I.

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Le jour se levait doucement sur la capitale française. La pluie tapait sur les carreaux froids. Le ciel était gris, flashé de temps à autre par de minuscules branches argentées. Dans les rues, les gens se bousculaient, accéléraient le pas pour se mettre à l'abri. L'averse s'abattait sur Paris, elle s'abattait sur tout le monde, sur nous tous. Le regard plongeait à travers le monde, je me vidais l'esprit et essayais de me concentrer sur l'affaire.
Cette affaire qui occupait mes pensées depuis maintenant quelques semaines, qui m'empêchait de fermer les yeux la nuit et me tenait éveillée du monde, le jour.
-Mademoiselle LUPIN?
Je lâcha des yeux le monde vaste qui s'offrait à moi. Froid. Glacial. Je finis par me tourner vers la voix qui venait de m'interpeller. Je hocha la tête.
-Vous aviez rendez vous avec...
-Monsieur CARTER. Finis-je par répondre.
La femme, d'une blondeur extrême, me toisa un moment.
-Vous avez quelque chose à ajouter Mademoiselle? Demandais-je avec une pointe d'ironie.
Elle fut surprise par ma question. Je plongea mon regard dans le sien, histoire de la déstabiliser un petit instant.
Un, deux, trois...
-Euh... non, enfin oui, Monsieur CARTER a un léger retard...
Sa phrase resta un moment en suspend quand je finis par pencher légèrement la tête du côté gauche.
Cette femme, travaillée sur elle, blonde décolorée, maquillage extravagant, ainsi qu'une robe incroyablement courte, représentait un tout. Une simple secrétaire.
-Peu importe.
Elle me parut surprise et à nouveau, elle se tordit les doigts. Stress. Mal à l'aise. Elle ne savait que faire et ne bougea pas. Elle ne savait plus quoi dire.
Je sortis, avec une certaine contenance, une enveloppe coincée dans mon trench noir. Et le lui tendis.
-Je n'ai pas de temps pour ce genre d'histoire. Vous donnerez cette chose à ce cher Monsieur CARTER. Et je vous conseil de le faire dans la minute qui suivra mon départ.
Quand elle eut enfin compris ma demande, je tourna les talons et sortis de cet établissement trop moderne à mes yeux. Trop sophistiqué.

Je sortis du building de "Carter Cop's compagny". Un immeuble qui ne m'enviait guère, avec son aspect vitré de bas en haut. Aucune profondeur. Des humains entraient et sortaient en masse, comme des robots dictés par le temps.
    La pluie n'avait point cessé. Bien au contraire, les gouttes me paraissaient plus lourdes sur ma chevelure brune acajou. Je me hâta vers une grande voiture noire avec des vitres teintées. Une Aston Martin des dernières années. Magnifique investissement. Un homme de taille moyenne, costard-cravate, sortit rapidement du véhicule pour m'ouvrir la portière arrière. J'entrais avec conviction. J'adorais les fauteuils en cuir de cette voiture.
-Ce rendez-vous s'est bien passé, mademoiselle?
    Mon chauffeur me regarda à travers le rétroviseur. Jack était un vieil ami de notre famille, un ami fidèle. Je souffla un moment avant de m'allonger entièrement sur la banquette arrière. Comme à mon habitude.
-Hum... ce con était trop occupé pour entendre ce que j'avais à lui annoncer.
    Je vis Jack rehausser les commissures de ses lèvres. Cet homme avait beaucoup de courage du haut de ses cinquante-trois ans. Il arrivait encore à m'écouter souffler de ma journée. Je souris.
-Nous allons où cette fois-ci mademoiselle? Me demanda-t-il.
    Je me redressa et réfléchis un instant. Je n'avais plus aucune piste, j'avais tout essayé, tout mis en œuvre pour arrêter ce salopard. Mais j'en étais arrivée à un point sans fin, j'étais dans le noir.
-Vous me semblez contrariée mademoiselle.
-Je le suis Jack. Je le suis. Direction le manoir.
    Sur ces derniers mots, je ferma les yeux pour profiter des balancements du véhicule.

