7 - De troubles intuitions

63 13 0
                                    


Deux heures plus tard, Hadria était toujours aussi perturbée par les paroles d'Harmont. À présent qu'il avait semé le trouble dans son esprit, elle ne pouvait plus voir ses collègues de la même manière. Et elle ne voulait surtout pas songer à sa dernière remarque...

Armée d'un livre, elle s'était assise dans le salon, confortablement installée dans un fauteuil qui tournait le dos à la porte. Silencieuse et immobile, elle pouvait écouter toutes les conversations autour d'elle, dans le va-et-vient des différents occupants de la maison : Ralstone, McFarlane, By, Standish, Jordans, d'Harmont... Madame Konstantine... Ashley...

Ralstone et Jordans avaient mené un petit conciliabule dans le coin le plus éloigné de la pièce ; ils parlaient à voix basse, mais quelques éclats de voix troublaient parfois le calme du lieu. Hadria n'avait saisi que quelques mots : expérience... reine... secret... Ce qui était tout à la fois évocateur et étrangement perturbant.

McFarlane, de son côté, avait été entrepris par madame Konstantine qui semblait vouloir obtenir de lui qu'il l'introduise dans des cercles d'invocation des Sidhes. Le « docteur féerique » ne manifestait pas un grand enthousiasme ; sa conversation ressemblait à celle d'un vieil ours mal réveillé qui aurait tenté d'être courtois, malgré tous les efforts de la mante religieuse de l'ésotérisme pour l'enserrer dans ses rets. À l'abri de son poste d'écoute, Hadria n'avait pu s'empêcher de sourire à ces échos, qui valaient largement le détour. Elle avait saisi un autre échange pour le moins intéressant entre d'Harmont et Standish, avant que le démystificateur ne réalise que la pièce était occupée... Quelque chose qui avait à voir avec leurs « mandataires respectifs ».

Ce terme n'avait pas manqué de faire dresser l'oreille à Hadria : n'avait-elle pas elle-même été mandatée par Spiritus Mindi, du moins par la partie officielle et connue de la fondation ? Les deux hommes s'étaient tus dès qu'ils avaient remarqué sa présence. Elle avait fait mine de lever le nez de sa page, comme s'ils l'avaient dérangée dans sa lecture. Standish avait froncé les sourcils, tandis que d'Harmont demeurait tout sourire. Ils avaient rapidement pris congé, non sans que le comte ne lui eût adressé un regard appuyé et indubitablement amusé.

Depuis, Hadria ne saisissait pas un traître mot de l'ouvrage : ses pensées tournaient en rond, et pas exactement autour des bons sujets.

« Me permettez-vous de vous tenir compagnie ? » lança une voix plus moqueuse que courtoise.

Elle releva les yeux, pour découvrir By debout devant elle.

« Oui, bien volontiers... répondit-elle évasivement.

— Vous pouvez très bien m'envoyer promener si vous en avez envie, riposta le mythologue avec un petit sourire. Parfois, je dois dire que je peine à apprécier ma propre compagnie. »

La jeune femme ne put s'empêcher de sourire à cette remarque ; elle referma son livre – de toute façon, elle parcourait la même page depuis plus d'une heure – et le posa à côté d'elle. By s'assit en face d'elle, les coudes sur les genoux, ses longs doigts croisés sous son menton.

« Je me pose une question depuis votre arrivée, assez simple en fait... Qu'êtes vous donc venue faire dans ce panier de crabes ? »

Elle haussa légèrement les épaules, même si ce geste était réputé inélégant chez une dame :

« Lord Ralstone a notifié son désir d'exposer ses derniers travaux concernant la corrélation entre les Sidhes et les lignes d'énergie... Spiritus Mundi a proposé de lui envoyer quelques représentants afin de déterminer si ses travaux pouvaient bénéficier de l'aide de la fondation.

Spiritus Mundi - II - La Reine des Fées [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant