Ma vie fut vraiment heureuse.

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Je me souviens très bien, je me souviens de tout. Du petit chemin parsemé de galets que je gravissais tout d'abord en sautillant, puis en marchant avec mon énorme sac à dos, parfois accompagnée, d'autres non. Mais plus les années passaient, plus le chemin me paraissait long, je l'ai parcouru avec une canne, puis des bâtons de montagnes. Je l'aimais tellement, ce petit chemin gravissant la falaise. Ce chemin-là, je, je l'ai gravi jusqu'à soixante-douze ans, trois mois et deux jours. Et sachez, que même à soixante-douze ans, trois mois et deux jours, je continuais à voir des fées m'observer sur chaque branche d'arbre, des tigres féroces me mangeant du regard derrière les buissons et de petits gobelins marchants dans les pattes.

Malheureusement, je me retrouvais à l'hôpital, ce jour-là. C'est ce jour que j'ai su que plus jamais je ne pourrais voir la magie. J'ai su que je l'avais déjà vu pour la dernière fois. Je l'ai su et j'ai arrêté de la voir lorsque le médecin m'a dit ces si injustes mots :

" Madame, je suis désolé, mais je dois vous annoncer que vous ne marcherez plus."

Je n'ai pas était choquée. Juste triste, je ne ressentais plus que de la tristesse. Puis du regret, j'ai réalisé que je ne monterais plus jamais mon si merveilleux petit chemin et je n'arriverais plus jamais à sa fin, le but de cette longue marche. On m'a alors mis dans une maison de retraite. J'y suis resté deux ans puis le jour de mes soixante-douze ans, trois mois et deux jours, je suis partie. Je suis allée jusque devant ce petit chemin, en bas de la falaise, en fauteuil roulant. Et je l'ai gravie, tant bien que mal. Les gobelins et les fées ont voulu m'aider mais j'ai refusé. Je vous épargne la douleur que j'ai pu ressentir lors de cette pénible mais non moins agréable ascension ; mais je ne puis vous épargner la vision qui

s'offrit à moi au sommet.

La falaise était comme creusée par la force de l'océan. Les vagues la fouettaient avec une puissance inouïe à en faire trembler les arbres qui s'accrochaient à la pierre avec leurs noueuses racines enroulées autour de la falaise. Un véritable balai s'orchestrait sous mes pieds. Je sentais le sol trembler de peur devant les énormes déferlantes se jetant sur lui. Et ce vent, empreint de sa fraîcheur et de ses embruns me faisait me sentir encore en vie.

Moi, mamie de 72 ans, plusieurs aventures d'un soir, mais plus aucune famille. Moi, femme à la vie trépidante, mais ayant perdu l'usage de ses jambes. Moi, Clothilde, j'ai décidé que je mourrais ici. Je pose un pied au sol, c'est un pied frêle que je découvre là, chaussé de ses pantoufles à pompons. Mais je suis décidée. Je pousse de toutes mes forces sur mes bras et jambes, je prends de l'élan et me jette en l'air. Je flotte un instant dans le ciel et je tombe. Je vois l'océan se rapprocher de moi et une vague m'attaquer. Elle me fauche et je meurs écrasée contre la paroie rocheuse. Enfin, nous sommes le dix septembre 2014, huit heures et 31 minutes et j'ai enfin fait mon premier choix.

J'ai choisi de mourir.



fin

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Voilà, c'est la fin, j'espère que cette courte histoire vous aura touché. C'était pour moi un plaisir de l'écrire et de la partager.

Laissez-moi plein de commentaires constructifs afin que je m'améliore encore et toujours. Ou même des commentaires moins constructifs je serais toujours heureuse de savoir que vous avez lu mon texte.

À bientôt pour un nouveau texte et prenez bien soin de vous en attendant.


Ma vie fut vraiment heureuse.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant