M A R C H E D O U Z E
vu que j'avais des jambes
j'ai su que je pouvais bouger me
lever.
avancer, faire quelques pas, compris que
je pouvais
je ne sais pas si je me lève je
crains le bruit le
mouvement le
changement la
vie
elle court et je ne peux pas l'attraper rattraper je
ne peux pas la doubler
la tromper elle
attend
dehors
sais que je la rejoindrai dehors car
je n'ai pas le choix pas de
poids aucun
poids
je remue les jambes
je les sens ce mouvement réveille la toux, mais la faim la fait taire
je
fais taire
la peur
elle n'est plus liée à l'idée peut-être qu'elle ne l'a jamais été
elle est comme moi elle me
redoute
je tends les bras
mes mains rencontrent le sol froid, mes bras fragiles se crispent
mes poumons se bloquent mes yeux se ferment
mes oreilles s'isolent, je suis entièrement
seul
ma mâchoire se serre
je ne me prépare pas, ne réfléchit plus
me lève
d'un coup
même si mes jambes tremblent
que ma volonté se réveille, elle voudrait me voir immobile
je ne prends pas appui sur les murs
je crois qu'ils feraient tout pour me faire tomber je sens
qu'ils ne veulent pas que je bouge
ils craignent que je sorte
que je les quitte
je crois que c'est eux
qui renferment toute la peur
je ne veux pas sortir, ne ferai rien pour sortir je sais
qu'on viendra me chercher
bientôt
jamais
je ne veux pas
être à terre
quand ce sera le cas
pas que ces gens dehors sachent
que j'étais à terre
mes jambes vacillent
je tiens bon
debout je sens la fragrance du doute elle embaume l'air
une odeur simple, parfumée légère elle s'insinue en prenant des airs de douceur
ma respiration se précipite
je ne vois pas davantage de là, toujours dans l'ombre et c'est la seule chose qui me rassure
j'ai un goût métallique dans la bouche
je ne sais pas d'où il vient la toux se tait elle
attend
retient son souffle elle aussi
j'ai bougé et je sais ce que ça implique
même si je rejette au plus loin l'idée et que jamais
jamais je ne voudrai sortir
j'ai peur
de ce qu'il y a dehors
de ce que je pourrais devenir dehors
peur
loin de tout ce que je connais
j'ai peur
de la lumière et des couleurs
je ne veux pas être aveuglé
comme si je ne les avais jamais connus alors que je sais que l'avant en était empli, qu'il n'était que ça
que
lumière
et je sais qu'il y en a dehors
je crois que tout est sombre dehors
que l'extérieur est écrasé par la clareté enfoui sous des nuages lourds de lumière et qu'il pleut toujours mais que la pluie est
noire de gouttes sans odeur, que les nuages
ne respirent pas, qu'ils étouffent les étouffent à moins que ce ne soit eux
dehors
eux qui les écrasent et les étranglent
ils ne sont plus conscients
de ce qu'ils sont ce qu'ils étaient et je ne veux pas
oublier
mon souffle se coupe
je sais que je vais tomber
j'ai mal dans les jambes et pourtant
je n'ai rien
je suis
loin
derrière
au loin
derrière
le temps
peux plus
m'enfuir

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Avant Quinze
ContoUne course immobile contre le temps. Volonté de figer, conserver ce qui finira irrémédiablement par tomber dans le souvenir ; se souvenir. Ultime rappel, promesse, peur de changer. Conserver un écho, au moins, d'une part de vie qui semble devoir se...