Scène 13

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Angélique revient avec son plateau roulant surmonté de sept assiettes et d'un gâteau noir déjà découpé en plusieurs parts. Louise Laroche se lève.

Louise Laroche : Et pourtant, il a l'air délicieux...

Angélique : Je suis désolée, je ne voulais pas...

Louise Laroche : Angélique, donne-moi la pelle à tarte, je te prie.

Angélique donne l'ustensile à sa maîtresse.

Louise Laroche : La mort dans une bouchée, la fin dissimulée dans une sucrerie. Il serait impoli de ne pas en prendre n'est-ce pas ? A qui la première part ?

Tristan Minois : A la catin sans cœur...

Louise Laroche donne une part de gâteau à Tristan Minois.

Florian Laroche : La pédale amoureuse prendra la seconde...

Louise Laroche donne une part de gâteau à son fils.

Adélaïde Laroche : La prochaine sera pour la mère désespérée...

Louise donne une part de gâteau à Adélaïde.

Jean Laroche : Puis, c'est au tour du frère déchu...

Louise donne une part de gâteau à Jean Laroche.

Edith Volage : Une part pour la fille abandonnée, s'il vous plait...

Louise donne une part de gâteau à Edith Volage.

Angélique : La suivante est pour la domestique sans vertu...

Louise Laroche donne une part de gâteau à Angélique.

Louise Laroche : Et la bourgeoise trahie prendra la dernière...

Elle prend une assiette et y met une part de gâteau. Elle la prend en main.

Edith Volage : J'ai peur, je ne sais pas ce que je fais...

Jean Laroche : Personne ne sait ce qu'il fait, mais cela ne nous empêche pas de le faire...

Adélaïde Laroche : Oui, tu as raison. Et c'est effrayant... Nous sommes effrayants...

Tristan Minois : Nous sommes des monstres...

Florian Laroche : Non, nous sommes humains...

Tristan Minois : Oui, c'est bien ce que je dis... Nous sommes fous...

Angélique : Et nous sommes maintenant seuls face au destin... Nous sommes vivants, mais nous ne le serrons bientôt plus...

Louise Laroche : Oui... Nous sommes petits, nous ne sommes que des vermines face à la mort, nous rampons comme des insectes face à la faucheuse... Nous voilà, faibles et nus, offerts et presque déjà cadavérique, des véritables catins funestes... Dire que pour causer notre perte, il aura suffi d'une place vide...

Florian Laroche : Tais-toi et mange !

Elle prend une bouchée de sa part de gâteau et le noir se fait sur scène. Des râles résonnent, le bruit d'une assiette percutant le sol et volant en éclat fend le silence, précédé par un hurlement d'horreur d'Edith Volage. Puis, le silence.

Angélique : Monsieur est mort... Vive Monsieur...

Plusieurs éclats de porcelaine résonnent. Puis le silence.

Rideau.

La place vide (théâtre)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant