11h30, 12 juillet 2015

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Paris 13ème arrondissement.
C'était un dimanche, j'allai à un restaurant asiatique situé rue de Tolbiac au niveau de la rue du dessous des berges.
J'étais en compagnie d'une autre personne.
Cette rue relativement grande, traversant le treizième arrondissement jusqu'à presque atteindre le parc Montsouris, est très utilisée. Elle est assez large également, mieux vaut descendre sur la chaussée en étant sûr de soi.
Ce jour-là, je me suis assis sur un des bancs, faisant face à l'autre trottoir. Le trafic n'était pas dense, mais il y avait toujours ces bus dévalant la rue à une vitesse élevée. Le bruit des voitures et autres machines, était insupportable, je pouvais à peine entendre la musique que mon interlocuteur voulait me faire découvrir avec les hauts-parleurs de son téléphone portable. Quelle idée aussi...

Je ne m'étais jamais fait renverser par une voiture, je n'avais pas peur.
De toutes façons ce sont des choses qui n'arrivent qu'aux autres, n'est-ce pas ?

Au pied du banc où je m'étais assis, il y avait un pigeon blanc et gris. Il était entrain de picorer des restes d'un passant. Il était tout engourdi, et pouvait à peine se déplacer.  Tant mieux, au moins il aura bien mangé. Je me reconnaissais presque en le voyant, à la recherche d'un endroit tranquille pour digérer mes brochettes bœuf fromage. Il avait trouvé son endroit pour digérer son repas, il était tranquille jusqu'à ce que j'arrive pour m'asseoir. À ma vue, il ne bougeait pas, jusqu'à ce que je m'approche de moins de 2 mètres. Ne pouvant voler, il se déplaça à petits pas. C'était laborieux, il maintenait un rythme soutenu mais paraissait tellement ridicule.
Ne pouvant pas s'enfuir par le trottoir car je faisais inconsciemment barrage avec un arbre et des motos garées sur le bord du trottoir, il ne lui restait qu'un seul échappatoire, la chaussée.
Je compris trop tard qu'il ne pouvait pas voler à cause de son repas trop chargé.
Il continuait sa course sur la chaussée entre toutes les automobiles, parvenu par miracle aux trois quart de la route il ne lui restait plus qu'à sauter sur le trottoir d'en face. Le feu était redevenu vert quelques secondes plus tôt, et un bus l'a écrasé.
Depuis ma place assise j'ai vu la scène, il était vivant il y a quelques minutes, il était rassasié, sans doute heureux d'avoir pu manger autant. Il bougeait, était animé, m'a regardé, il y a quelques minutes.
Et à cause de moi il a été broyé sous les roues du bus 62.
Je ne me sentais pas coupable, je me disais juste: "Comment le passage de la vie à la mort peut être aussi brutal et inattendu à la fois ?"
Ces bus ne s'arrêtent jamais, un jour j'ai sauvé un ami qui allait se faire renverser par un bus dans le 9ème arrondissement. Je l'ai tiré à temps, le bus n'avait pas freiné d'un iota.
C'est ce jour-là que je me rendu compte du fait que nous sommes qu'Epsilon.
J'utilise ces lettres grecques à tort et à travers mais je n'en ai rien à faire.
Mon interlocuteur ne semblait pas du tout intéressé par l'accident qui venait de se produire, il me parlait de touristes sur les bateaux-mouches.
J'étais atterré par ce changement d'état aussi rapide, des idées me sont venues à l'esprit. Rien de vil.

Le pigeon.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant