Thinspiration

Chiffres

Capucine se réveilla le sourire au lèvres. C'était un beau rêve qu'elle avait fait... Oui, c'était une magnifique illusion.

Elle sortait doucement de son sommeil au son de la répétitive musique de son réveil. Il fallait se lever. Elle posa les deux pieds sur la moquette tiède, prit une grande inspiration et se mit debout. Elle se sentait lourde.

Le réveil dans ses mains, elle marcha d'un pas instable jusqu'à sa salle de bain, où elle jeta comme la veille un regard sur son apparence.

Elle détourna vite son regard pour le pencher sur un objet bien plus intéressant.

Elle posa le pied dessus, puis l'autre. Elle n'osait regarder le résultat.

Elle descendit, puis remonta plusieurs fois dessus sans jamais regarder vers le bas.

Enfin, elle se décida et osa regarder le nombre.

Pour certaines, c'aurait pu être un idéal mais pour elle, ce n'était qu'une imperfection supplémentaire.

Elle le sentait sur chaque pore de sa peau, ce chiffre, sa signification, rampaient le long de ses cuisses, agrippaient leurs mains poisseuses sur son ventre, ses hanches et sa taille pour lui sauter au visage et fondre sur son corps pour ne faire qu'un avec elle.

Elle retira son pyjama avant de remonter sur la balance.

Le chiffre changeait radicalement, avoir pour enveloppe corporelle une crainte ne protège pas du grand hiver, et ses tremblements berçaient sa nuit si elle ne se couvrait pas.

Pourtant, ce chiffre était toujours trop grand, trop sale, trop vicieux, trop humain.

Elle avait toujours été mince.

Récemment elle était frêle.

Elle voulait devenir maigre.

La mort sur la couverture d'un magazine n'était pas encore assez pour elle. La perfection, déjà inatteignable pour autrui, n'était qu'une marche sur cet escalier sans fin.

Elle aurait accepté de mettre fin à cette fatale ascension, si quelqu'un avait pris la peine de lui montrer la douceur d'un palier.

Mais Capucine était seule.

Elle l'avait toujours été.

Entourée, peut-être même plus que d'autres mais pourtant si seule.

Seule, face à ses démons, ou plutôt seule enchainée par sa propre chair à son démon.

Avec un simple sentiment de désespoir, Capucine laissa les larmes couler sur son visage.