Prologue

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Une bourrasque de vent plaqua ses cheveux poissés de sueur sur son visage, tel un tourbillon dévastateur dans une pluie de larmes. La respiration saccadée et irrégulière, la jeune femme courrait à travers les troncs d'arbres entourés d'une brume nocturne et menaçante. Elle ne cessait de courir, son cœur battant à s'en rompre, ses pieds nus craquant les brindilles et les branches qui jonchaient, défunts témoins de la nature, le sol glacial. Une main sur sa cuisse ensanglantée coulant comme un flot pourpre intarissable, elle sentait ses forces faiblir dangereusement. Sa vision se troublait pourquoi cet arbre avait-il deux troncs ? Des questions s'emmêlaient dans son esprit agité et troublé, perdu entre la notion de réel et d'irréel, incapable de se détourner d'une chose : courir.

Soudain, elle se figea net manquant de trébucher à terre au milieu des feuilles mortes. Un silence mortel et inquiétant répondit aux battements frénétiques de sa poitrine, jusqu'à que la jeune femme les entendit. Ils l'avaient retrouvée.

Après tout les règles étaient simples, courir avant d'être rattraper, courir pour sa survie ou bien mourir. Les aboiements retentirent dans les bois sombres, menaçants et forts au point que les étoiles semblaient disparaître dans ce ciel d'encre où la lune s'était éclipsée de peur de succomber à ces bêtes.

Un sentiment de panique l'envahit, une épouvante de mourir qui se mêlant à l'adrénaline, lui faisait accomplir l'impossible dans la fine illusion qu'elle allait survivre à cette nuit interminable. La fugitive dévala la pente, boitant à cause de sa jambe blessée. Les aboiements se rapprochaient de plus en plus, tandis qu'elle se mouvait entre les arbres aux longues branches sinistrement dépourvues de feuilles, une proie à la merci de chiens affamés et enragés.

Tout à coup, la jeune femme aperçut une lueur entre des branches. Un sentiment d'espoir l'envahit lorsqu'elle discerna plus précisément les contours d'une maison. Elle devait avoir atteint la ville la plus proche. Consciente de ses poursuivants derrière elle, elle se précipita vers la demeure. Ses pieds écorchés et enflés ne semblaient ne plus rien ressentir, ses pas ralentissaient contrairement aux pas des chiens qui ne cessaient de se rapprocher telle une vague meurtrière balayant tout espoir sur son passage.

Les arbres arrêtaient de pousser laissant place à une maison plongée dans l'ombre de la nuit parsemée de nuages. Il faisait trop noir pour discerner quelque chose, seules des portes fenêtres et une piscine d'un bleu surréel étaient éclairées. La proie détala vers l'endroit, se mordillant la lèvre inférieure pour éviter de fondre en larmes puis de perdre ses moyens. Elle jeta un rapide coup d'œil derrière elle, elle vit avec horreur neuf chiens surgir des bois, leurs puissantes pattes foulant le sol, leurs énormes gueules claquant l'air.

La jeune fille ravala un sanglot et se retourna, détalant à toute vitesses. Elle montait le muret de pierre qui menait à la maison, lorsqu'elle sentit des crocs se refermer sur sa jambe blessée. Un cri inhumain sortit de sa bouche, la douleur se diffusa dans tout son être. Elle ne retint pas ses larmes cette fois, des rivières argentées coulaient sur ses joues sales de terre. La fugitive fit volte-face et sans réfléchir et suivant son instinct, enfonça ses pouces dans les yeux du chien. La bête la lâcha aussitôt en poussant des hurlements qui la fit frissonner. Horrifiée, elle recula en haut du muret, fixant les chiens au pied du muret, les mains fraîchement couvertes du sang de l'animal et tremblantes. Cependant les bêtes avaient cessé d'aboyer, reculant avant de s'enfuir vers les bois silencieusement au grand étonnement de la blessée.

L'étudiante poussa un soupir de soulagement, mortifiée. De la fumée blanche sortait de sa bouche, des bouffées d'air glacé interrompues par des élans de panique et des sanglots. Elle se tordit de douleur, ses deux mains sur son mollet ensanglanté. Elle resta allongée sur ce gazon une longue minute, l'incompréhension de ce qu'il s'était passé avec les bêtes. Il s'était passé quelque chose pour qu'ils disparaissent, sûrement un nouveau jeu pervers qui allait se dévoiler. Elle secoua la tête, tentant de se concentrer sur l'instant présent. Elle prit conscience tout à coup qu'elle était dans une maison, des gens pouvaient l'aider, allaient l'aider.

La jeune femme se précipita vers les portes vitrées. Elle essaya la poignée, la secouant dans tous les sens. Fermée. Prise d'un excès de panique, elle se mit à tambouriner les vitres. Personne. Elle s'acharna sur la poignée une nouvelle fois, regardant les rideaux masquant tout sauf cette lumière jaune. Tout ça n'avait servi à rien, pourquoi ne répondaient-ils pas ? Elle commença à appeler à l'aide, à maintes reprises mais sa voix était rauque et enjoué.

- Non, non, non, hurla-t-elle retrouvant sa voix, il y a quelqu'un ? A l'aide !

Le fille tapa les vitres, une pluie de coups pour une sécheresse de réponses. Soudain quelqu'un la prit par les cheveux et la balança dans la piscine avec violence. Prise par surprise, elle tomba dans la piscine, l'eau s'imprégnant dans son corps, sa bouche, son nez. Avec horreur, elle réalisa, ses cheveux ondulant sous l'eau comme des flammes, qu'il s'agissait d'essence. Elle émergea à la surface, recrachant, suffocant, incapable de respirer. Puis elle vit la personne tenant ce briquet dans la main, l'unique flamme dorée dansant au grès du vent.

- Plus de jeux pétasse, la personne lança-t-elle en jetant le briquet dans la piscine.

Elle écarquilla les yeux, puis comme si la scène était au ralenti, la piscine s'embrasa de flammes de couleurs du crépuscule. Comme le crépuscule, elle allait devenir servante de la nuit, un astre parmi des milliers, une flamme dans un brasier, un corps sans vie pour l'éternité. Dans ses yeux se reflétaient ce feu, les flammes se mouvant telles une tsunami ardent, se déversant à toute vitesse vers elle.

A ce moment elle sut, c'était fini. 

One Bad NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant