Ou l'histoire d'une année oubliée :
Lorsque je pense à mon année de première je pense d'abord à ce chaud soleil d'automne mais très vite le brouillard tombe sur mes souvenirs et me glace entièrement. Cette année là je ne l'ai pas réellement oublié, il m'en reste des souvenirs mais ils sont flous. C'est pour cela que je parle de brouillard, car me promener dans ma mémoire à cette période de ma vie revient à avancer à tâtons, les mains tendues en avant, complètement perdu.
Je ne me souviens pas de ce que j'ai étudié en cours alors qu'il me revient avec précision des images de leçon bien antérieure. Je ne me souviens pas des livres que j'ai lus alors que des titres parcourus au collège sont encore frais sans mon esprit. Je ne me souviens pas d'événements particuliers, ces petites choses semblant insignifiante mais que l'on garde longtemps en mémoire, alors que je suis encore capable de vous dire comment j'ai rencontré mon amie d'enfance lorsque j'avais quatre ans.
Que me reste t-il de cette année alors ?
Déjà cette sensation horrible d'épuisement tant physique que mental. Vous savez lorsque vous rentrez de cours après une longue journée où vous avez eut sport ainsi que toutes les matières que vous ne supportez pas ? Vous connaissez ce sentiment de fatigue que vous avez après ce genre de journée ? J'avais le même mais dés le matin.
Je sais aujourd'hui que cela s'appelle le ralentissement psychomoteur et que c'est l'un des symptômes de la dépression, à l'époque j'avais juste l'impression que ma tête était remplie d'un fluide trop épais pour que mes pensées puissent circuler et que tout mon corps était comme lesté d'acier tant il me paraissait lourd.
Je ne faisais rien car je n'en avais tout simplement pas la force. Lorsque je rentrais le soir je voulais juste dormir, et d'ailleurs c'est que je faisais très souvent, qu'importe qu'il ne soit même pas encore vingt heures.
C'est à cause de ce ralentissement psychique, ou bradypsychie, que je ne me suis pas rendu compte plus tôt de mon orientation sexuelle et de mon genre. Je suis aujourd'hui convaincu que si mes fonctions cognitives avaient été normales durant cette année j'aurais sans doute réfléchie là-dessus et ma prise de conscience en aurait été plus précoce.
Mais comme je le disais je n'avais tout simplement pas la force. Je parvenais à peine à me concentrer sur mes cours alors se plonger dans une longue introspection, pensez-vous. Cette fatigue était telle qu'elle m'empêchait de faire la seule chose que je juge essentiellement à ma survie si l'on excepte les besoins vitaux : écrire. J'avais abandonné mes romans, je n'écrivais plus que des fanfictions mais sans que cela ne m'apporte aucune joie ni calme. Je n'aimais pas écrire, je le faisais juste car je savais que si je le faisais arriverais ensuite une des seules choses faisant naître un sourire sur mes lèvres : des commentaires positifs.
Je m'accrochais plus que tout à ces petits mots, allant parfois même jusqu'à me connecter à internet plusieurs fois dans la même minute pour voir s'il n'y en avait pas eut un nouveau. C'étaient les seuls rares moments où je sortais de mon indifférence.
Que me reste t-il d'autre ?
La douleur.
J'ai développé, en plus de mon épisode dépressif, ce que l'on nomme joliment en psychologie une trouble avec une composante somatique. Les psychanalystes, eux, préfèrent le terme d'hypérie. A vous de voir ce que vous aimez le plus. Comment décrire ce trouble ? C'est assez simple : le patient traduit une douleur psychique par une physique.
Donc mon cas je traduisais ma douleur d'avoir du quitter mon lycée et la fille que j'aimais par un mal de tête constant. Et je n'avais pas mal n'importe où à la tête mais à l'arrière, exactement à l'endroit où cette fille m'avait frappé une fois. Je suis toujours impressionné par les pouvoirs de l'esprit sur le corps, réussir à localiser cette douleur à cet endroit précis, c'est tout de même assez fort.
Ce mal était intiment lié également à mon nouveau lycée puisqu'il commençait le matin lorsque je montais dans le bus et se terminait le soir lorsque j'en descendais. Plus tard, lorsque ce ne fus plus suffisant, je me mis à avoir des nausées dés mon arrivée au lycée puis le midi après la cantine.
Il me reste aussi de cette année les pleures. Je fondais en larme plusieurs fois par jour. Souvent c'était à cause de ma douleur à la tête, parfois à cause d'une mauvaise note mais bien la plus part du temps c'était sans aucune raison. Et le plus horrible ce n'était pas les larmes ni même le regard des gens mais le fait que je savais que je devais arrêter mais, comme en étant incapable, je pleurais de plus belle.
Il va sans dire que ce point-ci ainsi que celui d'avant participèrent grandement à mon sentiment de fatigue constant.
Et enfin il me reste la peur. Non pas que j'ai eut particulièrement peur durant cette année mais lorsque j'y repense je la sens de suite s'enrouler autour de ma colonne vertébrale, s'insinuer sur mon cœur et accélérer ses battement et peser sur mes poumons, me privant presque du luxe de respirer.
Il me reste de cette année l'angoisse profonde et viscérale que ça recommence un jour. Dés que je suis triste, dés que je suis un peu inactif, dés que je pleure, j'ai peur. Car cela me renvoie toujours à ce moment de ma vie, ce moment que je ne veux plus jamais revivre et ce même si je sais que j'ai fini par m'en sortir.
Car oui, cela c'est bien arrêté un jour.
J'aimerais vous faire un beau récit. Vous dire que quelqu'un que je connaissais est décédé et que je me suis rendu compte qu'il fallait profiter de la vie. Vous peindre, la larme à l'œil et la voix chevrotante, le tableau d'une rencontre qui changea tout. Vous écrire, les doigts tremblant d'émotion, l'histoire d'une révélation. Mais la vie est parfois moins palpitante qu'on le voudrait alors laissez moi juste vous donner la vérité : la maladie est partie progressivement d'elle-même.
A partir du mois de juin elle commença à battre en retraite, au mois de septembre elle n'était plus qu'un souvenir. Elle a plié bagage comme un esprit frappeur ayant décidé qu'il avait assez tourmenté sa cible.
Je crois que ce qui fut le déclencheur de cette disparition fut l'annonce que je ne pourrais pas retourner dans mon lycée l'année suivante. Je dis cela car j'ai parfaitement le souvenir du coup de fil de ma mère qui m'apporta cette nouvelle. J'étais à l'arrêt de bus, il faisait chaud, j'ai éclaté en sanglot.
Et après cette crise de larme le brouillard quitte progressivement ma vie. Je me rends compte que j'ai de plus en plus de souvenir et la colonie de vacance que j'ai faite en Finlande durant ce mois de juillet est même parfaitement nette dans mon esprit.
D'ailleurs ce séjour fut un bouclier. Il empêcha la dépression de revenir, il l'a maintenu à distance. La bonne ambiance dans le groupe, les troupeaux de rennes courant sur la route, les glaces aux myrtilles, celles aux réglisses, les nuits ensoleillées, la nature à perte de vu et les paysages à vous faire pleurer, tout cela me maintenait dans un état positif constant.
J'étais fatigué mais c'était de la bonne fatigue, celle qui vous prend après une journée entière de marche, je pleurais mais c'était de rire de voir nos têtes recouvertes de moustiquaires, j'avais mal mais parce que je m'étais jeté trop vite dans l'eau tiède d'un lac en sortant d'un sauna brûlant. J'avais retrouvé une vie normale.
Et puis vint la terminale. Dernière année de lycée, dernière année d'enfance, dernière année avant la liberté.
Hey!
Désolé de ne pas avoir posté cette partie avant mais elle ne fut pas facile à écrire. En plus comme je suis plutôt dans un état d'esprit positif en ce moment ça ne m'a pas aidé à me replonger dans cette partie de ma vie.
La suite arrivera je ne sais trop quand...oui, je sais, c'est très précis.
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