Chapitre 3 - Partie 2

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Je me réveillai en sursaut à cause d'un bruit mat et court, le son de mon livre touchant le plancher vieilli du salon.

Bon sang, je m'étais endormie. Ça ne m'était pas arrivé de dormir la nuit depuis des mois. J'émergeai, un peu désorientée, dans le noir absolu. Mince, pensai-je, voilà pourquoi.

Le feu avait cessé de dispenser ses flammes rassurantes et d'éclairer la pièce. Je n'avais pas la moindre idée de l'heure qu'il pouvait être et je ne voyais rien de chez rien. Je lâchais un juron et me levais pour chercher ma boîte d'allumettes, posée quelque part sur le rebord de la cheminée, en tâtonnant partout autour de moi. Je la trouvais assez facilement et en craquai une. Lorsque le petit bout de bois s'embrasa, et le court laps de temps que dura sa combustion, je vis ses oscillations orangées se refléter dans deux grands yeux qui se mirent à briller et me renvoyer avec éclat cette lueur. On aurait dit qu'une centaine de petits miroirs composaient les iris de l'homme devant moi.

Pendant les quatre secondes où je pus bénéficier de la lumière, je fus comme paralysée. J'avais jusqu'alors oublié l'existence de cet étranger que j'avais ramené chez moi, inconscient, et voilà qu'il se tenait assis sur mon lit, son regard perçant posé sur moi jusqu'à ce que la flamme s'éteigne.

Plongée dans l'obscurité et saisie par la vision de cet homme éveillé au regard dérangeant, je ne sus pas quoi faire d'autre que de me plonger une fois de plus dans l'immobilité la plus totale. Je pus entendre ma propre respiration puis, moins perceptible mais présente, la sienne. J'avais sans doute plus peur de lui que lui de moi. Après tout, je lui avais sauvé la vie. Avec ce froid, il serait peut-être mort à l'heure qu'il est.

Dans la surprise, j'avais fait tomber le paquet d'allumettes sur le sol et n'avais pour l'instant pas l'intention de le ramasser. Je ne sus pas ce que j'attendais au juste, mais je l'attendais. Le bruit d'une allumette qu'on craque me fit sursauter bien avant qu'elle ne s'allume à quelques centimètres de mon visage. L'homme aux yeux de chat crépitants la tenait fermement entre les doigts de sa main gauche et saisit une bougie posée sur le rebord de la cheminée de l'autre. Il l'alluma et la reposa à sa place.

- Merci, chuchota-t-il d'une voix grave et sûre.

Il m'emporta en un souffle. Son timbre était absolument fantastique, attractif et mystérieux. J'avais imaginé son regard avec tellement de fantasmes que je m'étais attendus à être déçu. En revanche, il était encore plus incroyable les yeux ouverts que je l'avais imaginé . Il n'avait rien de réel, rien de commun avec les autres garçons.

Après un ou deux clignements d'yeux, je réussis enfin à bégayer quelques mots.

- Merci de quoi ? répondis-je maladroitement ayant perdu le fil de mes pensées.

- De m'avoir aidé !

- Tu serais mort de froid si je ne l'avais pas fait et si tu mourrais dans mon jardin ça aurait été à moi de t'enterrer.

Wouaw, quelle brillante manière de me justifier ! Étais -je devenue si insensible que ça ou était-ce une carapace ? Il se mit soudainement à avoir une quinte de toux épouvantable au point de se tordre de douleur en direction du sol. Il eut beaucoup de mal à reprendre sa respiration au point que je dus l'aider à s'asseoir dans mon fauteuil où il réussit enfin à retrouver son souffle.

- Est-ce-que ça va ?

- Ça va aller ! m'assura-t-il une main posée sur la poitrine.

- Tu as attrapé froid ! Tu as faim ? lui demandai-je. Je vais te faire une soupe ça te fera du bien !

S.A.MOù les histoires vivent. Découvrez maintenant