Décor similaire à celui de la scène 4.
FRÉDONIA enchaînée au mur. La porte de gauche s'ouvre à grand bruit et entre un GARDE suivi du PÈRE CÉVÈRE.
LE PÈRE CÉVÈRE
(au GARDE)
Tu peux refermer. Je ne serai pas long.
(le GARDE sort et referme à double tour)
Bien ! A nous deux, ma belle. Cette fois, pas de chausse-trappe pour te dérober, ni de complices pour prendre ta défense. Te voilà piégée pour de bon. Et tu vas me donner ce que j'exige.
(silence)
On reste muette ? A ton aise. Tu parleras en temps voulu. Ton sort est désormais scellé, le sais-tu ? Léüse est maintenant persuadé que tu es responsable de la tentative d'assassinat à son encontre, sur le chantier. Tes efforts pour faire évader les trois vilains ont achevé de le convaincre que vous étiez complices. Efforts inutiles, par ailleurs. On les a pendus tous les trois ce matin.
(elle lui jette un regard de défi)
Tu doutes de ma parole ? Si tu lis vraiment les augures, tu dois bien savoir si je mens ou non. Mais cela n'a guère d'importance. C'est toi que je suis venu entendre. Tu vas me révéler tes secrets. J'en sais déjà long à ton sujet. Je me suis renseigné sur ton passé. Le Baron de Moncornet te voulait. Et le Père Saureilles, son abbé, te voulait aussi. C'est pour leur échapper que tu t'es réfugiée dans ces marécages fétides où Léüse t'a recueillie. Léüse aussi te voulait. Mais tu seras à moi.
(silence obstiné)
Léüse a d'ores et déjà décrété ta fin. Une fois sa tour achevée, il t'y fera transférer et te brûlera dans une clairière un beau matin, aux aurores. La sorcière qui se voyait déjà Duchesse ne sera bientôt plus qu'un petit tas de cendres. En attendant ce jour, tu croupiras ici. Tous les matins et tous les soirs, les gardes te violeront. Le monde t'oubliera. Ton sang de diablesse ne siègera jamais sur le trône ducal. A moins que tu ne m'accordes ce que je demande. Léüse va venir tout à l'heure. Garde-toi des faux espoirs : aucun de tes artifices ne saurait plus le faire changer d'avis. Mais je puis encore intercéder en ta faveur, si tu te montres accommodante.
(silence prolongé)
Les grottes ! Dis-moi quel est leur secret ! Quand j'y suis descendu à ta poursuite, je me suis égaré en un endroit étrange, où j'ai vu des prodiges que jamais je n'oserai répéter de mon vivant ! Par chance, j'ai pu ensuite regagner le château sans encombre, mais ce que j'ai vu là-bas, ce que j'y ai entendu me hante, et je ne puis me l'expliquer. Qu'ai-je donc vu, sorcière, dis-moi ? Vers quelles contrées magiques ces cavernes mènent-elles ? Quels autres prodiges renferment-elles, et sont-ils du Seigneur ou du Malin ? Allons, parle ! Qu'as-tu encore à perdre ?
FRÉDONIA
Comme tu aimerais maîtriser la puissance des grottes. Mais jamais tu ne comprendras leurs secrets, car elles ne sont ni de Dieu, ni du diable, et c'est là une chose que tu ne peux concevoir, petit abbé sans envergure.
LE PÈRE CÉVÈRE
Tu parles, à présent, c'est déjà une première victoire ! Mais détrompe-toi, j'ai bien d'autres tours dans mon sac, moi aussi ! Dis-moi maintenant tout ce que tu sais sur ces grottes et sur les champignons qui s'y trouvent, et peut-être pourrai-je t'épargner le bûcher.
FRÉDONIA
Pour éviter le bûcher, je me passerai de tes services. Tu as tout fait pour m'y amener, et tu prétends me repêcher au dernier moment ? A d'autres !
LE PÈRE CÉVÈRE
Repêcher une pécheresse est un acte charitable, sais-tu, mais toi, diablesse, tu es une pêche miraculeuse, un fruit défendu qu'il me tarde depuis longtemps de goûter ! Allons, laisse-moi te sauver de la fureur de Léüse, et si tu m'accordes ton savoir et tes faveurs, qui sait ? Peut-être te ferai-je retrouver le chemin du lit ducal !
FRÉDONIA
Ha ! Ce ne sont pas les bons mots d'un curé qui m'ouvriront le lit d'un Duc ! Je pense pouvoir me débrouiller à ma manière. Merci, sans façons, j'ai d'autres projets.
LE PÈRE CÉVÈRE
Soit ! Je te laisserai sous peu à tes projets. Les miens, toutefois, sont un peu plus pressants !
(il se jette sur elle : tandis qu'ils luttent, la porte s'ouvre à nouveau et entre un GARDE qui assomme LE PÈRE CÉVÈRE avec sa hallebarde avant de détacher FRÉDONIA et de montrer son visage – c'est LÉON)
FRÉDONIA
C'est vous ! Je n'étais point certaine que vous viendriez !
LÉON
J'ai bien reçu votre message. J'ai mis du temps à le comprendre, mais me voilà ! Les grottes m'ont permis de revenir à temps. Ce sont les vêtements d'un garde que j'ai réussi à assommer par-derrière. Si je vous escorte ainsi habillé, personne ne soupçonnera quoi que ce soit !
FRÉDONIA
Il faut nous hâter ! Léüse doit arriver d'un instant à l'autre, et s'il nous trouve ensemble, il nous tuera tous les deux !
LÉON
Dans les grottes, il ne pourra pas nous retrouver. Venez, suivez-moi !
(tous deux sortent précipitamment, refermant la porte sur LE PÈRE CÉVÈRE endormi)
FIN DE LA SCÈNE 17
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CORNEMONT
Humor(THEATRE -- COMEDIE) De nos jours, Léon Cornemuse, chercheur d'emploi, débarque dans la petite ville de Cornemont et tente de prouver face à un imposteur qu'il est le dernier descendant historique des Ducs de Cornemont. Mais les preuves de ce lign...