Le tapotement régulier de doigts sur la table résonnait dans la vaste salle. Elle était banale. Terriblement banale même. Une table en bois écornée avec des tâches d'encre et tout autour des chaises en plastiques de coloris différents. Il était tôt, il faisait froid. Et pourtant six personnes étaient rassemblées en ce dimanche matin. S'évitant du regard, cherchant désespérément un moyen de s'occuper l'esprit sans faire attention aux autres. Ils se connaissaient tous au moins de vue. Mais personne ne savait pourquoi ils avaient été réunis en ce lieu aujourd'hui. La seule personne qui osait regarder les autres était munie de grosse lunettes à effet loupe, agrandissant ses yeux si foncés qu'on n'en distinguait presque pas la pupille. Une voûte sans fond, sans reflet, sans luminosité. Un soupire franchit les lèvres de la demoiselle qui tapotait des doigts depuis maintenant trois minutes. Une main parfaitement manucurée mais aux ongles coupés courts. Une main fine à la peau d'une pâleur distincte. Sentant qu'elle allait déclarer quelque chose, les autres se redressèrent sur leur siège.
Elle n'en eut pas l'occasion car la porte s'ouvrit sur un nouvel adolescent. Un joueur de l'équipe de football du lycée. Il regarda brièvement autour de lui avant de partir s'asseoir dans un silence de mort. Encore un qui ne savait pas ce qu'il faisait ici. Une chose est sûre, la même personne les y avait conviés. Les enveloppes rouges carmin qu'ils avaient tous devant les yeux portaient chacune leur nom dans une écriture jaune canari à s'en allumer les yeux. Une couleur atypique, laide si on en croyait les critères. L'un des élève s'amusait même à faire de la sienne un origami puisqu'elle était vide. Seul le lieu et l'heure ont été écrits en petit sur un carré de feuille glissé à l'intérieur. Une enveloppe trop grande pour un si petit bout de papier.
Finalement, après une vingtaine de minutes dans un mutisme complet, les portes se fermèrent sur une jeune femme. Comment savaient-ils qu'elle était la personne qui les avait conviés ? Sa robe était d'un rouge aussi voyant que celui de l'enveloppe et de fines perles luisaient par-dessus. Si les couleurs sur le bout de papier avaient semblé laides, personne ne put contester la beauté de la tenue plus que vintage de la jeune femme. Une robe courte, voyante mais d'une sobriété contrastant avec les couleurs employées. Un oxymore à elle-seule. Le bruit cessa et la demoiselle leur fit un sourire chaleureux et énigmatique.
- Mon nom est Annie. Je suis enchanté de pouvoir faire votre connaissance les jeunes.
- Vous ne semblez pas bien plus âgée que nous mademoiselle.
- Je ne contredirai certainement pas. J'espère ne pas trop vous avoir fait attendre.
Elle enleva son châle gris et après avoir serré la main de tout le monde en omettant volontairement un jeune homme, elle s'assit dans un siège entre une blonde et la personne aux lunettes en cul de bouteille.
- Savez-vous pourquoi je vous ai demandé de venir ?
Enfin ils osèrent se détailler et faire le point sur la raison qui les ramenait ici. Ils n'étaient pas dans la même année, appartenaient chacun à un groupe différent, ne s'étaient jamais adressés la parole.. Quoique de vagues salutations de politesse ou un sourire échangé à la cantine mais ça n'était certainement pas assez solide pour expliquer la situation. La jeune femme les regarda tour à tour délibérer mentalement, essayant de faire le tri. Si le silence d'auparavant était religieux, celui-ci était imprégné de curiosité et de mystère. Sept personnes ne se connaissant pas, sept personnes différentes. Mais en quoi étaient-ils différents ?
- Je m'en doutais. Avant tout, sachez que vous pouvez quitter la salle quand vous le voulez. Je n'ai pas fermé la porte et surtout je ne veux pas vous forcer la main à quoique ce soit. Si vous voulez qu'on change de pièce durant notre échange, on le peut. J'ai prévu un plateau avec du jus de fruit et de l'eau à côté si quelqu'un a soif.
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Différences
Short StoryDes invitations données à divers étudiants. Mais pas par hasard. L'expéditeur est anonyme. Et pourtant ils vont se réunir en ce jour. Et se rapprocher plus qu'ils n'auraient pu y penser. Ou comment voir la société du point de vue d'une briseuse de...