7. Je reste avec toi

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Amir porte toujours sur lui un petit sac dans lequel il transporte son mizmar, un instrument à vent dont il sait jouer depuis son plus jeune âge. Shéhérazade aime l'entendre en jouer et en être accompagné lorsqu'elle danse, chante ou même lors de certains récits s'y prêtant.
L'adolescent la regarde puis acquiesce. Il sort l'instrument et s'installe par terre en tailleur. Au signal de la jeune femme il commence à jouer un air lent, envoûtant, langoureux et entraînant. Shéhérazade danse, se déhanche comme une sirène dans l'eau. Ses pas sont aériens et gracieux comme chacun de ses gestes. Peu à peu, une foule se rassemble pour admirer la danseuse. Quelques uns lancent des pièces.
Et Shéhérazade danse et danse encore. Elle parcourt du regard la foule à la recherche d'un signe, d'une présence. Mais elle ne voit pas ce qu'elle espère. Elle ne sent même pas une infime parcelle de ce qu'elle cherche. Il n'y a pas de djinn dans la cité d'Al Mahara, en tout cas pas dans ce quartier. C'est une déception.
A la fin de la musique, la foule applaudit à tout rompre. Amir et Shéhérazade récolte une jolie somme finalement mais son échec reste en travers de la gorge de la princesse.

_ Tout est fini, doux Amir, se lamente-t-elle sur le chemin du retour. Il n'y a pas de djinn ici. Seul un d'entre eux peut m'aider à sauver ma cité. Que vais-je faire ?

_ Ne perd pas espoir bel ange, la réconforte le jeune homme. Nous recommencerons demain et tous les jours du temps qu'il nous reste ici s'il le faut. Nous parcourons la ville. Si un djinn s'y cache nous le trouverons. Je t'ai promis mon aide, tu l'auras jusqu'au bout tout comme mon soutien.

Ces paroles émeuvent la princesse.

_ Merci. Du fond du cœur merci, brave Amir.

Ainsi le lendemain, les deux amis repartent, en direction d'un autre coin plus au nord de la ville et cette fois, Shéhérazade chante. Elle chante de sa voix mélodieuse dans une langue inconnue et incompréhensible pour qui n'est pas djinn ou ne possède du sang de djinn. Mais cette langue est belle et enchanteresse pour les simples humains. Encore une fois, ils sont applaudis et grassement payés mais ils ne trouvent pas de djinn. Pas plus que le jour suivant, ni le jour d'après, ni aucun des autres de la semaine. Pourtant Shéhérazade tente tout ce qui est en son pouvoir, elle utilise tous ses talents de djinn pour réussir, aussi bien la danse, que le chant, la musique que les récits. Rien n'y fait.
La veille du départ de la caravane d'Aziz, la princesse ne sait plus que faire et sent les larmes lui monter aux yeux. Elle n'a toujours pas donné sa réponse au chef du convoi pour savoir si elle souhaite rester à la ville ou les suivre. Shéhérazade s'éloigne un peu pour cacher ses pleurs mais c'est sans compter sur la vigilance de son plus loyal ami Amir.

_ Bel ange, murmure-t-il en accourant à ses côtés dès qu'il aperçoit les yeux rougis par le chagrin de la belle. Que t'arrive-t-il ?

_ Je ne sais plus quoi faire, mon jeune ami. Je ne trouve pas de djinn et ils sont ma seule chance de sauver mon pays du danger qui le guette.

_ Le danger ?, s'étonne l'adolescent.

_ Je ne t'ai pas tout dit, fougueux Amir. Tu le sais, l'Oasis de l'Est est tombé dans la débauche et l'ingratitude. La mollesse y est telle que même l'armée ne se préoccupe plus de rien. Quand j'ai quitté le palais, mon père venait de recevoir une missive l'informant d'une potentielle invasion du pays de Drakanis qui nous envie notre richesse et notre expansion depuis des années. Mon paternel n'a trouvé qu'une chose à dire en la lisant : « Qu'ils viennent, l'Oasis de l'Est ne peut tomber. » Seulement l'Oasis de l'Est a déjà entamé sa chute, une attaque serait un coup de grâce final. J'ai besoin d'un djinn pour qu'il repousse cette armée et qu'il rappelle à la raison les miens, leurs rappelant qui ils sont et quelle est leur mission.

Amir comprends enfin la détresse réelle de sa princesse. Il lui prend la main et la colle contre son torse.

_ Shéhérazade, mon bel ange, il faut que tu t'accroches. Tu n'es pas au bout de ton voyage, il y a d'autres villes, d'autres lieu où tu peux rencontrer un djinn. Viens avec nous, parcourt ce monde autant qu'il le faudra pour que ta quête aboutisse et sauve ton royaume. Combien de temps te reste-t-il ?

_ Deux mois. Il m'en restait trois quand j'ai quitté le palais, un s'est déjà écoulé.

_ Viens avec nous, bel ange. Ne reste pas ici à te morfondre seule mais avance.

Shéhérazade sait qu'il a raison. Al Mahara était l'endroit où elle avait le plus de chance de croiser un djinn mais il n'est pas le seul.

_ Très bien, répond-elle. Je pars avec vous. Je reste avec toi, formidable Amir.

Et sans prévenir, elle se penche vers lui et l'embrasse.

ShéhérazadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant