Celle Qui T'a Donné Ton Nom

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Ikki n'avait remis les pieds sur l'Île de la Reine Morte qu'une seule fois depuis son entraînement, qui s'était achevé il y a douze ans. La fois où il avait emmené June.
Cela faisait bien cinq ans maintenant.

L'endroit n'avait pas changé. Il était exactement comme dans ses souvenirs.

Les volcans avec les effusions de lave, les versants de montagne escarpés, la terre désertique, la chaleur suffocante.
Il se rappelait toujours avec douleur toute la souffrance qu'il avait vécue pendant ses six ans d'entraînement, ces six années de pure torture.

- Ikki, avance plus doucement, s'il te plaît... On n'est pas des phénix, tu sais.

Le jeune homme se retourna pour attendre June et leur fille.

- Désolé, cet endroit m'est si familier maintenant.
Il glissa ses doigts entre ceux du Caméléon. Le visage de la jeune femme se détendit.

Elle n'aimait pas cet environnement, inhospitalier au possible, et cela faisait des heures qu'ils marchaient sous un soleil brûlant, sur une terre sèche et craquelée. La dernière fois qu'ils avaient croisé un quelconque être vivant, c'était avant que l'avion ne décolle du Sanctuaire.

Au fur et à mesure qu'ils avançaient, June visualisait mieux pourquoi son aimé parlait de 'l'enfer qu'il avait vécu  pendant six ans', et elle ne pouvait que l'aimer et l'admirer encore plus.
Shun n'aurait pas tenu une journée, et elle encore moins.

Ikki jeta un coup d'œil à l'enfant que June portait dans ses bras.
Leur fille.

Elle ressemblait beaucoup à sa mère, dont elle avait hérité ses cheveux blonds, ses grands yeux azur et ses traits fins.

Mais sa peau était bronzée comme celle du Phénix.

Et elle n'avait que quatre ans, mais le Caméléon riait souvent en disant qu'elle aurait le caractère de son père.

Présentement, la petite fille était encore moins à l'aise que June sur cette île —  normal, elle était encore fragile; ses parents avaient longuement hésité avant d'entreprendre un tel voyage avec elle.
Comme toutes les cinq minutes, le jeune père se demanda si ce n'était pas une mauvaise idée. La petite transpirait et semblait sur le point de s'évanouir.

- Ça va? demanda-t-il en essuyant la sueur qui trempait les mèches blondes.

Elle ouvrit les yeux d'un coup et lui décocha un sourire avec une dent en moins.

- Oui!

June eut l'air amusée devant l'expression de son compagnon. Il ne  l'admettrait jamais, mais elle savait qu'à cet instant, son cœur était en train de fondre parce que leur fille était trop mignonne.
- Elle est aussi endurante que toi, dit-elle avec un clin d'œil.

- Je peux marcher avec Papa? demanda l'intéressée, l'air soudain aussi réveillée que si elle avait dormi une nuit entière.
Elle avait en effet une force de vie étonnante.
- Tu es sûre? s'inquiéta pourtant la jeune femme.

Ikki rit et lui lança un de ces regards dont il avait le secret, ce regard qui suffisait seul à la rassurer instantanément. L'Éthiopienne saisit  une petite main et l'oiseau de feu prit l'autre.
Ravie, la fillette se mit à jouer à la balançoire avec les mains de ses parents.

- Eh, doucement! rit June.

Au bout d'un moment, l'enfant finit par se lasser.

- On arrive quand...? bâilla-t-elle.
Ikki la prit dans ses bras, et sentit avec soulagement diminuer le dégagement de cosmo-énergie comme elle se détendait.
- Bientôt.
- Pourquoi elle est pas là, Nat?
- Parce qu'elle est restée au Sanctuaire avec ses papas! répondit June en s'appuyant sur le bras d'Ikki.

À la mention de Natassia, la fille de Shun et Hyōga, le Phénix sourit. Lui comme June avaient souvent l'impression de se retrouver en leur fille, dans l'amour que cette dernière portait à sa cousine. Elle la couvait comme la prunelle de ses yeux — bien que Natassia ne soit pas du genre à se laisser embêter par les petits terribles de la nouvelle génération du Sanctuaire.
Les deux cousines entretenaient un lien très fort et  elles étaient toujours ensemble, et Ikki et June avaient eu beaucoup de mal à convaincre leur fille de les suivre sans Natassia.

Le Caméléon caressa tendrement la petite tête blonde de l'enfant endormie dans les bras du Phénix.
Ils marchaient en silence depuis qu'elle était tombée de fatigue — elle  repoussait sans cesse ses limites, mais il y avait quand même des 'moments où il fallait 'recharger son cosmos', comme elle disait!

Le visage d'Ikki s'éclaira alors, et, sans prévenir, il se mit à marcher plus vite. June cligna des yeux, ignorant la chaleur insupportable qui lui donnait l'impression que sa tête allait éclater, et accéléra le pas pour se maintenir à sa hauteur.

Le chemin qu'ils suivaient menait à une  falaise, qui s'arrêtait à une centaine de mètres.

Alors, entre les rochers érodés et sillonnés par les traces de pluie de lave, les branches calcinées et tordues des arbres si noirs qu'ils avaient dû  pousser déjà morts, apparut une croix solitaire.

June ne fit plus attention à sa fatigue et ouvrit entièrement les yeux.
Son  compagnon et leur fille étaient déjà arrivés et la petite, bien réveillée — c'est fou, elle n'avait vraiment que deux modes, 'on' et 'off'! — s'était agenouillée pour voir de plus près.

C'était ici qu'elle reposait.

Celle qui avait sauvé Ikki, et en partie grâce à qui il était le Phénix.

Ce dernier avait déjà emmené June sur la tombe, mais malgré cela, l'Éthiopienne se sentit aussi secouée que la première fois.

Ikki  passa son bras autour de ses épaules et tourna son regard vers elle. Il semblait aussi sûr de lui que d'habitude, mais ses yeux tremblaient  légèrement.
La blessure avait presque disparu, mais elle subsistait encore.

Une petite voix les renvoya à la réalité.

- C'est qui, Papa?

Elle avait compris que ça devait être quelqu'un de très important, vu l'éclat d'intérêt qui brillait dans ses yeux. Ikki s'agenouilla pour se mettre à la hauteur de sa fille, qui le scrutait d'un air interrogateur.
- C'était quelqu'un de très important pour moi... comme ma sœur.
- Comme Shun en fille? demanda la petite avec le plus grand sérieux.
- Oui, à peu près, dit son père. C'est vrai qu'elle lui ressemblait beaucoup.
- Et c'est grâce à elle que Papa est devenu Chevalier du Phénix, ajouta June.
- Ouah, elle était très forte alors!

Le regard du jeune homme se perdit dans le vague.

- Sans Esmeralda, je serais peut-être mort.

La petite fille blonde s'immobilisa et fronça les sourcils.

- Esmeralda? répéta-t-elle, étonnée. Mais c'est...

Ses deux parents la regardèrent dans les yeux.

- Oui, acquiesça Ikki avec un sourire. C'est elle, celle qui t'a donné ton nom.

Celle Qui T'a Donné Ton NomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant