HARRY

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Shadow of the Day – Linkin Park


Je n'aurais jamais cru que Jessie me trahirait ainsi. Moi qui l'ai toujours aimée et respectée. Je l'ai défendue quand les gens l'insultaient et disaient qu'ils ne comprenaient pas pourquoi je la gardais. Je pensais qu'elle m'en serait reconnaissante. Mais non. Car voici qu'au moment où j'en ai le plus besoin elle me lâche. J'ai beau tourner la clé, encore et encore, elle reste muette. Je n'ai jamais été aussi seul de ma vie. Même ma putain de bagnole a décidé de m'abandonner.


Je pourrais céder à la colère ; j'ai surtout la frousse. La frousse que ce soit... la fin ; que je m'échine à tenter de la démarrer jusqu'au bout de la nuit, sans résultat, sans lui arracher la moindre réaction. Je n'ai pas les moyens de la conduire au garage une nouvelle fois. Si elle me plante, je renonce.


Je ne prête guère attention à Scot et Thom quand ils débarquent Caroline. Merde ! Après tout le temps qu'il m'a fallut pour l'installer sur la banquette arrière ! En même temps, je comprends cette envie de déserter le navire.


Je suis sur le point d'aider Scot à brancher les pinces, lorsqu'un type que je n'ai jamais vu se penche à la fenêtre de Norah et lance :


— Alors, ma poule, prête à reprendre les choses où on les a laissées ?


C'est quoi ce délire ?


D'accord, je trainasse avec une bande de gays, mais je n'aurais pas imaginé qu'un mec puisse utiliser l'expression « ma poule » de manière parfaitement sérieuse. Ce crétin l'a prononcée comme s'il sifflait une fille à gros seins dans la rue. Qui fait encore ce genre de truc ?


Je m'attends à ce que Norah le renvoie dans ses buts. Au lieu de cela, elle se fige. Elle détourne la tête, comme si c'était un bon moyen d'ignorer l'intrus. Logiquement, cela devrait signifier qu'elle me regarde, puisque je me trouve à 180° de l'importun. En réalité, elle fixe le tableau de bord et le trou béant de l'allume-cigare défunt. J'avoue que je suis un peu surpris, car tout laissait entendre que nous allions continuer la soirée ensemble. Que je n'allais pas seulement la ramener chez elle. À présent, j'ai la sale impression que je ne vais la raccompagner nulle part. Comme d'hab', la situation m'échappe. Ça m'attriste.


— Je suis revenu, ma poule, poursuit l'autre. Et si tu descendais de ce tas de boue pour me dire bonjour ?


Embêter Norah est une chose. En revanche, mêler Jessie à leur querelle... c'est complètement déplacé. Je me sens obligé d'intervenir.


— Je peux t'aider ? je lance au mec.


— Ouais, mon pote, répond-il en continuant de mater Norah. Je viens de rentrer aux States et j'ai cherché partout cette jeune dame. Tu me la prêtes une seconde ?


Passant la main par la vitre, il ouvre la portière de l'intérieur.


— On revient tout de suite, assure-t-il.


Je suis sur le point de dire à Norah qu'elle ne doit rien à ce con quand elle défait sa ceinture de sécurité. Elle a pris une décision, apparement. Sinon que, ensuite, elle ne bouge pas. Elle se contente de rester assise.


— Tu m'as tellement manqué, ma poule, ronronne le gonze en esquissant un geste pour la sortir de la voiture comme si elle était un gamin dans son siège auto.


Je tourne la clé dans le démarreur. Toujours rien. Scot approche et passe la tête par ma fenêtre.


— Un problème ? s'enquiert-il.


Une nuit à New York | hsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant