Marie

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"Arrête de t'excuser Cloé ! C'est un imbécile et il méritait ce que je lui ai fait. Ils ont de la chance que nous ayons plaidé en leur faveur sinon ils auraient été renvoyé !"

Ma soeur grommelle quelque chose puis secoue la tête. Ses yeux embués de larmes me firent de la peine, aussi la pris-je dans mes bras. J'ai horreur de la voir pleurer, cela me fait pleurer moi  aussi.

"Je l'ai juste condamné à garder sa cicatrice à l'arcade, juste pour lui rappeler sa connerie. Ce n'est en rien de ta faute, mon cœur."

Ma sœur hoche la tête puis renifle. Je me suis rendue toute à l'heure à l'infirmerie avec elle et j'ai fait mon vœu. Lucas gardera donc de cette journée un souvenir mémorable. Je sais que c'est assez stupide de faire cela mais je n'ai pas pu résister. Voir ma sœur blessée... Mon sang n'a fait qu'un tour.

Je refuse qu'il l'approche et qu'il la blesse, à nouveau. Je refuse de le laisser atteindre Cloé dans sa confiance en soi. Je refuse d'entendre ma jumelle me dire que tout va bien, mais l'entendre pleurer la nuit. Je refuse de le laisser détruire ma moitié, lui faire croire qu'elle n'est rien, alors que pour moi elle est tout.

Il n'aura qu'à aller pleurer dans les jupes de Mandy s'il n'est pas content. En ce moment je suis si énervée contre lui que je pourrais éclater sa face de rat contre un mur. Heureusement que Stefan était là, ses yeux bleus étaient la seule chose auquelle je me suis raccrochée dans l'infirmerie, pour ne pas rendre la monnaie de sa pièce à Lucas.

La sonnerie retentit, et Cloé se détache à contre-cœur de moi en reniflant. Elle me salue sans beaucoup d'enthousiasme puis se dirige vers sa salle, le pas traînant. Je soupire puis grommelle en allant devant ma salle. J'ai pris option maths, je me retrouve donc avec des ES et des L de ma classe ayant pris la même option que moi.

Comme d'habitude, Monsieur Descotes arrivent en retard et parait déjà épuisé. Lorsque vient le moment de m'asseoir à ma place habituelle, c'est à dire à côté de Victoire, mon cœur se serre et je contiens les larmes qui menacent de jaillir, tout en fixant sa chaise vide. Quelqu'un derrière moi me pousse pour que j'avance. Je respire donc un grand coup et m'assois à ma place contre le mur.

Le cours se passe sans encombre. Ayant des facilités en mathématiques, j'arrive facilement à suivre en écoutant d'une oreille distraite. A vrai dire, les matières où je n'excelle pas sont rares. J'ai été diagnostiquée surdouée lorsque j'avais 9 ans. Et j'ai sauté le CE2. Lorsque je vois à quel point certains peinent à avoir la moyenne, je ne peux qu'être désolé pour eux. Car même sans m'acharner au travail, j'ai de meilleures notes qu'eux.

Le professeur nous demande soudainement de sortir nos carnets pour y noter une quelconque information. Je m'exécute tel un sage petit mouton. Seulement voilà : lorsque je l'ouvre, un morceau de papier en glisse. Je fais les gros yeux en apercevant un numéro inscrit. Je le range rapidement dans ma trousse. Je verrais qui est ce plaisantin ou cette farceuse qui a voulu me jouer un tour.

Lorsque la fin du cours sonne, je suis parmi les premières à quitter la salle. Je me rend ensuite rapidement à ma salle d'anglais. Dans cette matière, je suis censé être à côté de Benjamin. Sachant qu'il a changé de lycée, cela va être compliqué pour lui de m'honorer de sa présence. Je me retiens de soupirer à nouveau et vais m'asseoir.

Seulement, la professeure ne me laisse pas vraiment le temps de savourer ma place du fond, habilement trouvée.

"Mademoiselle Ramier nous est enfin revenue d'entre les morts ! Alors mademoiselle, comment allez-vous ?"

Tous les regards se tournent vers moi. Je rougis, par gêne. Que je maudis Mme Babelé d'être aussi impliquée dans la vie de ses élèves ! Ne peut-elle donc pas se soucier de son nombril, comme tout le monde le fait ?

C'est rouge comme une pivoine que je finis par répondre, mes jambes tremblantes d'un tic nerveux d'être au centre de l'attention :

"I feel very well, thank you miss." (Je vais très bien, merci madame)

La prof sourit en entendant mon accent "so american" comme elle aime à me le rappeler. Elle continue ensuite son cours, se satisfaisant de cette réponse désuète.

Lorsque je suis sûre qu'elle ne regarde point dans ma direction, j'attrape le bout de papier avec le numéro inscrit. Je fronce les sourcils, ce numéro ne me dit rien ! Peut-être est-ce l'un des membres du groupe de Tiffanie qui me l'a donné ? Je hoche la tête. Oui, c'est probablement cela. Ou alors c'est quelqu'un qui veut me faire une blague, au choix.

A la récréation, je déplie le numéro et envoie un message à la mystérieuse personne.

"Salut, j'ai eu ton bout de papier avec ton numéro... C'est qui ?"

Je relis le message puis signe et ajoute un émoticône pour paraître moins froide. Mon portable ne tarde pas à vibrer. Je me dépêche de le déverrouiller et grommelle lorsque je vois que ce n'est que Tiffanie, qui me demande où je suis et si je veux la rejoindre puisque nous avons toutes deux une heure d'étude après la pause. Je lui réponds rapidement puis vais la rejoindre. L'inconnu(e) peut bien attendre pour le moment, j'essaye d'être sociable.

Lorsque je fis une énième fois rire Tiffanie aux éclats, j'avais totalement oublié tous mes soucis. Son rire était une douce mélodie et un pansement à mes plaies. J'étais légère, sans tracas. Pour une fois depuis deux semaines, je me sentais à ma place. Je me sentais aimée pour ce que j'étais, moi. Et non pas pour ce que voulait les autres de moi.

L'heure passa si rapidement avec elle, que l'heure suivante me parut arriver bien trop vite. Nous nous séparâmes avec regret, et un infime sourire persistait sur mes lèvres à l'idée de m'être fait une amie. Elle me paraissait réservée et puis un peu paumée, comme moi. 

Je sortis distraitement mon portable de ma poche et vis deux messages non-lus, tout deux provenant du numéro inconnu.

"Je suis désolé, je ne sais même pas pourquoi je t'ai passé mon numéro... Ce que je peux être stupide.Je voulais juste faire connaissance...Tu m'as toujours l'air si seule... depuis que tu es revenue."

"Enfin bon, je comprendrais que tu ne veuilles pas parler avec moi."

Je tapais rapidement, surveillant en même temps le couloir pour voir si mon professeur n'arrivait pas.

"Cela ne me dérange pas de faire connaissance mais... il faut au moins que tu me dises qui tu es !"

Mon portable vibra en retour quelques secondes plus tard.

"Je te propose de deviner ! Tu as une semaine pour trouver et si tu y arrives, je t'invite à l'endroit de ton choix... Cela te va ?"

Je fais une grimace et réfléchis un instant. Cela ne fait aucun doute que c'est un garçon qui m'écrit. Ceux qui me côtoient savent que je ne suis pas lesbienne. Un frisson d'adrénaline me parcourt lorsque je finis par répondre.

"C'est d'accord. Prépare ton argent monsieur mystérieux !"

Un voeu, un sourire.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant