Je suis

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Échec. Nouvelle vie.

J'ai eu quelque problèmes durant ma vie d'avant, je dois tout recommencer depuis le départ... Un échec cuisant. Je menais pourtant une vie simple, j'étais respecté et j'avais de l'argent. Suffisamment pour faire taire quelques langues. Ça ne m'a pas épargné.

J'ai choisi de fuir. Je suis un immigré clandestin désormais. Mais personne ne viendrait me chercher en Roumanie, trop vaste, trop pauvre.

Je me suis donc installé dans un recoin isolé dans les montagnes du Nord. Un endroit simple, magnifique, au bord d'un lac. J'y ai donc bâti mon refuge.

Deux hivers s'étaient écoulées depuis mon installation et je n'avait jamais croisé la moindre âme humaine. Je me chauffai et m'éclairai au feu de bois... Ce qui dégageait constamment une odeur me ramenant près des miens. Un détail que je déteste aujourd'hui.

Comme à mon habitude je péchais dans le lac. Mais aujourd'hui rien ne mordait. Le poisson est pourtant abondant ici, dans ce lieu épargné à la pêche massive... C'est à cette pensée que je remarqua la présence de trop nombreux corbeaux. J'avais l'habitude de les voir, je leur donnais chaque jour les restes de ma chasse ou, comme aujourd'hui, de ma pêche. Mais ils étaient beaucoup, beaucoup trop. Mauvais présage. Je ne suis pas spécialement croyant mais je sais qu'un charognard surveille toujours un mourant. Vu le nombre je m crains le pire... Si ce sont les poissons qui finissent ventre à l'air, je mourrais à mon tour au retour inévitable de l'hiver... Si je suis la proie alors cela risque d'être encore plus tôt. Et ça signifie aussi qu'il y a un prédateur dans les parages. Je n'ai jamais vu d'ours, mais il n'est pas impossible qu'un de ces animaux rôde dans la forêt environnante. Les loups sont un risque plus probable, mais pas plus enviable.

Je devais rentrer au plus vite. Je remontais donc ma ligne le plus vite que je le pouvais. J'avais toutefois l'impression d'avoir accroché quelque chose. Avec un peu de chance je pourrai manger ce soir! Mais ce n'était pas l'urgence.

Une fraction de seconde avant de sortir mon hameçon de l'eau j'avais compris ce qui était accroché au bout... L'horreur me saisissait tandis que j'émergeais une tête à peine décomposée. Aussitôt les corbeaux s'envolèrent... Pour replonger dans ma direction. Je ne pouvais que prendre mes jambes à mon cou, laissant le crâne sur place.

Ne pouvant me retourner je détalais vers ma hutte qui pourra me protéger de ces ignobles volatiles. J'avais réussi à rentrer intact, je n'étais pas le sujet du festin. Mais je devais m'enfermer, par sécurité.

La nuit fût d'une horreur sans fin. J'entendais le vol et les cris des corbeaux bien qu'ils furent tous partis depuis bien longtemps. Et je ne pouvais ignorer cette tête... Je savais de qui il s'agissait, de son vivant bien sûr.

Le lendemain je n'avais plus qu'une idée en tête, au moins cela signifiait que je l'avais toujours, moi. Il fallait absolument que je sache ce qu'il y avait au fond. Cette idée ne m'enchantait pas le moins du monde. Mais je le devais, pour le peu d'intégrité mentale qu'il me restait. Pour l'honneur, ou ce qu'il m'en restait.

Dès le levé du soleil je pris mon courage à deux mains et prépara un feu sur la berge, cela aurais deux avantages, éloigner les oiseaux et me réchauffer à mon retour du fond du lac. Je tremblais autant de froid que de peur une fois dénudé, avec seulement les pieds dans l'eau. J'avançais donc péniblement jusqu'à ce que je puisse nager. Une fois à bonne distance je me dis que je pouvais commencer mes recherches. J'étais approximativement là où le crâne avait dû se trouver. Alors, je plongea. Le fond se trouvais beaucoup plus loin que je ne le pensais mais je continuais, les yeux grand ouverts.

Je pensais savoir à quoi m'attendre et je m'y étais préparé. Mais rien ne pouvait justifier l'abomination qui se trouvait pourtant devant moi! Tellement de corps démembrés, décapités, partiellement décomposés pour la plupart. Il fallait que je sache absolument qui étaient ces gens, je craignait le pire pourtant... Je trouvais alors une des têtes séparée du corps... Cela confirmait mes craintes mais ce n'était pas fini. Il fallait que je respire. Il fallait que je sache. D'autres crânes étaient empilés sur un rocher, je m'en approchait donc. Jamais je n'aurais dû, j'aurais préféré mourir que d'apprendre... Mais c'était mon fardeau.

Je sortais de l'eau le plus vite que je le pouvais, les poumons en feu d'avoir hurlé sous l'eau et dû remonter sans air. La douleur autant physique que psychologique me vrillait la tête. Avec l'allure d'un névrosé, je rentrait dans mon refuge le feu me réchauffera, me purifiera.

Incendie. Souffrance. Réveil.

Je suis à l'hôpital. Je suis brûlé sur une grosse partie de mon corps. Je suis surveillé par un homme en costume. Je suis persuadé qu'il n'est pas là pour mon état de santé. Je suis résigné, je sais pourquoi il est là. Je suis le diable personnifié, il est là pour me le rappeler. Je suis jugé coupable, coupable du meurtre d'une centaine d'inconnus, des inconnus dont je me souvient les visages, pour avoir pris plaisir à les regarder souffrir. Je suis également jugé non maître de mes actes, jugé fou, jugé dément. Je suis pourtant persuadé que les corps des victimes se trouvaient dans le lac! Je suis condamné à la peine de mort, pour actes barbares, pour ma propre sécurité.

Je suis... Un criminel. Mort.

Le lacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant