- Marche Douze -

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M A  R   C    H     E      D       O        U         Z          E

vu que j'avais des jambes

j'ai su que je pouvais bouger me

lever.

avancer, faire quelques pas, compris que

je pouvais

je ne sais pas si je me lève je

crains le bruit le

mouvement le

changement la

vie

elle court et je ne peux pas l'attraper rattraper je

ne peux pas la doubler

la tromper elle

attend

dehors

sais que je la rejoindrai dehors car

je n'ai pas le choix pas de

poids aucun

poids

je remue les jambes

je les sens ce mouvement réveille la toux, mais la faim la fait taire

je

fais taire

la peur

elle n'est plus liée à l'idée peut-être qu'elle ne l'a jamais été

elle est comme moi elle me

redoute

je tends les bras

mes mains rencontrent le sol froid, mes bras fragiles se crispent

mes poumons se bloquent mes yeux se ferment

mes oreilles s'isolent, je suis entièrement

seul

ma mâchoire se serre

je ne me prépare pas, ne réfléchit plus

me lève

d'un coup

même si mes jambes tremblent

que ma volonté se réveille, elle voudrait me voir immobile

je ne prends pas appui sur les murs

je crois qu'ils feraient tout pour me faire tomber je sens

qu'ils ne veulent pas que je bouge

ils craignent que je sorte

que je les quitte

je crois que c'est eux

qui renferment toute la peur

je ne veux pas sortir, ne ferai rien pour sortir je sais

qu'on viendra me chercher

bientôt

jamais

je ne veux pas

être à terre

quand ce sera le cas

pas que ces gens dehors sachent

que j'étais à terre

mes jambes vacillent

je tiens bon

debout je sens la fragrance du doute elle embaume l'air

une odeur simple, parfumée légère elle s'insinue en prenant des airs de douceur

ma respiration se précipite

je ne vois pas davantage de là, toujours dans l'ombre et c'est la seule chose qui me rassure

j'ai un goût métallique dans la bouche

je ne sais pas d'où il vient la toux se tait elle

attend

retient son souffle elle aussi

j'ai bougé et je sais ce que ça implique

même si je rejette au plus loin l'idée et que jamais

jamais je ne voudrai sortir

j'ai peur

de ce qu'il y a dehors

de ce que je pourrais devenir dehors

peur

loin de tout ce que je connais

j'ai peur

de la lumière et des couleurs

je ne veux pas être aveuglé

comme si je ne les avais jamais connus alors que je sais que l'avant en était empli, qu'il n'était que ça

que

lumière

et je sais qu'il y en a dehors

je crois que tout est sombre dehors

que l'extérieur est écrasé par la clareté enfoui sous des nuages lourds de lumière et qu'il pleut toujours mais que la pluie est

noire de gouttes sans odeur, que les nuages

ne respirent pas, qu'ils étouffent les étouffent à moins que ce ne soit eux

dehors

eux qui les écrasent et les étranglent

ils ne sont plus conscients

de ce qu'ils sont ce qu'ils étaient et je ne veux pas

oublier

mon souffle se coupe

je sais que je vais tomber

j'ai mal dans les jambes et pourtant

je n'ai rien

je suis

loin

derrière

au loin

derrière

le temps

peux plus

m'enfuir

Avant QuinzeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant