émeraudes et constellés

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- Marquand, s'il vous plaît, supplia-t-elle dans une douceur vocale admirable pour une femme murée dans le désarroi.

Tout était flou, mais le cœur de Fred battait. Quand il se souvint pourquoi, sa vision s'accommoda au visage attendri qui le protégeait de la lumière violente et pâle de la pièce.

Alice s'éloigna soudainement, des perles au coin des yeux, tourna la tête au grand désespoir du commandant qui avait fait tant d'effort pour la voir correctement et fit signe à une infirmière qui vint briser un moment personnel et particulier.

- Monsieur Marquand, vous m'entendez ? lança la femme en blanc qui remplaçait devant ses prunelles une juge d'une valeur angélique.

Il n'en prit conscience qu'une minute plus tard, mais il fixait Alice qui était dos à la porte de sa chambre, attendant qu'elle revienne, impatiemment.

L'infirmière se douta qu'il éprouvait quelque sentiment harmonieux rassemblant tout son être en un instant éprouvant, suivit son regard, comprit, sourit, sortit.

Alice la questionna dans la seconde une fois l'infirmière sortie, des questions de routine, la voix tremblante, « il va bien ? », la femme répondait « oui, encore quelques ecchymoses douloureuses qui disparaîtront avec le temps mais vous le savez déjà, en somme, il a simplement besoin de repos », le merci en hochant la tête. Rassérénée, la juge la regarda disparaître dans les allées de l'hôpital et rencontrer d'autres malades, puis prit une grande inspiration et sentit son téléphone vibrer contre elle.

Elle décrocha en lançant un sourire lointain à Fred, qui répondit paisiblement avant de clore ses paupières, indisposé à tenir ainsi plus longtemps.

L'échange se fit dans un calme frôlant le silence.

- Allô, commença la juge en reprenant ses esprits.

- Alors ma chérie, comment il va ton commandant ?

- Ah, papa... Euh, je crois qu'il va bien, fit-elle en jetant un coup d'œil par la vitre qui les séparait. Il s'est endormi.

- Bon, tu vois, je te l'avais dit : il est robuste. Il n'y avait pas lieu de s'inquiéter ! la rassura encore son père. Je voulais savoir comment tu comptais faire, pour Paul ?

- Il est avec Lemonnier, qui m'a d'ailleurs envoyé un message tout à l'heure pour me dire que tout allait bien.

- Donc... tu comptes rester auprès de Marquand cette nuit ?

- Oui, je veux être là si jamais il se réveille, c'est important, dit Alice avec un peu d'angoisse dans le cœur et une grande et belle sincérité. Ça ne te dérange pas de passer chercher Paul ? Je t'envoie l'adresse par message.

- Je vais faire un effort pour manipuler mon portable et j'appellerai un taxi. Bonne nuit ma fille. Essaie de dormir, murmura-t-il en au-revoir.

- Bisous papa.

Elle raccrocha, envoya le message promis et reprit son souffle. Les larmes revinrent. Elle entra dans la chambre doucement, respectant le sommeil de son commandant, et essuya ses larmes discrètement. Une dernière coula, elle la laissa mener son chemin et chercha la main de Fred en adressant à son corps endormi un regard presque maternel et tellement bienveillant.

Elle s'endormit dans son divan attitré, sa main retomba sur sa propre cuisse et Fred, qui la sentit le lâcher, à demi-endormi, renoua le lien de leurs mains avant de piquer du nez une bonne fois pour toutes.

détruiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant