Chapitre 7 - Partie 1

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Nous nous réveillâmes vers 9 h 30. Ce matin-là, je me souviens m'être sentie comme la reine du monde. J'étais heureuse, lui aussi, et nous nagions dans une sorte d'euphorie extrêmement bénéfique pour nous deux.

Depuis que Sam était apparu dans ma vie, mes habitudes de vie s'en étaient vues totalement bouleversées. En temps normal, je devrais déjà être en chemin pour me rendre chez Monsieur Acido. Pourtant, je traînais au lit, inconsciente des conséquences que pouvaient avoir mes actes.

Il était très important que j'y sois ! Je devais prouver à Monsieur Acido que je ne l'avais pas dupé la veille et éviter par-dessus tout qu'il vienne jusqu'ici en pensant qu'il m'était arrivé quelque chose. Oui, j'aurais dû y aller, mais je ne le fis pas. Je ne pus me résoudre à rendre visite à cet homme qui souhaitait faire de moi bien plus qu'une amie. Que ferai-je une fois dans sa maison, lorsque je lui dirais que j'avais réfléchi - en réalité je n'en avais pas eu besoin - et que non, je ne viendrais pas habiter avec lui ?

Je préférais ne pas y penser. L'important dans tout ça c'était que Sam avait eu ses médicaments et que les antibiotiques semblaient lui faire du bien. Je reprenais peu à peu espoir.

Nous ne restâmes pas longtemps à la maison et sortîmes rapidement pour une balade dans les bois tous les deux. Nous nous enfonçâmes dans la forêt, main dans la main comme deux enfants, à la recherche de plantes et champignons comestibles.

Sam semblait ravi d'être dehors. Plusieurs fois je le vis lever la tête et pointer son visage vers le ciel afin de capturer la chaleur des rares rayons qui réussissaient à passer à travers les branches. Il se comportait comme une plante en pleine photosynthèse. Il s'extasiait de tout, voulait connaître le nom de chaque arbre, chaque plante et chaque insecte. Son enthousiasme débordant pour ce que moi je considérais comme une tâche ingrate me rappela qu'il n'était pas comme moi.

Je repensai à Chorus, au fait qu'il ait sûrement été un sujet d'expérience et à ce qu'il avait dû endurer. Que lui avaient-ils fait ? Pourquoi ? Autant d'éléments sans réponses qui ne semblaient pas le perturber outre mesure. Une balade en forêt était un bon endroit pour discuter de tout et de rien non ?

- Sam ? rompis-je le silence pourtant agréable qui flottait entre nous.

- Hum !

- Je repense à Chorus, tentai-je de lancer la conversation.

Son beau visage perdit son sourire et il redevint sérieux, soucieux plutôt.

- Je ne sais rien Molly !

- Et ça ne te perturbe pas ? Tu ne sais pas depuis combien de temps tu es là-bas, tu ne sais pas ce qu'ils te voulaient et tu ne te souviens de rien, me sentis-je obligée de lui rappeler. Il suffit de regarder le creux de ton coude pour se rendre compte qu'il y a quelque chose de pas net là-dessous.

- Et qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ? Les scientifiques de Chorus sont morts, j'ai réussi à y échapper et c'est une bonne chose, haussa-t-il très légèrement le ton.

- Mais tu n'es pas curieux de comprendre ce qui t'est arrivé ? Tu as peut-être de la famille, des gens qui t'aiment et t'attendent quelque part.

- Personne ne m'attend.

- Tu vois, quand tu dis ce genre de choses j'ai l'impression que tu te souviens de plus de trucs que tu ne veux bien me le dire.

Il s'arrêta et prit mes mains dans les siennes pour que je lui fasse face. Il soupira un grand coup et un rayon de soleil vint frapper un de ses iris qui se mit très légèrement à scintiller comme lorsque la petite lueur de l'allumette l'avait éblouie. Il le sentit et se décala légèrement pour que ce ne soit plus le cas. Il ne me laissa pas méditer là-dessus trop longtemps, il se mit à parler.

- Molly ! Je ne sais rien sur ce qu'on faisait sur moi là-bas mais je sais qu'on m'a sûrement choisi parce qu'il savait que je ne manquerais à personne. Aujourd'hui je suis ici et j'aimerais effacer à jamais le souvenir douloureux de Chorus de ma mémoire si tu m'en laisses l'opportunité.

Je fus terriblement gênée. Il avait raison, j'étais un monstre d'insister autant. Bien heureusement, il ne m'en tint pas du tout rigueur et la suite de notre escapade se déroula sans accroc. Nous ramassâmes plusieurs champignons et de l'ail des ours dans le but de faire une poêlée.

Nous rentrâmes un peu avant quinze heures. Avant d'émerger de la forêt et d'atterrir dans le jardin derrière la maison, je me stoppais et vis entre les arbres la porte de derrière ouverte. Quelqu'un était entré chez moi et s'y trouvait peut-être même encore.

Je ne restai pas statique plus longtemps et courus à travers le jardin. Je fis signe à Sam de s'arrêter et observais plus minutieusement la scène. Il n'y avait pas de trace d'effraction, pas de carreaux cassés, la porte était intacte ainsi que ses gonds mais le pot de fleurs au fond duquel je cachai une clé de secours, sous une multitude de terre, avait été vidé sur le sol. Il n'y avait qu'une seule personne qui était au courant de cette cachette. Monsieur Acido !

Au fond, j'aurai dû m'en douter. Je savais qu'il y avait un risque qu'il vienne lui-même si je n'y allais pas. Dans ma tête, j'avais émis l'éventualité qu'il vienne me trouver directement chez moi. En revanche, j'avais toujours pensé qu'il n'aurait la patience de m'attendre une heure ou deux seulement et qu'ensuite il s'en irait, voyant que je n'étais pas là. C'était d'ailleurs l'objectif de notre balade. Jamais je n'aurai pensé qu'il m'attende si longtemps, encore moins qu'il se serve de ma clé pour le faire à l'intérieur.

J'étais piégée. Je n'avais pas d'autre choix que de rentrer mais Sam allait devoir rester à l'extérieur sous peine de déclencher la fureur de celui qui s'était introduit chez moi.

- Tu crois que ce sont des rôdeurs ? me demanda Sam.

Je fus surprise qu'il connaisse le nom qu'on donnait à ceux qui pillaient les maisons encore habitées mais n'eus pas le temps de relever.

- Non, c'est Monsieur Acido !

- Qui ?

- Un ami. C'est lui qui m'a donné les médicaments. J'ai pour habitude de venir lui rendre visite tous les jours. Il a dû s'inquiéter de ne pas me voir aujourd'hui.

- Dans ce cas allons-y, tu me le présenteras.

- Non justement, l'arrêtai-je. Il ne comprendrait pas ta présence ici.

- Pourquoi ? s'étonna-t-il.

- Il dira que tu cherches à profiter de moi, il voudra te mettre dehors, bref j'en passe. Il... Il tient beaucoup à moi, bredouillai-je mal à l'aise de l'avouer.

Il planta son regard dans le mien et je sus qu'il savait. Il avait lu le mensonge en moi comme dans un livre ouvert ,mais il ne dit rien.

- Je t'attends ici alors, déduit-il platement.

- S'il te plaît oui.

Je laissai donc Sam retourner à la lisière de la forêt. Avant de pénétrer dans la cuisine, je me retournai pour lui jeter un dernier regard et le découvris posté à l'endroit même où je l'avais vu pour la première fois. Cette nuit où j'avais traîné jusque dans mon salon un homme terrifiant qui s'avérera être un homme extraordinaire.

S.A.MOù les histoires vivent. Découvrez maintenant