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War de Former Vandal

Je regarde dans le fond du bol, le pendentif qui scintille doucement, reflétant la lueur de ma baguette. Il semble si près, si facile à prendre. Je pourrais plonger la main dans le liquide, pincer la chaîne entre deux doigts, m'en aller avec. Ma mission d'aujourd'hui serait terminée aussi vite qu'elle a commencé.

Mais je sais que ça ne sera pas si facile. Je n'essaie même pas et me retourne.

— Jeune maître Regulus, Kreattur devrait boire la potion.

Je souris tristement et m'accroupis devant l'elfe de maison. Il tremble comme une feuille et ses grands yeux sont opaques, visiblement pleins des souvenirs de son dernier passage ici même. Je me rappelle que c'est pour lui que je fais ça. Lui, et moi aussi. Je suivais aveuglément le Lord Noir, pensant qu'il ouvrirait la voie à un avenir meilleur pour tous. Mais, confronté à la façon dont il traite ceux qu'il considère comme inférieurs à lui-même, j'ai dû me rendre à l'évidence : il ne s'intéresse qu'à un avenir qui lui sera bénéfique à lui. Tous ceux qui l'entourent, même les Mangemorts les plus haut placés, ne sont que des pions pour lui.

Sirius avait raison. Il aurait adoré que je lui dise, mais cela n'arrivera jamais. J'ai fini d'agir pour le bénéfice des autres. Maintenant, j'agis pour moi-même.

Je serre la main de Kreattur d'une main, et sors un pendentif de ma poche de l'autre.

— Non, Kreattur, dis-je d'une voix douce. J'ai besoin de toi après. Il faudra que tu échanges les pendentifs, celui du Maître et celui-ci, et que tu détruises celui du Maître.

Kreattur hoche la tête solennellement. Je me mords la lèvre. La prochaine instruction sera la plus dure, autant à dire pour moi qu'à entendre pour lui.

— Quand tu auras échangé les médaillons, tu me laisseras ici et tu retourneras à la maison. Tu ne diras jamais à qui que ce soit ce qui s'est passé ici, tu comprends ? À personne.

Mais Kreattur secoue la tête avec véhémence.

— Mais jeune maître Regulus, Kreattur peut transplaner, d'ici, il peut ramener le jeune maître...

Kreattur se tait en me voyant secouer la tête lentement. Il essaie d'articuler encore quelques mots, quelques protestations, mais finit par baisser les yeux. Sans que j'aie à dire quoi que ce soit, il a compris.

Ce qu'on fait ici est un secret. Personne ne doit le savoir, ni mes amis, ni ma famille. Ni même ma mère. Surtout pas ma mère.

Kreattur devra rester la seule personne qui connaît la vérité.

Il déglutit. Voyant cela, je hoche la tête et me lève, sachant qu'il m'obéira. Je me tourne vers la vasque de poison au fond de laquelle repose le médaillon. Je tends la main vers le gobelet posé sur son rebord, et je vois qu'elle tremble. Mon poing se serre, et mes yeux se ferment.

Je pourrais si facilement abandonner cette mission folle. Me tourner, demander à Kreattur de me ramener à la maison, lui ordonner de ne plus souffler mot de cette caverne. Personne n'en saurait rien.

Sauf moi. Moi, je saurais que j'avais la chance de faire du mal au Lord Noir et que je l'ai laissée filer entre mes doigts. Pas la chance d'en finir avec cette guerre que je vois se profiler à l'horizon – non, je suis bien trop insignifiant pour cela –, mais celle de nous tailler un avantage dans une des batailles. Car je sais, je suis certain qu'un jour prochain, il y aura quelqu'un pour défier le Maître. Ce jour-là, je ne serai plus là, mais je veux mourir en sachant que je l'ai aidé, autant que j'ai pu le faire.

Voilà pourquoi je suis ici aujourd'hui.

Je prends une grande inspiration, ouvre les yeux et, sans plus y réfléchir, plonge le gobelet sans le liquide clair et l'avale d'une traite.

AvaléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant