Les Forêts d'Acora

32. Exit le cobaye

— Commencez par... par faire cesser cette alarme, Docteur. Ma tête va éclater.

Le Tsaddha relâcha Weyzar.

— Écoutez-moi attentivement.

Le Docteur actionna une commande qui ferma la porte de la cellule. La sirène s'arrêta.

— Je dois d'abord impérativement contrôler vos fonctions vitales. Nous n'aurons que quatre minutes tout au plus. Allongez-vous.

Les données qui s'affichèrent sur l'écran tactile confirmaient bien ce à quoi Weyzar s'attendait. Cela allait même au-delà. Ad5solphō avait non seulement neutralisé l'assimilation des cellules organiques, sans détruire le flux de particules selati... mais il s'était attaqué au puissant neuro toxique qui lui avait été inoculé si bien que le poison avait été totalement éliminé de son organisme en moins de cinq minutes.

— Très bien. Mettez-vous debout et enfilez ça.

Le Docteur lui tendit sa blouse. Le Tsaddha était encore faible mais lui administrer un vitaliseur aurait pris trop de temps.

— Suivez-moi comme si vous étiez mon assistant, je vous parlerai de choses que vous ne comprendrez pas mais vous ferez mine du contraire. Allons-y.

Le Tsaddha rattrapa le Docteur par le bras :

— Attendez, où est-ce que nous allons ?!

— Je vais essayer de vous emmener jusqu'aux salles des couloirs de sortie. Ensuite j'imagine que vous saurez quoi faire.

— Oui, je suis pilote. Mais les vaisseaux doivent être hautement sécurisés ici. Il me faut des codes de commandes.

— Je peux y avoir accès, suivez-moi.

Weyzar rompit le secret. Il connaissait malheureusement les conséquences d'une telle trahison. Il informa délibérément le sujet Az582 de tout ce que cette station cachait, afin que ce dernier en informât à son tour les autorités de l'U.I.A.

Mais s'il le faisait fuir, lui, Az582, c'était avant tout parce qu'il portait dans ses veines le seul véritable espoir de contrer la propagation selati.

Avant que le fugitif n'embarquât dans le croiseur mnémorg, il ne montrait déjà cliniquement plus aucun signe de fébrilité. Weyzar le laissait partir à regret ; combien aurait-il pu encore apprendre de lui ?

Une forte émotion le saisit au moment où le Tsaddha lui tourna le dos pour partir.

— Quel est votre nom mon ami ?

Az582 se retourna.

— Yathko.

— Yathko... mon nom est Weyzar.

— Pourquoi n'embarquez-vous pas avec moi ?

— Je suis trop vieux. Je n'ai plus la force de combattre. Je vous retarderai. Partez. Votre seul objectif doit être de rester en vie jusqu'à la prochaine station médicale de l'Unification.

— ...

— Bonne chance Yathko.

Le Tsaddha examina les lignes d'intercepteurs rangés le long des pontons de décollage. Leur autonomie ne pouvait pas rivaliser avec celle du croiseur qu'il allait emprunter. Mais il fallait que le brouillage localisé qu'avait mis en place le Docteur tînt suffisamment longtemps pour lui laisser assez d'avance sur eux.

— Je vais en avoir besoin.

*

Krolōv était en train de triturer l'écran de son transmetteur.

— Dès l'instant où je l'ai vu, j'ai su qu'il fallait s'en méfier, Général.

— S'il s'est sacrifié pour le faire fuir, c'est que son cobaye doit porter en lui un isosérum efficace.

— Il a détruit tous ses résultats et déprogrammé son neuro processeur, ainsi que son Penseur.

— Si seulement nous avions pu le faire parler...

— Nous ne pouvons pas laisser ce Tsaddha entrer en contact avec quiconque. Weysar a dû l'informer de tout. Il faut le récupérer Général.

Le Général Krolōv observa calmement l'espace qui se déployait derrière la vaste baie de son bureau. Anthios était un névrosé. Il lui semblait qu'il pouvait devenir dans le temps dangereusement instable. Ça ne pouvait pas cadrer avec la pression qu'il allait devoir supporter bientôt lorsque la demande croissante en effectif similoïde serait multipliée. Quant à cet Az582, il savait déjà à qui confier la mission de le retrouver. Il n'avait par contre aucun doute sur cet élément. Infaillible. C'était le mot qui lui venait à l'esprit à cet instant.

— Général, vous m'avez entendu ? Nous ne pouvons...

— Il n'ira pas bien loin, Professeur.