Feuille d'une histoire...

Chapitre 3 : Sécheresse d'un coeur

Le disque solaire rend la chaleur difficilement supportable. Mon tronc est si sec que l'écorce s'effrite, mes feuilles sont brûlées, la terre, en bas, n'est qu'un petit tas de poussière. Je ne rêve que d'une pluie réparatrice sur mes racines desséchées. Le vieux banc vert n'a presque plus de peinture et il semble être un vestige d'une société humaine alors que la nature reprend ses droits. A ces pensées je me prends à rêver d'un monde comme cela. Un monde abandonnée de l'espèce humaine, un monde où il n'y aurait ni autobus, ni bâtiments, ni usines pour gâcher un paysage. Un monde où nous, les arbres, repousseront sur les décombres de cette époque révolue, où les plantes grimperaient le long des immeubles, apportant de la couleur à cette uniformité grise.

Des bruits de pas se font entendre, me sortant de mon songe utopique. Céleste approche, vêtue d'un débardeur rouge et d'un short blanc, ses cheveux clairs noués en chignon. Elle semble furieuse et se laisse tomber sur le banc.

« Rahhhh, mais qu'est ce qu'il fout ! » Elle sort son téléphone, bijou de la technologie comme dit l'Homme, compose un numéro et attend.

« Ouais Terry, tu fous quoi là ? J'te signale que je me suis tirée d'une baignade avec des potes pour toi alors bouge. [...] Hein ? [...] Avec Magalie ?? T'es sérieux là? [...] Ramène toi faut qu'on parle. »

J'écoute la jeune humaine vitupérer contre son petit ami, en me demandant bien ce qu'il a pu faire. Dans mes tergiversations, j'en oublie presque la chaleur épouvantable jusqu'à ce qu'elle sorte une bouteille d'eau pour se rafraîchir. Je vois l'eau ricocher sur ses lèvres, couler dans sa bouche et je l'envie. Ce précieux liquide me manque cruellement.

Terry arrive, torse nu et la peau basané. Il va pour enlacer son amie mais elle se décale.

« Qu'est ce qu'il se passe mon cœur ?, demande t-il en s'asseyant à son tour.

- T'étais où ?

- Avec mes amis, comme toi.

- Avec Magalie ouais.

- Elle était avec nous mais on était plusieurs. Allez oublie la. » Il tente de passer son bras autour de ses épaules mais elle a un nouveau mouvement de recul. Terry qui alors était rester étrangement calme explose à son tour.

« Rahh mais arrête un peu, j'ai bien le droit de traîner avec des nanas. Va pas me faire croire que toi, t'étais pas avec des mecs !

- C'est pas pareil !

- Mais bien sûr que si !

- Non, cette salope de Magalie te tourne autour ! » Un étrange silence s'installe, ils se toisent ; debout, face à face.

Je suis la scène avec un intérêt croissant, cette histoire est vraiment intéressante, je n'ai rien vu de tel en cent quatre-vingt cinq années d'existence, peut-être parce que les humains viennent rarement se quereller devant moi.

Soudain, les épaules de Céleste se mettent à trembler. Je suis un instant interloquée, comment peut-elle trembler avec cette chaleur ? Est t-elle prise de fièvre ? Puis le déclic se fait et je comprends qu'elle pleure. Terry s'avance vers elle et l'étreint avec douceur. Elle passe ses bras autour de son cou, approche sa tête et l'embrasse. Ils restent un temps infini comme ça, leur bouche nouée dans un câlin éternel. J'ai chaud pour eux.

Lorsqu'ils se détachent l'un de l'autre, Terry murmure :

« On va se baigner ? » Elle acquiesce et se tourne vers moi, le temps de récupérer son sac tombé par terre. Elle a les yeux rougis et ses joues sont ravagées de larmes mais un sourire se dessine à présent sur ses lèvres. Ils s'éloignent, main dans la main. Je reste là à méditer sur la scène qui vient de se dérouler sous mes yeux. Que s'est-il au juste passé ? La jalousie est un concept très abstrait et nouveau pour moi. Les animaux ne sont pas vraiment sujets à ce genre de sentiments et les arbres totalement étrangers à cela.