C'était un dimanche matin de septembre. La guerre avait été déclarée un mois plus tôt. Tout le pays était aux auguets, on entendait des discours de propagandes sur toutes les chaînes de radio. Chaque famille commençait à faire des provisions, des plans en cas d'attaques aériennes. Les commerces étaient déjà victimes de rationnement et cela se faisait déjà sentir dans l'alimentation du peuple. Le gouvernement avait engagé la conscription, pour la première fois depuis la dernière Grande Guerre, il y a plus de deux siècles. Tous les foyers dans lesquels on retrouvait des jeunes de 15 à 20 ans priaient pour que leurs enfants ne se fassent pas envoyer au front.
Pour moi, ça s'est passé un dimanche matin de septembre. J'étais dans ma chambre, assise devant ma coiffeuse. Je savais qu'ils viendraient. Quand? Je n'en avais aucune idée. Pour quelle section de l'armée? Cela aussi je l'ignorais. Tout ce que je savais c'est qu'ils viendraient. Je savais qu'ils viendraient m'arracher à ma famille avant tous ceux que je connaissaient. Je savais que j'étais dans les premières sur leurs listes. Alors, comme chaque jour depuis le début de la guerre, je me préparais à leur arrivée. Je bouclais mes cheveux blonds et les nouaient en chignon sur le côté de ma tête, en laissant tomber quelques mèches devant mon visage. Je mettais la touche finale à maquillage et enfilait ma plus belle robe. Elle était bleue, d'un bleu qui faisait ressortir mes yeux couleur acier. Elle avait des manches courtes et se rendait à la hauteur de mes genoux. Je m'assis et j'attendis qu'ils viennent me chercher pour m'envoyer des les bras peu attirants de la guerre.
Je n'eut pas à attendre très longtemps. Ils ne prirent même pas une heure avant de venir cogner à la porte. Ma mère les fit entrer et les installa dans le salon, en leur offrant du thé et des biscuits. Ils étaient trois. Il y avait le lieutanant, qui affichait autant de compassion que si il venait emprunter à ma mère un peu de beurre, le simple soldat, qui n'était là que pour s'occuper de la paperasse, et le dernier était un garçon de mon village. Je le connaissais bien, nous sommes allés à l'école ensemble pendant plusieurs années, avant que ses parents ne l'envoient travailler sur leur ferme. Bien entendu, c'était monnaie courante pour les garçons de quitter l'école avant d'avoir fini leur secondaire, car on avait besoin d'eux pour travailler sur nos terres agricoles. Notre pays souffrait d'un manque de nourriture interminable. On n'appellerait pas cela une famine, car nous avons connu bien pire. Mais personne ne mangeait véritablement à sa faim, sauf peut-être les hauts placés, et ce depuis plusieurs décennies. Les terres avaient tellement été dépouillées de leurs richesses par nos ancêtre que nous n'avions plus grande chose avec quoi travailler pour faire pousser quoi que ce soit. Le gouvernement avait créé de nombreux projets de recherche pour venir à bout de ce problème, mais aucun n'avait proposé un solution efficace. On envoyait donc la majorité des garçons travailler sur les fermes, car nous avions besoin d'autant de main-d'oeuvre que possible. Seuls les garçons les plus brillants, ainsi que ceux qui étaient incapables physiquement de s'adonner à ce genre d'activité, gagnaient le droit de poursuivre leurs études. Quelques uns, les petits génies de notre société, ou les mieux nantis, se rendaient même à l'université. Cela empêchait donc de nombreux garçons, comme celui qui se trouvait dans mon salon, d'avoir une chance, même si elle était minime, d'améliorer leurs conditions de vie. C'était dommage pour Phillipe; je savais qu'il était assez doué pour les mathématiques et qu'il aurait fait un excellent ingénieur ou même un très bon comptable. Mais évidemment, tout cela n'avait plus d'importance. On l'envoyait au front, où il allait vraisemblablement se faire tuer. Tout comme moi.
Ça leur a pris quinze minutes, pas plus, pour m'embarquer avec eux. Ils ont montré les papiers à ma mère, les lui ont fait signer, m'ont dit de faire mes adieux et de ramasser quelques petits effets personnels, puis ils m'ont fait sortir de chez moi. Ce n'est qu'en passant la porte de la maison où j'avais grandi que je me rendis compte que c'était la dernière fois. À moins qu'un miracle ne me sauve de la mort certaine qui m'attendait là-bas.
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Miracle
General FictionSe passant dans un monde post-appocalyptique, il s'agit de l'histoire d'une jeune fille envoyée au front pour défendre son faible pays contre ceux qui veulent l'annexer. Elle sait qu'elle va y laisser sa peau, à moins qu'un miracle ne la sauve.