Après mûre réflexion c'est carrément deux ou trois mois de congés que je devrais prendre. Les regards craintifs j'y étais habitué. En six ans j'avais eu le temps de me forger ma carapace.
Mais de là à presque être considéré comme la paria de l'hôpital, ça va chercher loin quand même.
Parce que oui, les langues se sont déliées. Trois inspecteurs en visite dans mon service, moi absent le lendemain, il n'en fallait pas plus pour que les rumeurs commencent à circuler sur mon dos.
Certains s'imaginaient que j'avais moi-même provoqué l'incendie, en oubliant qu'au même moment j'étais en salle d'op, d'autres pensaient que j'étais le complice de la fausse amnésique et d'autres encore étaient persuadés qu'il s'agissait d'une histoire de fric et que j'avais trempé dans des affaires louches.
Dire que je fais la nuit tout le weekend, ça va être gai.
Je me dirige machinalement vers la chambre 35 et quand je rentre, je ne cherche même pas à dissimuler mon ressentiment.
- Je suis désolée Docteur Goriaux
Je regarde la jeune femme assez dubitatif: elle aussi ne s'était pas fait prier pour m'indiquer qu'elle n'appréciait pas ma compagnie.
- A quel sujet ?
- Vous.
- Je vois, vous êtes déjà au courant. Les nouvelles vont vite.
- Je pense que j'ai été ingrate avec vous.
- Ça...je ne vous le fais pas dire.
La jeune femme me regarde en grimaçant. Quoi ? Je ne suis pas du genre à faire semblant moi.
- Je sais que vous avez des ennuis à cause de moi et je le regrette. Je sais que vous faites votre boulot et je vous en suis reconnaissante.
Elle a un truc à me demander elle c'est pas possible. Ou alors elle est bipolaire. Ce qui ne va pas arranger la situation loin de la si c'est le cas.
Je marmonne un truc incompréhensible puis je m'approche du lit :
- Bon, écoutez, je vais être franc avec vous, vous êtes dans la merde. Mais bon, je pense que ça, vous l'avez déjà compris. J'espère sincèrement que vous ne jouez pas avec mes pieds et que vous ne me faites pas le coup de la fausse amnésique. Si cela peut vous rassurer, je crois en votre sincérité et je suis convaincu que vous avez réellement perdu tous vos souvenirs et que vous ne savez pas ce qui s'est passé dans l'immeuble. Cependant d'un point de vue médical il est vrai que certaines choses posent questions.
- Que voulez-vous dire ?
- Vous êtes à peine brûlée. J'en ai déduis que vous avez eu la présence d'esprit de vous couvrir le corps avec un linge humide mais les inspecteurs ne sont pas de cet avis. Du moins c'est ce que j'ai cru comprendre.
- Donc pour ces gens, et même pour vos collègues maintenant, je suis une menteuse. Ils peuvent toujours prendre ma place s'ils le souhaitent. Je n'ai pas demandé ce qui m'arrive moi !
- Je le sais. Et inutile de vous montrer agressive envers moi. Je subis autant que vous la situation !
- J'ai l'impression que certaines choses me reviennent. A moins que je délire totalement mais...
- Dites-moi.
Je prends rapidement mon petit calepin et je m'assieds au bord du lit, intrigué par ce que ma patiente va me dire. Visiblement, cela la met mal à l'aise. Ou alors elle est en train de lutter contre le retour de ses souvenirs qui sont vraiment pénibles pour elle et si elle commence comme ça, on est parti pour plusieurs mois.
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L'inconnue des Urgences
Gizem / GerilimMatthieu Goriaux médecin à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris , assiste à l'arrivée aux urgences d'une jeune femme grièvement blessée à la suite d'un incendie dans son immeuble. Cette dernière est incapable de donner son nom et son prénom e...