    La bibliothèque était une pièce vaste du manoir, un endroit plein de savoirs et de caractères. Des tonnes et des tonnes de bouquins, de manuscrits d'aujourd'hui en passant par les années victoriennes et finir avant J.C.
    Le manoir était composé exactement de dix grandes pièces. Quatre au rez-de-chaussé et six au premier étage. La bibliothèque était juste accolée au salon de thé, c'est à dire au rez-de-chaussé. Ce qui me permettait de passer d'une pièce à une autre avec les perles de manuscrits en pouvant siroter un Earl Grey, parfaitement installée dans uns des vieux fauteuils du XVIIIe siècle. Un vrai bonheur. Cependant, je n'étais pas rentrée pour ce genre de passe-temps. Le salon me paraissait l'endroit idéal pour tourner en rond et tenir compte de mes réflexes et des indices dont je disposais.
    Me creuser la tête faisait partit de mon existence. Tourner en ronds, faire les cents pas. Et ça, pendant des heures durant.
    Observations. Inductions. Synthèse logique.
    Les victimes, principalement des hommes et des enfants, avaient été retrouvés de façon inhabituel. Les corps étaient indéniablement dans des états horribles, soit nus, complètement déchiquetés, éviscérés. Et pour certains, décapités. Une scène sortit des plus grands succès des films d'horreur hollywoodien. À l'heure d'aujourd'hui, il y avait exactement trois victimes accrochées à cette affaire.
    Le premier, un homme d'environ d'une vingtaine d'année, au chômage. Il avait été retrouvé vers trois-quatre heures du matin par un groupe d'hommes rentrant ivres retrouver leur lieu de dortoir. Un spectacle époustouflant. La police avait réussi à être sur le lieu du crime dans la demi-heure qui avait suivit l'appel. Ce jeune homme était nu, ses organes étalaient de tous leurs longs autour du corps et sa tête était méconnaissable. Le corps gisait à moitié dans une marre d'eau. Il devait avoir plu cette nuit là. L'autopsie n'avait rien révélé de plus.
    La seconde victime était, elle aussi, un homme du même tranche d'âge que la première. Le corps avait été retrouvé dans la journée, vers treize heures en plein soleil, à la lisière d'une forêt. Comme pour la première victime, le corps avait exactement les mêmes lacérations. Le résultat avait été le même que la première autopsie. Soit toujours rien de concluant.
    Pour la troisième et dernière victime jusqu'ici, le tueur avait modifié son mode opératoire. Cette fois-ci, c'était une jeune fille d'à peine neuf ans qui avait été retrouvée dans les hauts de la forêt. À quelques kilomètres du lieu, où on avait découvert le second corps. L'enfant, retrouvée nue, comme les deux premières victimes mais pour celle-ci, la tête avait été littéralement arrachée du reste du corps.
    Un déséquilibré sadique. Je ne savais que dire de plus sur cette affaire sanglante. Je n'avais jamais eu affaire à ce genre de meurtre, de scènes de crimes aussi sordides les unes que les autres. Et pourtant, j'en avais vu pas mal et pas souvent des jolies. Mais là, le spectacle était présent. Ce genre d'assassin n'était pas du genre à prendre les choses à la légère et ne laissait rien au hasard. Au fond de moi, je savais qu'il y avait quelque chose qui clochait dans toute cette histoire. Mais je n'arrivais pas à mettre les doigts dessus. C'est ce qui me rendait le plus vulnérable.
    Mon cerveau partait à la dérive, je n'arrivais plus à me concentrer de nouveau. Quelque chose n'était pas logique dans ce genre de raisonnement.
Je le sais, j'en suis sûr. Quelque chose n'est pas normal. Mais quoi?

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 18, 2019 ⏰

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Les serviteurs du Chaos    ~Faim de LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant