Chapitre CINQ : Le murmure de la Déesse

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Quand le silence revint dans la clairière, il resta un moment immobile

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Quand le silence revint dans la clairière, il resta un moment immobile. Debout, sans pouvoir bouger. Hébété et impuissant face au spectacle qui s'affichait devant ses yeux. Du sang, du sang, tellement de sang. Des regrettables pertes, ses soldats qu'il n'avait jamais vraiment prit la peine de connaître gisaient étendus sur le sol, les lèvres entrouvertes comme sur un dernier cri de désespoir. Quelques-uns avaient les yeux encore ouverts, ouverts sur un ciel limpide et sur un soleil qui les narguait sans scrupules, confortablement installé dans son royaume d'étoiles.

La mort, reine de tous les royaumes, les avaient tous emportés.

Plus personne.

Il ne restait plus personne.

Pas de gagnant ni de perdant, c'était une fin amère qui se fichait complétement de ce prince déboussolé. Et tandis qu'il restait encore ainsi, totalement immobile, cabré sur ses deux pieds chancelants, le vent se souleva, la neige s'emporta et une lumière apparut, dansant.

Alors, frissonnant, il se retourna.

Bougeant avec une extrême lenteur, une extrême prudence, les yeux à l'affut et le cœur tremblant dans sa poitrine. Il ne l'aurait jamais avoué à personne, à cause de cette fierté stupide qui le dominait, mais la peur montait dans sa gorge, et si nichait dans sa tête. Les pensées, alors, s'entremêlaient. Il n'y comprenait plus rien, des questions se succédant avec une vitesse fulgurante, des présomptions, des craintes, des rumeurs qu'il avait entendues auparavant sans pour autant y prêter grande attention mais qui revenaient, à présent le hanter, toutes ces petites choses le harcelaient, le faisait redouter.

La lumière s'approchait de plus en plus.

Le soleil, craintif aussi, se cacha derrière un épais nuage gris. L'ombre descendit, s'avança et noya dans son silence les cadavres, le sang, le prince qui attendait, toujours, la main posée sur la garde de son épée.

La neige, sous des pas invisibles, craqua. Et ce son, comme une claque, résonna.

Il attendait encore. Sa mâchoire se serra. Ses yeux se plissèrent, et surpris de ses mains tremblantes, un air de colère et d'indignation s'engouffra dans ses poumons. Il inspira, expira, s'interrogea en marmonnant :

― C'est qui l'imbécile qui se promène dans la forêt avec une lucarne allumée, bon sang ?

Un rire nerveux lui échappa, comme si sa voix, fragile et enrouillée, l'eut amusé l'espace d'un instant.

Mais il se tut rapidement.

De plus en plus près, de plus en plus près.

Il sortit l'épée de son fourreau.

L'appréhension était toujours là.

Il savait, au fond de lui, qu'une lucarne n'était pas capable d'émettre une lumière aussi forte et aussi visible, surtout de jour. Non, ce n'était définitivement pas ça. Mais alors quoi ? Il n'osait y répondre et préférait se cacher derrière une fausse vérité en se donnant un air fort, et supérieur, et insensible. Ses lèvres se pincèrent, et il baissa sa tête, se cabra encore plus sur ses deux jambes, les muscles tendus, comme s'il s'apprêtait à bondir. Et son épée, toujours son épée, il la serrait de toutes ses forces et se raccrochait à elle, comme de désespoir. L'attente, l'attente lui devenait de plus en plus insupportable.

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