Chapitre 9 : Pleurs

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Ça fait une semaine et demi depuis le sport. Bien sûr, Samuel est revenu, tout est normal. On a eu cours de science aujourd'hui. La bouche, l'oesophage, l'estomac, l'intestin grêle, le colom. C'est super de travailler sur ça juste avant le repas. Mais bon, j'aime bien l'anatomie, donc ça va. Quand on sort de cours, après avoir fait un petit schéma, on va à la cantine. Je mange vite, et je sors, comme tous les jours. Comme il commence à faire froid dehors, je vais à la bibliothèque. Je prends un ou deux livres, et vais m'installer dans la salle de cours. Sur le chemin, alors que je suis en train de marcher dans le couloir, j'entends des filles, en bas de l'escalier :
"- T'as vu comment Clara est chiante ? Hier elle a fait semblant d'aller mal, pour nous laisser car elle avait la flemme. Sans compter toute les fois où elle lance un regard noir pour rien...
-Tu te souviens, au début de l'année, quand elle avait fait pleurer Prune, alors qu'elle venait juste d'arriver ?
-Oui je me souviens. En fait, elle fait carrément pitié ! Elle a pas d'amies, et elle fait rien pour s' intégrer. Pas étonnant que Samuel aille la voir.
-C'est clair ! Je suis sûre qu'il va la voir juste par pitié, parce qu'il est trop gentil."
Je continue ma route. Je suis habituée, à l'usure, qu'on me fasse ce genre de remarque. Et puis c'est une vérité, que je n'ai pas d'amis. Mais, dans ce cas, quelles sont ces gouttes qui coule de mes yeux ? Des larmes. J'essaye de me persuader du contraire, mais je sais que c'en est. Je suis habituée à ces attaques, mais pourtant elles me font mal, et même si j'encaisse, je suis en morceaux. Je continue à marcher, mais plus doucement. Quand j'arrive dans la salle de classe, je n'ai plus envie de lire. Je me mets contre le radiateur, assise lez genoux recroquevillés contre ma poitrine. Je pleure doucement, sans faire de bruit, pour que personne ne m'entende et me voit dans cet état. Je pleure, et je pleure encore. Je ne sais pas combien de temps, je suis restée comme ça. Des fois, j'ai l'impression que ça passe, mais je reprends de plus belle.
Un moment, j'entends un bruit dans le couloir. Je cache ma tête avec mes mains. J'ai peur... peur que quelqu'un me voit ainsi, les yeux rouges et le corps desséché tellement j'ai déversé toutes les larmes de mon corps. Cette peur d'être vue se rajoutant, je ne peux plus tenir. Je pleure, encore, à chaudes larmes.
Qui est cette personne, qui m'a vue dans cet état ? Je sais qu'elle m'a vue. Pourtant, elle ne prends pas de photo, elle ne rigole pas. Elle ferme la porte, doucement, pour que personne ne me voit. Cette personne, je le sens, ne me regarde ni avec crainte, ni avec mépris. Elle pourrait bien faire ça par pitié, mais il y a une chaleur qui émane de son regard, du réconfort. Je lève la tête. Je suis dans le noir, et je vois cette bougie qui m'éclaire. Une bougie est éphémère, et elle risque à tout moment de s'éteindre. Je me lève, et je vais me réchauffer dans le regard brûlant de cette personne. Elle a les yeux bleus, les cheveux bruns et un sourire naturel. Cette personne est une des seules personnes de mon entourage à me parler sans crainte ou mépris. Je l'ai méprisé à cause de ça,
Je l'ai enviée, même si je ne voulais pas l'admettre, d'avoir autant de qualités, d'attirer autant.de gens autour de lui. Je l'ai toujours repoussé, mais là je viens à lui. Je m'avoue vaincue, car il a vu ce côté faible de moi.
Je vais mieux, ici, dans des bras réconfortant. Enfin, je dirais, dans ses bras, je suis bien. J'aimerai rester comme ça, mais il va falloir qu'il retourne les autres avant qu'ils s'inquiètent pour lui. Je lui dis, doucement :
"-Tu devrais y aller, Samuel, avant qu'ils viennent voir ce que tu fais...
-Tu es sûre ? Si tu tu sens encore mal, je peux rester."
Cette marque d'attention, le fait qu'il me dise que je lui suis importante, me fait tellement plaisir, que je rougie, et cache ma tête contre son torse.
"-C'est bon, tu peux y aller.
-D'accord. On se rejoint au parc, à la fin des cours ?
-Si tu veux."
En partant, Samuel a caressé mes cheveux, et a déposé un baiser sur mon front.
Je vais mieux. Les craintes que j'avais ont disparues. Mais maintenant, je suis anxieuse quant à Samuel. Je pensais qu'il faisait ça pour se rendre intéressant, mais il était vraiment sincère. Qu'est-ce que je ressent pour lui ? Je sens un frisson parcourir, et réchauffer mon corps. L'effet que Samuel me fait, est ridiculement embarrassant, et quand je repense à la bise sur le front, à la tendresse de son enlacement, de la caresse qu'il m'a fait, je ne peux le nier, je veux revivre ça encore et encore.
Je m'assoie à ma place, et je m'allonge sur la table. Je me sens mieux maintenant. Mais je suis fatiguée, car j'ai vécu plein d'émotions différentes en peu de temps. Je m'assoupie sur la table, jusqu'à la sonnerie.

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