé lorsque une deuxième silhouette atteignit à son tour le sol du ponton, en s'étirant grossièrement semblait-il. Celle-ci semblait légèrement plus petite, et corpulente. Finalement les deux se sont dirigés vers les lumières du quai, s'engouffrant finalement dans la pénombre des ruelles déjà à moitié vides.
Le moment avait été court, mais intense.
Thaïs sentit une boule dans sa gorge, malgré tout elle ne bougea pas. L'inconnu, dont la présence semblait aussi inopinée que troublante, avait suscité en elle une vague de curiosité qu'elle n'avait pas anticipée. Peut-être était-ce le début d'un changement, ou simplement un instant de distraction dans un océan de mélancolie. Elle serra ses bras plus fort, se demandant si le vent avait apporté avec lui une nouvelle perspective sur la vie qui lui avait échappé jusqu'à présent.
Une bonne heure plus tard, à sombrer dans un surplus de pensées, elle rentra chez elle, les rues pavées défilant sous ses pas comme les pages d'un livre qu'elle avait déjà lu. La légère braise du soir offrait un contraste de bienvenu avec la chaleur étouffante de son appartement quand elle y pénétra.
En entrant, après avoir retiré ses chaussures et attaché ses cheveux bruns elle se dirigea directement vers la petite cuisine, elle aussi refaite, où une tasse de thé qu'elle avait préalablement laissé avant de sortir refroidissait sur le comptoir. Elle s'assit, les mains crispées autour de la tasse comme pour en absorber la chaleur inexistante qu'elle procurait.Le visage de l'homme du port revenait sans cesse dans son esprit depuis l'instant du port. À vrai dire, elle ne l'avait pas réellement vu, pas dans les détails. Elle pencha alors plutôt sur sa silhouette. Thaïs se demanda pourquoi cet inconnu avait éveillé en elle une telle curiosité, un élan d'espoir ou peut-être une promesse d'évasion. Ou simplement de la folie, après tout, ce n'était qu'une personne comme une autre. Elle en avait croisé des villageois, des touristes... Pourquoi s'accrocher à lui après tout ? Elle se faisait déjà trop d'idées. Son esprit était faible.
Et puis, elle était ici, au milieu de cette pièce remplie il y a des années de ça, à présent complètement vide. Elle était seule en tout point, et le ressentait amèrement.La cloche de la porte d'entrée sonna soudainement, brisant le silence, et tous les scénarios possibles que la jeune femme pouvait bien se faire. Elle se leva, les mouvements hésitants. À vrai dire, qui cela pouvait-il bien être ? Personne n'était encore au courant de son retour, du moins, elle n'a croisé personne encore.
Dans un mouvement lent elle entreprit d'ouvrir lentement la porte et se retrouva face à une enveloppe blanche au sol, scellée d'un ruban bleu parfaitement mêlé. Il n'y avait pas de nom ni d'adresse, juste une petite carte à l'intérieur. En la dépliant, elle lut les mots écrits à la main, d'une écriture joliment fluide :« Parfois, ce ne sont pas les réponses qu'on attend qui apaisent, mais les questions qu'on cesse de se poser. — B »
Elle fronça les sourcils en lisant la phrase, ainsi que la lettre écrite en fin, puis regarda autour d'elle, mais il n'y avait personne, pas même une once de lumière sous une des portes. Le mystère de l'enveloppe ajoutait un sentiment encore plus profond d'étrangeté. Qui était ce B ? Et pourquoi cette personne avait-elle laisse ce message ?
La brunette referma la porte d'entrée, avant de rapidement se hisser au milieu de l'appartement.
Ces écrits résonnaient dans son esprit. Étrangement à nouveau, le sentiment de peur n'était pas le premier à faire surface. Elle était intriguée, ce peu de jolis mots ne pouvait pas qu'être un pur hasard.
Les scénarios reprirent de plus bel dans un coin de sa tête. Une pensée parmi tant d'autre se disait que cet étrange contact était le signe qu'elle attendait pour prendre un nouveau départ.
Peu importe de qui pouvait-il bien venir.Elle laissa tomber la carte sur la table basse, et après avoir vidé sa tasse maintenant bien froide, Thaïs s'empressa d'aller se coucher, mais son esprit était bien trop loin de trouver le repos, il lui fallut quelques heures avant de tomber dans les bras de Morphée. Les rêves de vagues déchaînées et de rencontres inattendues envahirent son sommeil... Elle avait l'impression que son retour ici, ainsi que ces inconnus à présent, détenaient les pièces du puzzle éparpillé de sa propre vie.
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Pleurer des océans
RomanceThaïs, encore marquée par le deuil de ses proches, mène une vie solitaire, vacillant entre mélancolie et quête de renouveau. Alors qu'elle cherche à échapper à son quotidien, des rencontres inattendues viennent bouleverser son équilibre fragile. Un...