Le monde des illusions

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C'est pathétique.

Toutes ces personnes qui se bousculent et s'ignorent, qui gisent mollement dans le ventre grouillant de la ville. Toutes ces personnes plus éphémères les unes que les autres, qui se croient immortelles ; amies avec tout le monde et ignorées de tous. Toutes vovant dans une immense baie vitrée qui ne leur renvoie que le piètre visage d'une immense mascarade, où tout le monde se voile la face.
Courir ! Toujours courir ! À croire qu'un monde asphyxié par les gaz des mensonges n'existe que dans cette réalité lointaine du travail, le centre même de cette immense pièce de théâtre.
On est tous là, le matin, à se lever, pressés par le temps, au risque d'être en retard. Mais en retard pour quoi au juste ? Pour le travail ? Mais qu'est-ce que ça représente ? Un papier, du stress, de la peur... Certain qu'il n'y a que cela qui compte  (avec, pour récompense, un papier à la clé ), l'Homme en oublie la vie, ses plaisirs, ses merveilles, ses bienfaits.
Est-ce donc là le titre de ce théâtre et de son décor ? L'Oubli de l'Homme sur Terre ? Ou est-ce Le Pouvoir de la Mentalité laborieuse de la bête, rongeuse de la Terre ?
Je ne sais pas... Je ne sais plus... Tout ça... Ça me dépasse. Dans tout les cas, c'est sans conteste une pièce tragique.

À force de travailler, on en a oublié notre réalité ; notre identité. On a oublié ce qu'un monde sans travail est. On a oublié l'enfant qui est en nous.
Nostalgie du temps de enfance, comme je voudrais pouvoir te revivre...!
Quand nous étions petits, nous voulions jouer aux Grands. Avoir un travail. Des enfants. Une famille. Des responsabilités.
Bien sûr, on nous disait que "Chaque chose en son temps", mais comme je l'ai dit précédemment, nous étions petits. On ne comprenait pas le sens de ces mots, ils étaient... insignifiants... dépourvus de logique... Ils n'appartenaient pas à notre réalité.
On jouait, on se chamaillait, on pleurait, on riait... Pour nous, le monde des Adultes était tellement loin...! C'était dans un futur tellement éloigné, que l'on en avait confiance sans vraiment y réfléchir. On se disait que l'on "avait le temps"...
Et puis un jour... on a grandit. On a eu ce que l'on désirait, enfant. On nous a incomblé des responsabilités diverses, qui sont devenues plus compliquées avec le temps. On est entré dans le monde des adulte. On a arrêté de rire, de se chamailler, de courir... ce n'était plus conforme à notre rang. On oublié les enfants que nous étions. On a oublié ce que "vivre" signifie. On nous a dit qu'il fallait grandir. Alors on a grandi. Et nous sommes devenus plus que l’ombre de nous-même.

Oui, on peut dire que je suis nostalgique. Je regrette l'époque où on ne se souciait de rien.
Les choix les plus difficiles étaient de savoir si on voulait la glace bleue ou rouge. Mais quelle tragique confrontation par rapport à ceux que l'on fait maintenant ! Comment donc avons-nous pu vivre dans cette ignoble ignorance ?!

Je ne suis pas sans regrets du monde des enfants. Pas de stress, pas de soucis, pas de problèmes... On laissait nos parents gérer. C'était un "truc de Grand".
Mais maintenant, c'est nous les Grands, les Adultes, ceux à qui les gamins rêvent de ressembler. On se doit de leur montrer l'exemple. Mais quel exemple ?!!
Regardez un peu la société dans laquelle ils souffrent de vivre ?! Pensez-vous vraiment que c'est ce monde dont ils rêvent ? C'est ça l'exemple que nous leur donnons du monde ? Ravagé par les flammes de la guerre, balayé par le souffle du racisme, arrosé par la pluie de la haine, cultivée par les Hommes de la peur,  illuminé par le soleil de la destrucution...
C'est ça le monde qu'on leur laisse ?! C'est ça le monde dans lequel nos enfants vont vivre ?! Mais vous vous foutez de leur gueule !!! Vous leur donnez des mirages pour futurs ; vous leur offrez des illusions pour histoires ! Comment voulez-vous qu'ils aient la foie en vos propos si sincères que même Pinocchio n'oserait les prononcer ne serait-ce que en pensée...!
Si au moins vous leur contiez les misères du mondes ! Si au moins vous leur racontiez les horreurs de la vie que vous subissez ! Au moins... au moins, ils seront prêts pour affronter les bonniments que vous leur servez sur un plateau dargent rempli de vermines.
Là... ils pourraient peut-être avoir une chance de rendre le monde un peu moins noir ; de le changer.
Là... ils ne font qu'accuser les coups, et rentrer dans les rangs, les places qu'on leur a laissé ; dans les règles de l'art.
Ils pourront courir vers leur travail, se voir dans une mascarade, porter un masque, s'ignorer de mieux en mieux. N'être plus que l’ombre des enfants qu'ils furent dans le passé. Perdre leurs identités. Respecter les règles et la logique. Se soumettre aux devoirs.

Un monde sans règles, sans logique, sans responsabilités, c'est un monde de chaos et de corruption.
Mais la corruption existant déjà, est-ce que les règles que nous possédons ne sont qu'illusoires ? De sont-elles pas livrées comme de simples mots sans importance au vents ?
À vous de me dire...

Les Mots du Vents

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