HARRY

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Nothing Else Matters – Metallica


    Quand Tris passe devant moi, j'ai l'impression que le monde perd son caractère tridimensionnel. D'abord, c'est la troisième dimension qui disparaît, puis la deuxième, me laissant seul avec sa dimension à elle.


    Certes, il en existe une autre – le temps. Le temps qui continue de s'écouler cependant que Tris s'éloigne, et que les premières dimensions reviennent : bien que plus nombreuses à présent, j'ai l'impression qu'il y en a beaucoup moins.


    Je suis seul avec cette fille, cette sirène des signaux contradictoires, cette Norah. Bon Dieu ! Elle embrasse comme une reine, en dépit des sacrées casseroles qu'elle trimballe, visiblement. Je suis épaté qu'elle connaisse Tris. Je lui demande d'où. Elle commence par me toiser, à croire que je ne suis pas le mec à qui elle vient de rouler une pelle sans crier gare, puis elle pose sa main sur mon bras et, alors, je remarque que j'ai un bras. Puis elle décarre tout en me contemplant comme si j'étais un môme atteint d'un cancer. Je la retiens, elle résiste. Sans vraiment résister. Elle finit par céder, mais seulement pour effleurer ma joue d'un geste qui me rappelle son baiser.


    Sur ce, elle me traite de pauvre con.


— Pourquoi ? je l'interroge, tel le pauvre con que je suis.


    Elle sait quelque chose. Je le devine. Pourtant elle ne dit rien.


— Il faut que je retrouve ma copine, lâche-t-elle à la place.


— Je viens avec toi.


    Je sens que Tris est quelque part derrière moi, qu'elle m'observe peut-être. Quelle importance, puisque je n'ai rien de mieux à faire que suivre cette rouleuse de patin de première jusqu'au bout du monde ? Dev grimpe sur la scène pour jouer le danseur perso de Hunter. Thom et Scot se sont dissous dans la foule.


— Ecoute, répond Norah, tu nous raccompagneras chez nous en bagnole, et je rajoute deux minutes à ton offre initiale.


— Ça tombe bien, sept est mon chiffre porte-bonheur.


    Elle me regarde sans un mot.


    Cette nana n'a pas de mec, je suis prêt à le parier.


    J'insiste :

— Non, franchement, d'où tu connais Tris ?


— Je lui ai niqué ses Barbie au CM2, et c'est comme ça depuis.


— Tu es d'Englewood ?


— D'Englewood Cliffs. À Englewood, les baraques ne sont pas assez m'as-tu-vu.


    Elle se fraye un chemin dans la cohue, à présent.


— Elle était là il y a quelques minutes, lâche-t-elle.


— Qui ?


— Personne. Caroline. Sois sympa, boucle-la un instant que je me concentre, OK ?


    Comme si mon silence allait l'aider à percevoir le moindre bruit de pas dans la boîte ! Pendant qu'elle scrute les alentours, j'ai l'idiotie de me retourner. Tris et le nouveau sont en train de se galocher. Elle est super, dans son tee-shirt des Ramones et ses collants dorés que je voulais toujours qu'elle porte parce qu'ils lui donnent l'air d'une super-héroïne. Je me souviens de lui avoir enlevé ce tee-shirt et ces collants, ainsi que de ses cris – « Attention ! Attention ! – quand j'arrivais à ses cuisses. À présent, ce sont les mains d'un autre qui pelotent le visage de Joey, le menton de Dee Dee et – ah ! Bordel ! – plongent entre le A et le M, visant directement le V où se rejoignent le tee-shirt H&M et la minijupe SM.


Une nuit à New York | hsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant