22. La cité monastère

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Les étendues ocre d'Hoznaghir s'effaçaient derrière nous sous un soleil de plomb. Le convoi udakki serpentait entre de hauts amas de roches qui surgissaient des derniers sables du désert. Peu à peu, une végétation éparse reprenait ses droits sur le sol aride. Au creux de grandes anfractuosités, des oasis prospéraient. Les chars avançaient maintenant plus lentement et peinaient à gravir les premières pentes des contreforts de l'Alghurinda Coronis... Face à nous, apparaissant au-dessus des nuages, la chaîne de montagnes semblait s'élever au-delà du ciel, si bien que l'on ne pouvait distinguer le haut de ses plus grands sommets. Son imposante majesté exprimait là toute la puissance créatrice de la nature et paraissait défier tout être de parvenir à bâtir aussi magnifique édifice.

— Selon la carte, nous serons en vue de Dhamkar d'ici deux lunées, annonça Esval.

— Par Amkhāt, s'écria Hoggar, ces montagnes sont colossales, je n'ai jamais rien vu de tel.

Dhamkar la blanche ; ou du moins ce qu'il en restait. L'ancienne cité dressait encore quelques vieilles colonnes vers les cieux gris. Les grands vents qui soufflaient sans cesse dans les congères semblaient, en un chant monotone, sonner le glas de ceux qui étaient venus se perdre ici.

Les Udakkis avaient disposé sur les esplanades gelées toute la marchandise à destination d'Uthaïhadda. Mais ils nous avaient bien précisé de continuer notre chemin vers les grottes de Goshan et de ne pas nous attarder ici. Les créatures qui allaient venir prendre livraison des cages pleines d'animaux et des caisses de denrées n'hésiteraient pas à nous dévorer vivants si elles nous trouvaient là.

Nous avancions péniblement dans la neige qui nous engloutissait à chacun de nos pas. Le froid nous étreignait dans ses serres de glace. Ces lieux étaient plus désertiques encore que les déserts de sable. Le peu de végétation qui subsistait à cette altitude avait été recouverte ou gelée sous l'épaisse couche de neige. On ne pouvait voir de ce qu'il en restait que quelques arbres secs dont les plus hautes branches lançaient, dans un dernier élan de survie, leurs bras figés à la surface du manteau immaculé. Fort heureusement le temps était clair ; je me demandais ce qu'il serait advenu de nous si une tempête s'était levée. Nous n'avions pour seul repère que ces grandes pierres oblongues qui jalonnaient irrégulièrement la route vers Goshan.

Je foule le tertre de terre meurtrie

Et viens vers toi le cœur empli de désespoir

Ce jour néfaste qu'aucun ne pensait voir

S'est levé sur Acora dans le sang et les cris

Ô grand Vaaluth, bouclier des Saandkans Rempart des justes, toute vie tu protèges Prête-moi force dans les obscurs combats

Et du mauvais ennemi guéris toute haine

Ô sage Vaaluth, Acora a versé ses larmes Cette terre est aride et les jours sont noirs Éteins la colère de tes puissantes armes

Et aux guerriers Juhudis accorde ta victoire

Ô grand Vaaluth, bouclier des Saandkans Rempart des justes

Garde à jamais tes enfants

Des nuits sans fin de Kerra

Et fais renaître la paix, l'espoir... Et toute vie

Invocation à Vaaluth. Chant de guerre Saandkan.

Toujours en tête, Esval ouvrait la voie avec difficulté, nous le voyions parfois disparaître complètement dans la neige, pour parvenir à refaire surface quelques secondes après, essoufflé et visiblement frigorifié.

Les Forêts d'AcoraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant