"Notre relation a été un bien pour un bien".
Les réveils de Stephan se noyaient dans la même routine depuis sa troisième rupture avec Hélène. Celle d'ouvrir un œil après l'autre avant que l'alarme du réveil programmé de son téléphone ne sonne; celle de regarder le plafond de sa chambre dans tous ses coins, allongé dorsalement, les mains jointes sur son ventre comme s'il en était qu’à son premier jour dans cette pièce; et celle de réentendre Hélène lui sortir cette phrase: "Notre relation a été un bien pour un bien". Cela avait lieu avant qu'il ne prenne la posture habituelle pour sa prière matinale. Déjà trois jours avaient passé, Stephan avait tout oublié de sa dernière discussion avec Hélène, qui contre ses attentes, avait aboutit à leur rupture. Il avait tout oublié sauf cette phrase. C'était la seule qui présentait un semblant d'aspect positif lorsqu'on voulait voir la coupe à moitié pleine, et qui retentissait tel un écho non pas dans sa tête, mais dans son cœur lourdement chargé d'émotions. C'était des mots qui marquaient la fin d'une histoire, le renversement d'une relation; sans doute la fin d'une succession de complicité et de charmantes petites mésententes, s'avérant être le symbole de leur idylle. C'était les derniers mots d'amour qui offraient à la belle, une possibilité de se détacher de toute la passion que "le bête" avait pour elle. De s'en détacher avec dignité. Il faut le dire, Hélène était le genre de fille à garder la tête haute même dans les situations les plus compromettantes qu’on ne puis imaginer. Stephan avait fini par développer une vision de lui plutôt péjorative dans cette histoire. Lui qui définissait la vie comme du cinéma où tout se joue de façon improvisée, s'enfonçait dans une pathétique déception face au triste fait que dans cette scène il avait eu le mauvais rôle. Le rôle que personne n'aurait voulu. Il y avait bien le rôle de la belle, joué a merveille par Hélène. Seulement, il se reprochait d'avoir été naïf jusqu'à retrouver, non pas le rôle de "la bête", plutôt dans celui du " bête". Il considérait cette relation comme la parodie de la célèbre comédie de Disney : "la belle et la bête"; et aurait souhaité que son histoire connaisse une fin aussi heureuse que celle de cette dernière.
Il se trouvait bête dans cette séparation pour de multiples raisons. Il disait:
<< je sui bête de l'avoir aimé; bête pour avoir cru qu'elle rêvait aussi d'un avenir ensemble; par dessus tout, bête pour avoir perdu trois ans de ma vie avec elle>>. Selon lui, c'était du temps perdu, car disait-il, si elle ne l'avait pas mené en bateau durant toutes ces années, il aurait pu rencontrer son vrai grand amour. Un grand amour qui lui parlerait de mariage et d'enfants. Seulement il a fallut qu'elle le berne. Le fait qu'il n'ait rien vu venir faisait de lui le bête de la relation, du moins ; c'est ce qu'il disait de lui. A son avis, ce n'était pas très différent d'une escroquerie. Le droit devrait penser à inventer un chef-d'accusation pour de tels cas. Au mieux, on devrait le considérer comme une tentative d'homicide, toujours d'après lui, car il n'y avait rien de plus criminel comme acte, que de faire croire à une pauvre personne, bonne et fidèle, qu'on l'aimerait jusqu'à ce que la mort intervienne; ou qu'on ne voudrait pas que cette histoire devienne un simple amour de jeunesse, pourtant, pas plus tard que deux mois après, la même personne demandera la rupture, ayant pour raison qu'elle ne sent plus leur relation, parce que selon elle leur amoure serait de l'enfantillage; pour ne citer que ces deux cas. C'est un crime d'agir ainsi, disait-il en ajoutant, que des gens comme Hélène méritent la prison à perpétuité, pour être sûr qu'ils ne briseraient plus aucun cœur. Pour ce qui était du sien, il n'était pas en miette, mais plus comme des pièces d'un puzzle désemboitées les unes des autres.
Chaque seconde passée constituait pour lui un véritable combat entre sa conscience, et la raison qu'il se faisait pour se convaincre que rien ne changera, que même après le départ d'Hélène la terre continuera de tourner autour du soleil, et que le ciel restera bleu. Il se voyait plutôt mignon en son genre, et accusait cette croyance non pas au bonhomme à la lèvre inférieure rose qui apparaissait dans la glace lorsqu'il se mirait, mais au fait que certaines filles prenaient plaisir à le dévorer du regard. Il aurait pu inscrire "célibataire sur son front" et des candidates, ce n’est pas ce qui manquerait. Il continuait de se convaincre que tout ira bien. Que si une fille aussi spéciale que Hélène était tombée amoureuse de lui, c'est qu'il pouvait en être de même pour une autre aussi spéciale, voire, plus spéciale qu'elle; il se fallait juste être patient. Comme l'avait dit un rappeur français d'origine congolaise << être patient c'est pas attendre, c'est agir en attendant>>. Alors en attendant de remplacer celle qui endossait désormais le statut d'ex âme sœur, le seul moyen de repeindre son quotidien d'un sourire immaculé était de l'oublier. Oublier La douce, gentille, intelligente et mignonne Hélène ! D'ailleurs mignonne n'était pas le mot qui convenait pour qualifier la splendeur qui étincelait de son innocent visage. Oui, Hélène était une bombe. Ce qui fait qu'oublier sa belle voix, ainsi que les plis qui s'affichaient aux extrémités de sa bouche quand elle offrait son beau sourire était un exercice aux efforts complexes. Oui, Hélène était spéciale ! D’ailleurs, selon les propos découlant de l'admiration de Stephane, elle était unique. Un modèle entièrement à part. Il en avait rencontré, des filles qui, comme elle, étaient intelligentes, de bonne morale, drôles, gentilles, et qui avaient ce magnifique sens de la conversation. Mais Hélène avait ce petit plus. Il ne savait pas exactement quoi.
Le temps ne s'écoulait pas au rythme voulu. Il fallait qu'il s'en mêle aussi celui là. Le temps. Qu'il fasse durer les choses. Qu'il use de lenteur pour faire se suivre chaque grain de sable qui tombait dans le sablier, car depuis son réveil inofficiel, à peine cinq minutes s'étaient consumées. Tout laissait croire que la journée serait longue jusqu'à l'arrivée d’Hélène. Elle avait promis rendre visite à celui qui n'était plus son petit ami, mais qui désormais se voyait comme son ami. Rétrogradation ou promotion? Seule Hélène savait s'il avait plus d'importance dans sa vie comme pote que comme meilleur coup. Il avait déduit après une courte réflexion motivée par une déception qu'il n'était ni l'amant, ni le petit ami, mais juste un coup pour elle. Bon ou mauvais coup? Là encore elle seule avait la réponse. Quoi qu'il en soit, il fallait bien que cette visite soit indélébile dans la mémoire des deux moitiés de cœur.
Une activité s'obligeait pour faire preuve de patience vue la situation. Après la toilette de Stephane il y avait encore trop de temps à tuer. Le ménage était la résolution prise pour, peut-être pousser le sablier à se vider un peu plus vite. Chaque coin de sa chambre devait passer à la loupe. Aucune poussière, aucune toile d'araignée ne devait échapper à sa vigilance. La tête au ménage mais le cœur à l'endroit d'Hélène, il n'y avait pas mieux que cette disposition d'esprit pour que naisse en lui une grande motivation. Il fit le ménage comme s'il en était question de vie ou de mort.
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La Belle Rupture
Short StoryQuand le grand amour s'envole, il ne reste qu'affection, regrets et un arrière goût de trahison qui ouvre nos yeux, dévoilant ainsi la nature de l'amoureux qui désormais est promu ou rétrogradé au statut de meilleur ami.