C'était de la folie. Comment ce garçon, dont je ne savais toujours pas le nom d'ailleurs, pouvait-il vivre dans un laboratoire depuis toujours ? La situation devenait vraiment trop étrange pour moi, c'était au-delà de ce que mon monde pouvait admettre comme plausible.
- Tu veux dire que tu es né dans les locaux de Chorus ?
- Je ne sais pas, j'ai toujours été là-bas.
- Tu as quel âge ?
- Je ne sais pas !
Il y avait beaucoup de choses qu'il ne savait pas. Avais-je à faire à un fou ? Pourquoi était-il enfermé dans un laboratoire comme un vulgaire animal d'expérimentation ? Tout ça me dépassait. Je tentais de faire le point dans mon esprit et de tenter de trouver les bonnes questions à poser. Peut-être avait-il bel et bien la grippe X et que c'était pour ça qu'il était enfermé là-bas, pour éviter la contamination... Non, ça ne tenait pas debout, tout le monde avait été vacciné par la Déveine et quand bien même il aurait eu la grippe X, il n'aurait pas été un danger pour nous.
Craignant pour sa santé, et pour en avoir le cœur net, je me promis qu'aux premières lueurs du jour je me rendrais chez Monsieur Acido pour lui demander quelques médicaments. Avec un peu de chance, ce n'était qu'un rhume ou une vilaine toux. Les médicaments se faisaient rares et, après avoir fouillé toutes les maisons vides et pris tout ce qui pouvait nous être utile, nous nous étions fait une réserve plutôt intéressante. Mais, toutes ses boîtes devaient nous aider à vivre toute une vie, le gâchis n'était pas envisageable. Il allait être difficile de convaincre Monsieur Acido de m'en céder.
Mon jeune inconnu avala une autre gorgée de bouillon, toujours sans me lâcher du regard.
- Comment tu t'appelles ? lui demandai-je enfin.
- Sam !
J'écarquillai les yeux, surprise par sa réponse car je m'étais presque attendu à ce qu'il me réponde qu'il ne savait pas.
- C'est très joli, moi c'est Molly ! Molly Garnier !
- Juste Sam pour moi, confirma-t-il.
- Tu sais que tu es étrange ?
- Moi ? Pourquoi ?
- Je ne sais pas d'où tu viens, mais de là où je viens les gens savent plus de choses sur eux que ce que toi tu n'en sais sur toi-même.
- Comme quoi ? s'étonna-t-il.
- Ben où ils sont nés par exemple ! Leur nom de famille, leur âge, des choses en rapport avec leur identité quoi.
- Ah ! se contenta-t-il de répondre.
- Dis-moi Sam, qu'est-ce que tu faisais chez Chorus ?
- Rien, j'étais là-bas c'est tout. On s'occupait de moi.
- Qui s'occupait de toi ?
- Des hommes et des femmes, répondit-il simplement.
- Mais des hommes et des femmes qui y travaillaient ? Sam il faut vraiment que tu m'aides à comprendre ce qui t'a mené jusque dans ce fauteuil, le suppliai-je.
- Oui ils travaillaient là-bas. Je vivais dans une grande pièce blanche dans laquelle je dormais beaucoup.
- Tu t'ennuyais ?
- Non, on me forçait à dormir ! Je le sais parce que je rêvais beaucoup.
- Pourquoi te forçait-on à dormir ?
- Je ne sais pas ! répliqua-t-il une fois de plus.
Il se massa le pli du coude, mal à l'aise, et j'y vis, malgré la faible luminosité que nous offrait le feu dans la cheminée, un arc-en-ciel d'ecchymoses de couleurs et d'anciennetés différentes le parsemer. Je n'hésitai pas une seconde à me saisir de sa main pour le tirer vers moi. Les veines de cette zone avaient éclaté un peu partout laissant le sang se rependre sous la peau à sa guise. On s'était acharné sur lui.
- Qui t'as fait ça ? m'horrifiai-je. C'est Chorus ?
- Je crois ! Je ne me souviens de rien Molly, je passais plus de temps endormi qu'éveillé.
- Et quand tu étais éveillé qu'est-ce que tu voyais ?
- La pièce blanche !
Des frissons me parcoururent de toute part lorsque je compris que Sam était en fait un sujet de laboratoire. Comment était-ce possible ? Pouvait-on encore, à notre époque, enfermer un homme depuis sa naissance et faire je ne sais quoi de lui ? Qu'avait-il de si intéressant pour que Chorus le retienne captif comme ça ?
- Comment es-tu sorti ?
- J'ai arrêté de dormir !
- Pourquoi ?
Je me pris au jeu beaucoup plus que je ne l'aurais cru, mais toutes ces interrogations me rendaient folle. Je voulais savoir, je voulais comprendre et je voulais l'aider.
- Ils sont tous morts !
- C'est la grippe X et la Déveine ça, lui expliquai-je.
- Au bout d'un moment j'ai compris qu'il n'y avait plus personne et je suis juste parti.
- Et tu as atterri dans mon jardin, conclus-je. Pourquoi tu n'es pas resté là-bas ?
- Pour quoi faire ? s'offusqua Sam en fronçant les sourcils.
- Il devait sûrement y avoir des informations qui t'auraient appris qui tu es et ce que tu y faisais. Tu n'es pas curieux de connaître la vérité ?
- Quelle vérité ?
- Celle qui a poussé des Hommes à se comporter comme des savants fous en séquestrant un autre Homme.
- Pourquoi tu parles de savant fou ? s'agaça-t-il.
- Parce que tu viens de Chorus, que c'est un laboratoire et que tu as le pli du coude remplis de trace d'aiguilles. Sam je ne sais pas ce qu'ils te faisaient, je n'ose même pas l'imaginer, mais tu dois comprendre que ce n'est pas une chose normale.
- Ah bon ?
- Non ! insistai-je bien pour lui faire comprendre. Personne ne devrait être traité ainsi même à cette époque folle où c'est devenu "chacun pour soi". Tu es un être Humain et personne n'a le droit de te retenir captif de cette manière. Au fond de toi tu devais le savoir sinon tu n'aurais jamais quitté ta pièce blanche comme tu dis.
- Peut-être ! avoua-t-il timidement.
- Tu sais quoi ?
- Non ?
- Je suis contente que tu aies atterri dans mon jardin.
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S.A.M
Ciencia FicciónEn 2050, le monde est soudainement ravagé par une nouvelle mutation du virus de la grippe que tout le monde pense inoffensif. Sans même qu'ils ne s'en aperçoivent, les Hommes se retrouvent victimes d'une pandémie et nomment le virus "la grippe X". P...