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     Disons qu’on ne décide pas toujours de tout. On ne décide pas de notre avenir, de la façon dont les choses vont se passer, de la personne dont on va tomber amoureux. Rien de tout cela ne correspond à notre propre choix. C’est quelque chose qui ne se décide pas. C’est quelque chose qui se fait tout seul, qu’on le veuille ou non.
     Je n’ai pas décidé de perdre cet objet ce jour-là. Je n’ai pas non plus décidé de l’endroit où j’allais le perdre et encore moins de la personne qui allait le récupérer. C’est seulement arrivé comme ça, parce que j’avais la tête ailleurs, parce que je n’étais pas attentif à ce qui m’entourait. C’est arrivé dans le bus, alors que mon meilleur ami m’avait lâchement abandonné pour aller s’asseoir à côté d’un de ses « vieux amis ». Je m’étais alors installé à côté d’une petite tête brune, un jeune homme de plus qui dormait sur son siège. Nos amis nous attendaient devant l’arrêt de bus du lycée, là où il y a toujours un nuage noir de monde qui se forme. Nous étions descendu et mon portable avait glissé de ma poche.
     Nos amis nous avaient accueillis à bras ouverts comme chaque matin de chaque jour. Puisque nos journées d’adolescents se répétaient, puisqu’elles étaient devenues notre quotidien et puisqu’on ne pouvait pas faire autrement. Les cours nous faisaient prisonniers. Nous n’avions plus le temps de sortir, ou quelques fois les week-ends. Nous n’avions plus le temps de se voir, d’organiser des soirées arrosées, de faire la fête jusqu’au levé du jour. Tout cela avait duré un temps. A présent, il fallait travailler pour ne pas foirer son année. Puisqu’à la fin de celle-ci, un bac nous attendait. Puisqu’on n’a pas non plus décidé de ça.
     Nous avions nos habitudes et nos secrets. Nous étions tous très proches mais cela ne suffisait pas à ce qu’on se dise tout sur tout. Nous étions conscients qu’être amis, c’est aussi respect le jardin secret de l’autre. Pourtant, certaines choses ne nous échappaient pas. Car nous nous connaissions trop bien pour ne pas remarquer ces choses-là. Comme par exemple, l’étrange rapprochement soudain de JiMin et YoonGi. YoonGi qui avait toujours gardé un œil sur JiMin, de peur qu’il ne se blesse ou… Ou quoi d’ailleurs ? Il était juste flippé ce mec ! Mais bon, malgré son air blasé qui ne le quittait pas, il avait un grand cœur. C’était un ami sur qui nous pouvions compter. Il avait pour habitude de ronchonner lorsqu’on lui demander le moindre service mais finissait toujours par céder, et au fond, on savait tous que ça lui faisait plaisir de nous venir en aide. JiMin, lui, c’était un peu comme le bras droit de TaeHyung. Il s’était teint les cheveux en rouge, sûrement pour se faire remarquer, car il manquait terriblement de confiance en lui. Pourtant, il n’en donnait pas l’impression. Étrange n’est-ce pas ? TaeHyung, justement, c’était un peu comme le clown de la bande. Il ne connaissait pas le sens du mot « calme » et chahutait toujours dans tous les sens, une vraie pile électrique ! Il était inépuisable. Mon meilleur ami, HoSeok, était le plus influençable de tous. Il était aussi fou que Tae. Ces deux-là s’entendaient d’ailleurs à merveille. Il était très tactile, notamment avec moi, mais était surtout particulièrement bruyant. Quant à SeokJin, je le haïssais du plus profond de mon être.  Nous avions vécu, il y a de cela déjà quelques temps, une très forte histoire d’amour. Depuis que nous y avions mis un terme, Jin, pourtant si souriant et joueur, était devenu bien plus distant envers nous tous. Ce qui, me concernant, m’arrangeait énormément.
     Alors que nous nous dirigions vers notre salle de classe habituelle, je m’aperçus que mon téléphone n’était plus dans ma poche. Je m’arrêtai subitement, entraînant avec moi la curiosité de mes amis qui se retournèrent pour me regarder chercher dans mon sac. Je leur expliqua la situation et il tentèrent de m’appeler mais en vain : mon portable était en mode avion.  Nous allâmes malgré cela en cours et je les quittai durant la pause de midi pour me rendre à la vie scolaire et leur demander s’ils n’avaient pas retrouvé un téléphone noir, leur décrivant brièvement. La jeune femme me tendit une boîte contenant deux ou trois portables, me laissant espérer qu'il y figurait le temps de me rendre compte que ce n'était pas le cas. Décidé à remettre mes recherches à plus tard, je la remercia et partis en direction du réfectoire pour y rejoindre mes amis qui m’attendaient à une table qu’ils avaient réservée. Il avait dû se passer quelque chose de grave puisqu’en rentrant, j’aperçus des pompiers qui portaient un jeune homme à bout de bras. Il s’agissait de SeokJin. Il faisait quelque fois des pertes de connaissance mais cela semblait s’aggraver avec le temps. Ils repartirent en direction de l’hôpital et je m’installai à la table de mes amis, y déposant mon plateau sans un mot. Ils avaient tous la tête baissée, toujours un peu perturbés par l’évènement précédent. Il régnait un silence de mort. Bien que ce n’était pas la première fois que Jin faisait un malaise, il était difficile pour eux et même pour moi, je l’avoue, de nous y habituer. Je dirai même que nous le refusions. Oui, nous refusions d’accepter de nous habituer à un tel spectacle.
     Quoi qu’il en soit, nous devions manger. TaeHyung avait alors tenté de nous changer les idées avec ses blagues maladroites et cela avait plutôt bien fonctionné. Puis, YoonGi nous avait proposé d’aller voir Jin à l’hôpital lorsque la journée serait terminée ce qui avait enchanté tout le monde à l'exception de... Moi. J’avais détourné le regard, mal à l’aise. Je n’avais aucune foutue envie de rendre visite à ce connard, bien qu’au fond, je me faisais du soucis pour lui. J’avais simplement honte de l’avouer. Je dus alors justifier mon refus, leur expliquant que je devais faire des courses avant la fermeture des magasins car je n’avais plus rien à me mettre sous la dent et, aussi étrange que cela puisse paraître, ils acquiescèrent sans trop insister.

*

     La journée toucha à sa fin. Cette journée qui avait était un véritable fiasco. Nous étions donc ravis d’enfin pouvoir rentrer chez nous.
     En temps normal, j’aurais dû monter dans le bus avec HoSeok mais il avait préféré partir avec les autres prendre des nouvelles de Jin qui, d’après ce qu’ils m’avaient raconté, s’était fracassé la tête contre ta table en tombant. Je me sentais désolé pour lui, désolé d’être le seul à ne pas lui rendre visite, mais en même temps, je lui en voulais tellement que je me refusais d’éprouver le moindre sentiment de culpabilité à son égard.
     J’avais donc fait mes courses pour la semaine et j’étais rentré dans mon appart, là où tout était calme, là où le silence pouvait m’engloutir, là où je me sentais si seul, dépourvus de joie et confronté à ma triste réalité. Cet endroit était vide, désert. Je ne l’avais aménagé que de meubles, pas la moindre verdure, pas la moindre déco, tout était nu et sans vie. Car c’était ainsi que je me sentais lorsque je rentrais chez moi : nu et sand vie.
     Depuis la mort de mes parents, je me battais pour ne pas céder à cette solitude et de ce silence constant. Je me battais pour réussir ma vie et combattre mes peurs, mes angoisses. Mes amis étaient l’une des rares choses qui me donnait la force d’y parvenir. Surtout depuis ma rupture avec Jin qui avait eu lieu quelques jours après leur décès.
     Privé de téléphone, je me consolai auprès de ma télé, allongé sur le canapé, un bol de ramens entre les mains. Je devais manger puis aller réviser, me laver et enfin, aller dormir. Ce que je fis sans trop tarder car il était déjà tard et que je n’avais pas beaucoup de temps pour me reposer.
     Le lendemain, alors que je me rendais à l’arrêt de bus pour y retrouver HoSeok qui habitait à seulement quelques pas de chez moi, je reconnus sa voix m’interpeller. Il se présenta en face de moi, totalement essoufflé, puis se redressa et attrapa mes épaules, me secouant légèrement.
     ⎯ Putain Nam, ton portable ! […] Je sais où il est !
     ⎯ Quoi ?!

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 29, 2018 ⏰

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