Chapitre 20

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Les jours passaient à une vitesse folle, sans qu'Hortense ne s'en aperçoive. Chaque journée était, pour elle, trop courte, et elle était toujours attristée lorsqu'elle devait se coucher. Elle avait l'impression qu'un jour, sa relation avec Lysandre allait brutalement s'arrêter, et elle voulait profiter au maximum des instants passés avec lui. Mais elle n'avait pu se résoudre à lui confier ses craintes, alors se taisait et tentait de ne rien laisser paraître de son angoisse.

Depuis leur première nuit d'amour, elle sentait son cœur déborder d'amour pour le noble, et cherchait à tout instant à le lui montrer. Il semblait ressentir le même sentiment, et ce n'était pas rare qu'ils s'oublient aux bras l'un de l'autre. La rousse poursuivait également son apprentissage laborieux de la lecture, et elle était fière lorsqu'elle arrivait à reconnaître les lettres, et à dire leur son.

Et elle avait appris à ne plus redouter les sorties en public. Son aimé était toujours là pour la rassurer, et il lui semblait qu'il était un protecteur. Au bout d'une semaine environ, elle n'avait plus peur de se promener au parc ou dans la ville. Les regards méprisants ne l'atteignaient plus, elle les ignorait. Et le noble s'efforçait de lui faire voir tous les endroits à fréquenter de la capitale, afin qu'elle ne soit ignorante de rien. Lysandre l'avait par exemple emmenée au théâtre, et même si elle n'avait pas tout compris de la pièce, elle avait apprécié cette expérience. Elle voyait aussi que plus le temps passait, et moins il était invité aux réceptions prisées. Les personnes nobles et bien pensantes lui reprochaient ainsi sa toquade pour la rousse, mais il ne s'en préoccupait guère.

Lysandre lui avait également offert d'autres bijoux, ainsi qu'une magnifique robe vert émeraude. Il ne supportait plus la voir porter les vieilles tenues de sa défunte femme, et ce superbe cadeau avait été suivi de deux autres robes, l'une noir corbeau, et l'autre pourpre. Elle acceptait ces présents avec joie, car elle n'avait pas revu de personnes réclamant leurs impayés dans l'habitation, alors en déduisait que tout allait bien.

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Un jour qu'il était encore parti, Hortense avait pris le livre de Montaigne, et l'avait emporté avec elle dans la chambre pour s'entraîner. Elle voyait bien la fierté qui illuminait les magnifiques yeux de Lysandre lorsqu'elle réussissait à prononcer certaines lettres, et s'efforçait de le rendre le plus heureux possible. Elle s'assit en tailleur sur le lit, arrangea ses jupes, et ouvrit l'ouvrage à la page marquée. Elle se racla la gorge, puis plissa les yeux afin de tenter d'assembler les lettres pour prononcer les mots. Hortense poussa un soupir rageur en constatant qu'elle ne parvenait pas à voir les symboles, et se leva pour augmenter la luminosité de la pièce. Elle alla chercher de quoi allumer une chandelle dans le secrétaire, et ouvrit délicatement le battant pour ne rien faire tomber. Elle fouilla dans les tiroirs, et finit par trouver une sorte d'allumette. Elle s'apprêtait à refermer le meuble, lorsque son regard accrocha un paquet de feuilles. Elle hésita, puis s'empara des feuillets d'une main tremblante. Elle regarda rapidement les papiers, et resta stupéfaite lorsqu'elle constata que ce n'était que des dessins d'elle. Elle s'assit par terre, et compta lentement les feuilles. Il devait bien y avoir vingt représentations de la jeune femme, souvent endormie. Lysandre l'avait également dessinée lorsqu'elle essayait d'apprendre à lire ou lorsqu'elle se coiffait, mais il avait toujours été discret. Elle avait beau n'avoir jamais vu de dessins, elle savait bien qu'il était très doué. Il avait su représenter les ombres, et aussi donner une impression de mouvement. Elle passa son doigt sur sa chevelure crayonnée, et soupira d'émerveillement. Elle savait déjà qu'il écrivait des poèmes, mais elle eut tout à coup l'impression qu'il n'y avait rien que le noble ne savait faire. A côté de lui, la rousse se sentit très insignifiante, et le désespoir lui troua le cœur. Elle ne savait ni lire, ni écrire, encore moins dessiner, et faisait encore des fautes de langage. Elle sentit des larmes rouler sur ses joues, et écarta aussitôt les feuilles pour ne pas les mouiller.

Son âge? Quelle importance puisque je l'aime... (Amour Sucré) ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant