Le bombardement est interminable. Les obus ne cessent de s'écraser autour de nous, projetant sur les cadavres de nos camarades une vague de terre. Je lève prudemment la tête et regarde autour de moi. La plaine est dévastée. Des trous énormes causés par les obus déforment le paysage. L'offensive est finie. Je me redresse, et observe l'état des hommes encore vivants dans la tranchée. Pierre est là, par terre, assis dans la boue, la tête entre ses mains. Je vérifie que les autres vont bien. La plupart d'entre eux boivent, souvent du whisky, pour essayer d'oublier et d'avoir le courage de se battre, comme après chaque attaque.
- Pierre, lève-toi, il faut que tu te ressaisisses.
- Oui..., me répond-il, épuisé.
Il se lève, nonchalant. Je vois sur ses joues les traces humides que laissent les larmes. Je m'approche, mais un soldat se met à crier. Les allemands attaquent. Nous nous plaquons tous à la paroi de la tranchée. Certains rechargent leurs fusils, quelques-uns boivent une dernière gorgée d'alcool alors que d'autres attendent le signal, déjà prêts à reprendre le combat. J'admire leur courage sans faille. Le signal est donné. La première ligne de soldats s'élance en direction des allemands, tandis que ceux restés à l'arrière se postent en haut des tranchées, en position de tir. Pierre s'installe près de moi, le fusil à la main et le regard fixé à l'endroit où ont disparu nos camarades. Des tirs résonnent dans la plaine mais d'autres ripostent immédiatement. J'aperçois un adversaire en train de me viser mais, je n'ai pas le temps de tirer qu'il s'effondre et s'écrase lourdement sur le sol boueux. Pierre vient de le tuer. A l'avant, les tirs s'enchainent mais d'un coup, ils paraissent s'atténuer. Je prie intérieurement pour que ce soit nos troupes qui aient battu les allemands. Mon vœu se réalise quand je vois nos compagnons revenir vers nous.
Alors que je crois que nous avons gagné la bataille et que l'on va pouvoir faire une "pause", j'entends le général crier que des avions adverses arrivent. Pierre ainsi que les autres soldats se plaquent contre le "mur" humide et sale de la tranchée. A peine le dernier homme entre-t-il dans le fossé, les bombardements commencent. J'entends une lourde détonation près de moi et tourne automatiquement la tête pour me protéger de la terre et des éclats d'obus. Les avions disparaissent et le bruit cesse. La plaine devient étrangement calme, et l'atmosphère qui y règne est encore plus pesante que celle d'un enterrement. Je repense à ma famille et ma vie avant la guerre, mais une odeur âcre me sort de mes pensées. Alors je tourne la tête et vois un corps. Il a été déterré par l'obus qui a explosé toute à l'heure. Cette vision me donne des haut-le-cœur et je me détourne pour éviter de vomir. Je reprends mes esprits et observe Pierre, assis par terre sur une planche de bois. Comme à chaque "pause", il écrit sur un petit carnet. Quoi? Je ne sais pas, il ne me l'a jamais dit. Je vais m'asseoir à côté de lui et me mets à fumer. Certains s'allongent pour essayer de dormir, de rêver d'une autre vie belle et heureuse, au moins quelques instants.
- Dis-moi Pierre, depuis le temps, je ne sais toujours pas, qu'est-ce que tu écris dans ce carnet?
- Rien d'important. Juste assez pour ne pas oublier et témoigner. La guerre s'arrêtera forcément un jour de toute façon.
- Je l'espère Pierre, je l'espère.
J'observe un instant ce jeune homme près de moi, plein d'espoir et de courage.
Voici un récit qui me tient beaucoup à coeur! Dites-moi en commentaire si vous voulez une suite! ;)
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Une guerre, une vie
General FictionLes soldats de la guerre ont tous une histoire, un vécu qui mérite d'être raconté. En voici une fiction mais proche de la réalité qu'ont subi ces hommes pleins de courage.